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La leçon inaugurale de Sophie

42 | I NTRODUCTION GÉNÉRALE

et multilatérales comme le Fonds Mondial. Soulignons enfin la collaboration historique initiée dès la fin des années 1990 avec des associations du Nord, par exemple en France AIDES, ACT-UP Paris, Solidarité Sida ou SIDACTION qui ont leur apporté un appui financier, mais également technique en termes de formation et de plaidoyer.

Les associations représentent des acteurs incontournables de la prise en charge thérapeutique ainsi que de l’accompagnent psychologique et social des enfants. À travers les financements – souvent internationaux – dont elles bénéficient, les structures communautaires contribuent au paiement des examens biologiques prescrits à l’hôpital ou de médicaments nécessaires au traitement d’infections opportunistes. Dans le cas des enfants par exemple, depuis le départ du projet BIPAI et la fin de l’essai clinique, les examens biologiques de routine tels que la numération sanguine et les CD4 qui sont en théorie gratuits, ne sont plus réalisés par le laboratoire de l’hôpital. Le coût des examens qui sont alors réalisés dans les laboratoires privés est pris en charge par les associations. Les associations proposent également du lait maternisé pour les femmes qui font le choix de l’allaitement artificiel en matière de prévention de la transmission de la mère à l’enfant.

Les associations jouent également un rôle de support social et matériel essentiel auprès des familles à travers la dispensation de support matériel, tel que le paiement des frais de scolarité, les dons alimentaires et pour moins de 10% des enfants, elles servent de relais à des parrainages financés essentiellement par des associations partenaires du Nord. Les associations jouent également un rôle important dans les activités de support social et psychologique qu’elles proposent et qui représentent une composante essentielle de la prise en charge thérapeutique des personnes vivant avec le VIH. Mais ces activités qui relèvent de la problématique du care37 (Dozon & Fassin, 1989; Gilligan, 1986; Paperman & Laurgier, 2005) généralement produit par des femmes, sont banalisées et demeurent largement « invisibles ». L’animation de groupes de paroles à l’intention des parents d’enfants infectés et des enfants eux-mêmes constituait une expérience nouvelle, émanait d’initiatives personnelles des acteurs associatifs en l’absence de recommandations et de formations ad hoc sur la question. Concernant les enfants, le rôle des associations est d’autant plus important que les métiers relatifs à la « petite enfance » mobilisent des compétences professionnelles nouvelles dont la pratique reste embryonnaire. Dans le contexte de Bobo- Dioulasso, faute de la présence d’un psychologue au sein du service de pédiatrie et du manque de formation et de disponibilité des médecins en charge du suivi thérapeutique des enfants, ce sont principalement les conseillers qui ont été amenés à faire l’annonce aux enfants à partir de 2008.

B - Caractéristiques sociodémographiques des enfants vivant avec le VIH

Au cours de l’enquête de terrain, des entretiens ont été réalisés avec quarante-six parents et adultes référents, quarante et unes femmes et cinq hommes38. Parmi les femmes, vingt-huit étaient les mères biologiques des enfants, onze étant veuves, treize des femmes mariées, et quatre des femmes célibataires Les autres femmes ayant en charge les enfants étaient quatre grand-mères (dont trois grand-mères

37 Le concept anglo-saxon de care renvoie en français à la notion de « soin ». En tant que verbe, care signifie « s’occuper de », « faire

attention », « prendre soin ». En tant que substantif, il fait référence en français aux notions de « soin » « sollicitude » et de « souci ». Le

care incarne donc consubstantiellement une « pratique de santé », une disposition affective et l’attention portée à autrui. Le care est

généralement opposé à la notion de cure qui se réfère à la guérison et incarne plus spécifiquement le traitement biomédical et la dimension technique de l’action thérapeutique.

38 La liste des parents rencontrés et les principales caractéristiques sociodémographiques sont présentées dans l’annexe pp. 392-401.

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maternelles), neuf tantes (dont six tantes maternelles) et une grand-tante paternelle. Une des femmes s’occupait de l’enfant de sa coépouse décédée, sachant que deux autres coépouses de ce mariage polygame et leur mari étaient également décédés des suites du sida. Parmi les femmes rencontrées, onze se déclaraient « ménagères » et vingt-trois exerçaient une activité dans le commerce informel. On comptait également un professeur, deux institutrices, deux conseillères associatives, une étudiante, une cuisinière, une coiffeuse. Parmi les cinq hommes interviewés, on compte trois pères – dont un veuf – un oncle paternel et un grand-père maternel. Seul l’oncle paternel était célibataire. Au total, les données collectées concernent quarante-huit enfants vivant avec le VIH, une mère ayant des jumeaux et une autre ayant deux enfants vivant avec le VIH.

Ce travail portant sur l’expérience de la maladie par les enfants, ces derniers ont été au cœur du dispositif méthodologique. Après avoir réalisé des entretiens avec les parents et obtenu leur aval, des entretiens ont ainsi été réalisés avec trente-neuf enfants vivant avec le VIH âgés de plus de sept ans. Parmi ceux-ci, trente-cinq vivaient avec au moins un membre de leur famille, un était pris en charge dans une institution, et un autre était placé dans une famille d’accueil. Seize enfants étaient orphelins de père et de mère, onze étaient orphelins de père, un orphelin de mère. Les enfants et adolescents rencontrés étaient âgés de sept à dix-neuf ans, avec un âge moyen de 11,6 ans. Onze de ces enfants avaient moins de dix ans au moment de notre premier entretien, quinze avaient entre onze et quatorze ans et treize avaient entre quinze et dix-neuf ans.

Concernant le genre, le groupe d’enfants était composé de vingt-trois filles et seize garçons. La majorité des enfants a été infectée par la voie maternelle, un enfant ayant un mode de transmission indéterminé, tandis que quatre des jeunes filles ont été infectées par la voie sexuelle. Ceci explique la raison pour laquelle le nombre de filles est supérieur au nombre de garçons, sachant que d’une façon générale, la file active de l’hôpital pédiatrique comprenait un nombre de filles et de garçons équivalent. Concernant leur prise en charge thérapeutique, trente-deux étaient sous traitement antirétroviral au moment de l’enquête, six étaient sous traitement prophylactique au cotrimoxazole39. Un enfant en rupture de suivi, était sans traitement. D’un point de vue scolaire, trente-deux enfants étaient scolarisés, souvent grâce au soutien financier des associations. Un adolescent de quatorze ans était en formation scolaire, et un de dix-huit ayant achevé sa formation de menuisier recherchait un emploi. Trois adolescents étaient déscolarisés en raison de leur état de santé, tandis que trois autres adolescents n’étaient pas scolarisés. Il est à noter que deux de ces adolescents sont des adolescentes infectées par la voie sexuelle et qui n’étaient pas scolarisées au moment de la découverte de leur statut.

Autre point important à souligner dans la présentation de l’échantillon des enfants rencontrés, vingt- vingt-sept enfants sur trente-neuf étaient informés de leur statut sérologique et trois avaient été partiellement informés (ie. le mot « sida » n’ayant pas été explicitement nommé). Neuf enfants n’étaient donc pas formellement informés de leur maladie. D’un point de vue épistémologique, la question de savoir si je devais réaliser des entretiens avec des enfants informés ou non de leur maladie s’est posée dès le début de l’enquête. Réaliser des entretiens avec des enfants non informés de leur maladie posait des problèmes d’ordre éthique et épistémologique faisant écho à la situation d’enquête décrite par Vidal à Abidjan dans les années 1990, dans le cadre de son étude sur les itinéraires thérapeutiques de patients

39 « Cotri » est le diminutif de cotrimoxazole, antibiotique communément utilisé de façon prophylactique dans la prise en charge des

personnes infectées par le VIH afin de prévenir des infections opportunistes comme la pneumocystose ou la toxoplasmose.

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