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La leçon inaugurale de Sophie

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à l’hospitalisation et examens cliniques tels que le comptage des CD4 ou les charges virales. Un essai clinique thérapeutique visant à évaluer l’efficacité thérapeutique d’une trithérapie en prise unique a également été mené au sein du service de 2005 à 200833. De 2006 à 2009, le service de pédiatrie a bénéficié du soutien du projet américain BIPAI (Baylor International Pediatric AIDS Initiative)34, à

travers notamment un appui technique de quatre pédiatres américains et un appui financier. Dans le cadre d’un projet de collaboration avec l’État Burkinabè, la construction d’une « clinique d’excellence pour les enfants vivant avec le VIH » avait été prévue. Le projet BIPAI a prématurément été interrompu en 2009 à l’initiative de ses promoteurs américains en raison de « désaccords », notamment dus au retard lié à la construction de l’hôpital qui aurait dû ouvrir fin 2008. Au-delà de la production de données scientifiques, l’essai clinique a favorisé au sein du service la formation du personnel soignant sur la question du VIH et plus généralement sur la conduite d’essais cliniques.

Le point qu’il me semble essentiel de souligner en regard de ces différents partenariats est l’appui technique, financier et en ressources humaines qu’ils apportent au service de pédiatrie. Dans le contexte d’un système de santé caractérisé par le l’iniquité de l’accès aux soins (Ridde, 2003, 2007)35, ces partenariats techniques et financiers jouent un rôle central dans la qualité et l’effectivité du suivi réalisé. Mais ces programmes ayant une durée de vie limitée – voire précocement écourtée dans le cas du projet BIPAI, qui a été prématurément suspendu en 2009. Alors que la construction d’un hôpital pédiatrique dédié à la prise en charge du sida était prévue, les partenaires américains ont suspendu leur collaboration avec le Ministère de la Santé burkinabè, pour des raisons officielles dont je n’ai pas eu connaissance à ce jour.

Le rôle singulier des associations burkinabè dans la réponse à l’épidémie

La projet recherche a été conduite en partenariat avec le service de pédiatrie du Centre Hospitalier National Sanou Sourô de Bobo-Dioulasso et de deux associations de prise en charge communautaire, Responsabilité Espoir Vie Solidarité (REVS+) et Action Espoir pour Demain (AED). Ces associations ont respectivement été créées en 1997 (REVS+) et 2003 (AED) par deux femmes vivant avec le VIH qui, en parlant publiquement de leur statut sérologique, ont joué un rôle déterminant pour la visibilité de la maladie et la reconnaissance des associations de personnes vivant avec le VIH au début de l’épidémie. L’association REVS+ compte 1800 adultes (dont 500 reçoivent leur traitement antirétroviral dans le cadre de l’association) et 1000 enfants. AED, dont les activités sont focalisées sur les femmes

33 Il s’agit de l’essai BURKINAME mené d’août 2005 à juin 2008. C’est un essai thérapeutique ouvert de phase II ayant pour objectif

d’évaluer une trithérapie associant lamivudine (3TC)/didanosine (ddI)/éfavirenz (EFV) en une seule prise par jour chez des enfants infectés par le VIH. Cet essai a été finance par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales sous la référence ANRS 12167.

34 BIPAI est un projet initié en 1996 par le Collège International de Médecine Baylor de Houston aux États-Unis en vue dans le but

d’améliorer la prévention, les soins et la prise en charge thérapeutique des enfants vivant avec le VIH et leur famille. Le projet BIPAI est implanté dans six pays Africains – Ouganda, Tanzanie, Malawi, Botswana, Swaziland et Lesotho – où des « centres d’excellence pour la prise en charge des enfants » ont été créés. Le programme comprend également « corps de pédiatres » – organisé sur le modèle américain du « Peace corps » – dénommé Baylor Pediatric AIDS Corps – qui envoie des pédiatres sur le terrain, en Afrique afin d’assurer la prise en charge thérapeutique des enfants et de former des professionnels de santé. Le site internet du projet peut être consulté à l’adresse : http://bayloraids.org/programs/.

35La situation sanitaire est caractérisée par un niveau de mortalité élevée, en raison notamment de par la faible couverture

sanitaire et vaccinale. Du point de vue des ressources humaines, on comptait en 2004 environ un médecin pour 30 000 habitants, une sage-femme pour 25 000 femmes en âge de procréer et un infirmier pour 2 300. C’est dans ce contexte socio- sanitaire caractérisé par le manque de ressources humaines que s’inscrit la prise en charge des enfants vivant avec le VIH

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enceintes et les enfants, s’occupe de 400 mères (notamment à travers un programme de distribution de lait maternisé) et de plus de 500 enfants.

Au Burkina Faso, la réponse nationale apportée à l’épidémie se caractérise par le rôle central joué par les associations, notamment les associations de prise en charge des personnes vivant avec le VIH (Achilli & Hejoaka, 2005). Les associations qui ont joué un rôle à la fois pionner et central dans la prévention, le dépistage, l’accès aux traitements et la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, sont aujourd’hui des acteurs incontournables de la réponse nationale. Elles bénéficient d’une importante visibilité politique et sociale comme l’illustrent les photos présentées ci-dessous, prises à lors d’une manifestation organisée à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre 2007 à

Bobo-Dioulasso. Ces photos témoignent de leur mobilisation politique, mais traduisent également la « normalisation » du sida à Bobo-Dioulasso. Les membres des associations – dont un certain nombre sont des personnes vivant avec le VIH – ne craignent pas de défiler publiquement, voire même de porter des habits confectionnés à partir de pagnes imprimés par leurs structures où apparaît le ruban rouge symbole de la lutte contre le sida (cf. photos de la manifestation de la Journée mondiale de lutte contre le sida du 1er décembre 2007 à Bobo-Dioulasso présentées dans l’annexe 2, p 404).

Au Burkina Faso, au-delà de l’effet de synergie que la mobilisation communautaire internationale a pu générer, la mobilisation des associations dans le champ de la lutte contre le sida s’inscrit dans une dynamique préexistante. Communément appelé le « pays des ONG », le Burkina Faso est connu pour la densité et la variété de son champ associatif. Il n’est qu’à se promener dans les quartiers centraux des principales villes du pays, pour découvrir, au bord du « goudron », pléthore de panneaux indiquant la direction des sièges des ONG locales et internationales, les antennes des programmes onusiens ou de coopération bilatérale. Les premières associations sont apparues au Burkina Faso dans les années 1940. Mais les années 1990 ont été marquée par une « explosion associative », due autant à la législation associative mise en place, qu’à l’influence des politiques internationales tendant à favoriser l’émergence et la reconnaissance de la société civile (Fonteneau, 2002).

Dans un contexte politique où, à l’instar de nombreux pays africains (Dozon & Fassin, 1989; Eboko, 2005), la réponse de l’État burkinabè a initialement fait défaut, les associations burkinabè ont d’emblée joué un rôle central dans la réponse apportée à l’épidémie. Dans ce paysage associatif, les associations de prévention côtoient les structures d’auto-support des personnes vivant avec le VIH. Elles ont joué un rôle précurseur dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. En partenariat avec des associations du Nord, elles ont également contribué à l’accès aux antirétroviraux, ont assuré un plaidoyer concernant la gratuité des traitements et des examens ou les droits des personnes vivant avec le VIH. Au Burkina Faso, les associations remplissent une fonction fondamentale dans le dépistage, assurant plus de 93 % des tests de dépistage de l’infection à VIH. Certaines structures comme REVS+ assurent ainsi une prise en charge médicale incluant le dépistage, le suivi clinique et biologique, la réalisation des examens biologiques ainsi que la prescription des médicaments36. Aujourd’hui, le monde communautaire de la lutte contre le sida se caractérise par la densité du réseau de ses associations et leur structuration autour de différents réseaux nationaux, et par la représentativité effective de leurs représentants dans différentes instances nationales

36 En 2007, l’association REVS+ assurait la prise en charge médicale de plus de 540 patients qui bénéficiaient de traitements

antirétroviraux à travers la structure. À titre comparatif, l’hôpital de jour de Bobo-Dioulasso, assurait en 2007 le traitement antirétroviral de 1543 personnes (Communication personnelle du Dr Adrien Sawadogo, directeur de l’hôpital de jour de Bobo- Dioulasso).

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