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Une action stratégique aux objectifs de plus en plus réduits

1.3 Gérer la retraite (9 juin – 25 juin)

1.3.1 Les premiers replis

• Situation au 8 juin 1940

Si à la fin du 7 juin 1940, la VIe armée tenait sur l’Aisne, tandis que la VIIe armée résistait sur sa seconde position, la situation de la Xe armée était critique. Les Allemands avaient réussi à percer à Forge-les-Eaux, menaçant de la couper en deux. Weygand se rendit alors au poste de commandement (PC) du général Altmayer, pour constater qu’il était lui-même bombardé et n’avait plus de communications avec ses unités. Le généralissime en fut grandement impressionné79. Délicate sur la carte, la situation l’était également aux niveaux des troupes disponibles pour contre-attaquer. Par exemple, le général Keller lui adressa le soir du 7 juin un état des disponibilités en chars qui indiquait qu’il restait aux armées françaises environ 1 000 chars – plus 345 FT – en état de combattre ou en réparation80. Elles avaient donc perdu près d’une centaine de chars modernes depuis la veille. Weygand ne pouvait que constater le délitement rapide de l’arme blindée française.

Dans la nuit du 7 au 8 juin, les renseignements qui parvinrent au général Besson montraient que son dispositif ne pouvait plus être ressoudé. Le 8 juin au soir, deux options s’offraient alors à Weygand quant au repli de la Xe armée : l’orienter de tout son long sur la Seine ou rétablir un

maximum d’unités sur l’Oise et laisser sa gauche tenter de se faire embarquer par la mer. Consulté, le général Altmayer indiqua que l’on ne pouvait plus penser devancer les Allemands sur la Seine81. Cet avis avait déjà été formulé le même jour à 7h30, dans une note du 3e Bureau

du GQG, mais qui n’avait pas été présentée à Weygand. Cette note soulignait que l’ennemi pourrait atteindre Rouen dès la fin de la matinée du 8 juin82. Bien qu’il préférait la première solution, Weygand dut admettre un rétablissement du dispositif français sur l’Oise et la Seine, en aiguillant en priorité les renforts à l’est de l’axe Elbeuf-Rouen et non sur tout le cours du fleuve. Ainsi, au cours de la journée du 8 juin 1940, le plan défensif du généralissime français

79 François Delpla, Op. cit., p. 308.

80 27N 105, État des disponibilités en chars au 7 juin au soir, n°3451 /1.Chars.S, 7 juin 1940. 81 Pierre Rocolle, Op. cit., p. 254.

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était irrémédiablement dépassé, vu que la première partie de la ligne (Basse-Seine) qu’il avait définie comme limite de la profondeur de son dispositif était dès à présent atteinte par les Allemands.

• L’impossibilité de toute bataille d’arrêt

Le lendemain, 9 juin 1940, tandis que les Allemands déclenchaient leur offensive sur l’Aisne, obligeant déjà le général Huntziger (commandant du groupe d’armées n°4) à reculer ses unités, Weygand ordonna le repli du groupe d’armées n°3 sur la ligne Basse-Seine-position de Paris-Marne83. Il enterrait donc dans les faits sa stratégie basée sur une bataille d’arrêt, bien que celle-ci fût amenée à perdurer officiellement jusqu’au 12 juin. Pourquoi ? Car, l’ordre de retraite suscité conduisait le GA 3 à se rétablir sur un front partant de la mer, allant à Bornan, sur l’Oise, remontant jusqu’aux environs de Compiègne, ralliant l’Ourcq, puis la Marne vers la Ferté. Ce qui amenait le dispositif français à être de fait très fragile. À l’ouest de l’Oise, Weygand avait bien donné le 8 juin des ordres au général Duffour (commandant la 3e région militaire) pour qu’il mît en défense les ponts de la Seine et prépare la destruction des installations pétrolières. Mais celui-ci ne disposait que de trop peu d’unités et la défense devait s’établir dans la précipitation84. À l’est, à la jonction de la VIe et de la IVe armée, le front

formait un coin dangereux pour la liaison entre le GA 3 et le GA 4. De ces deux faits, la dislocation du dispositif français au niveau du GA 3 était une question de jours, puisqu’il ne reposait aucunement sur des positions solidement établies, d’une part, et présentait sur la carte un tracé favorable aux Allemands, d’autre part. Ainsi, même si les armées françaises de l’est tenaient bon, elles seraient débordées sur leur flanc gauche, puis enroulées. Weygand reprenait en son esprit ce pessimisme que suggérait le terrain. Dans sa note du 10 juin 1940 à Reynaud85, il l’informait que « la rupture définitive de nos lignes de défense [pouvait] survenir d’un moment à l’autre ». À l’appui de ce point de vue, il avançait craindre que les « divisions [françaises], recrues de fatigues et diminuées par les pertes, [fussent] impuissantes, sous la pression d’une ennemi trois fois plus fort à se rétablir solidement » sur le nouveau front. Les faits ainsi présentés, le subjonctif employé par Weygand était en réalité un indicatif. Par

83 SHD, 27N 3, Instruction personnelle et secrète du général Weygand, n°1430 3/FT, 9 juin 1940.

84 SHD, 27N 79, Note du général Weygand pour le général Duffour, n°1427 3/FT, 8 juin 1940 et Pierre Rocolle,

Op. cit., pp. 254, 255 et 262.

85 SHD, 27N 3, Note du général Weygand pour le président du Conseil, n°1501 3/FT, 10 juin 1940, 10 heures

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conséquent, que ce fût sur le terrain ou dans l’esprit de Weygand, il n’y avait plus de bataille d’arrêt possible.

Malgré ce constat, le haut-commandement entendait continuer d’organiser la résistance. Le 10 juin, le généralissime français confirma l’ordre de repli de la Xe armée sur la Seine, en

répartissant au mieux les zones de commandement pour la défense du fleuve86. À l’est, le général Georges rappela à l’ordre le général Huntziger, qui avait prescrit un repli trop profond de ses éléments lourds au regard des instructions de Weygand87.

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