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Une action stratégique aux objectifs de plus en plus réduits

1.3 Gérer la retraite (9 juin – 25 juin)

1.3.2 La fin des opérations

• L’instruction personnelle et secrète du 11 juin 1940

Sur le front, les éventualités que Weygand avait évoquées dans sa note du 10 juin commençaient à se produire dès le lendemain. A l’ouest, le IXe corps était acculé contre la mer

mais sans possibilité d’embarquement, tandis que les Allemands avaient saisi des têtes de pont sur la Seine. A l’ouest, la IIe armée (région de Verdun) avait dû décrocher de sa position dans

la nuit, mettant la IVe armée en fâcheuse posture. Par conséquent, le 11 juin en fin de matinée, après concertation avec les généraux Doumenc et Georges, le commandant en chef fit rédiger par le premier à l’attention du second, une instruction personnelle et secrète88 visant à préparer

la manœuvre qu’aurait à exécuter l’armée française en cas de rupture profonde de la ligne Basse-Seine-position de sûreté de Paris-Marne. Le général Georges retranscrivit cette instruction dans un « Plan de manœuvre » le 12 juin au matin89 Stratégiquement, il s’agirait

« de regrouper [les armées françaises] sur la ligne générale Caen, Tours, la Loire moyenne, Clamecy, Dijon, Dole », pour pouvoir « couvrir aussi longtemps que possible le cœur du pays et conserver le plus grand nombre de grandes unités ». En termes opérationnels, le général en chef définissait les grandes directions sur les lesquelles les groupe d’armées devraient se replier et en même temps résister. Il identifiait également, sous le terme de « môles », les zones de la ligne générale de repli qui seraient les plus propices à l’organisation d’une résistance acharnée : les collines du Perche et de la Loire moyenne, le Morvan et les forêts du Doubs. Enfin, sous la plume de Doumenc, Weygand donnait quelques consignes tactico-opérationnelles. Tout

86 SHD, 27N 79, Ordre particulier du général Weygand au général Altmayer, n°1500 3/FT, 10 juin 1940. 87 François Delpla, Op. cit., pp. 313-314.

88 SHAT, 27N 3, Instruction personnelle et secrète du général Weygand pour le général Georges, n°1444 3/FT, 11

juin 1940.

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d’abord, il faudrait « éviter l’émiettement des unités ». Cette obligation peut paraître à double tranchant. En effet, elle découlait de l’objectif de garder un maximum de grandes unités, terme qui, depuis la Première guerre mondiale, descendait jusqu’à la division. Une telle obligation entrait donc potentiellement en contradiction avec « le maintien de la cohésion [des] armées » dont le général Georges faisait la préoccupation principale dans son « Plan de manœuvre », puisque dans l’état de l’armée française, les généraux à cinq étoiles seraient certainement amenés à étirer les fronts de leurs divisions pour garder un dispositif cohérent au sein de leur groupe d’armées ou de leur armée. Par conséquent, Weygand et le haut-commandement français ne fixait pas au futur tronçonnement de l’armée française une limite claire qu’il jugeait primordiale de ne pas dépasser. Le commandant en chef demandait également à ses grands subordonnés de « marquer des positions successives, sur lesquelles les grandes directions resteraient tenues » et de « déplacer par échelon [leurs] grandes unités ». Ici, Weygand visait sans doute à s’assurer que les armées établiraient une défense en profondeur d’une grande ampleur, qui répondrait logiquement à la vaste manœuvre en retraite envisagée. Enfin, les moyens de transports seraient décentralisés au niveau des groupes d’armées, voire des armées concernant les moyens automobiles.

Cette instruction personnelle et secrète n’était pas un plan stratégique à proprement parler – au sens où la ligne générale de repli n’était pas une position où serait livrée une bataille d’arrêt permettant d’infliger une défaite à la Wehrmacht, mais une « directive générale » permettant à l’armée française de continuer la lutte en cas de dislocation de son dispositif. Dans ce cas, comme le souligne Weygand90, les groupes d’armées seraient éventuellement amenés à se battre séparément et non sur un front continu. L’instruction personnelle et secrète du 11 juin 1940 laissait donc une grande initiative aux généraux Besson, Huntizger et Prételat pour l’exécution de leur mouvement et dans leurs objectifs opérationnels (par exemple, les « positions successives » « à marquer » par chaque groupe d’armées ne sont pas déterminées par Weygand), le haut-commandement se contentant de définir le cadre général de la manœuvre en retraite.

• La retraite générale et le tronçonnement

90 Weygand, Op. cit., p. 195.

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Le 12 juin, les mauvaises nouvelles s’accumulèrent dès le lever du jour91. A 13 heures,

le général Weygand donna l’ordre de retraite générale, de la Manche au Rhin92. À partir de ce

moment-là, il décida de s’en remettre aux généraux Georges et Doumenc pour la conduite quotidienne des opérations, tenant seulement à être informé régulièrement de l’évolution de la situation militaire et à prendre les décisions importantes quand elles s’imposeraient. Weygand avoue lui-même cette façon de procéder dans ses Mémoires93, qui sont sur ce point corroborés par divers faits. Relevons, pour l’exemple, qu’à partir du 13 juin, très peu d’ordres issus du GQG sont signés par Weygand, mais pour la plupart portent la paraphe de Doumenc.

Le 15 juin 1940, le général Georges confirma au généralissime le tronçonnement des armées94 : à l’est, le groupe d’armées n°2, adossé à la ligne Maginot, était presque encerclé ; au centre, le groupe d’armées n°4 refluait plus ou moins en désordre ; à l’ouest, le général Besson allait bientôt voir la Xe armée coupée du reste de ses unités. C’était donc la fin de toute

résistance coordonnée.

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