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La vue générale de culte des ancêtres dans le monde de la Bible

INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE

1. APERÇUS DE RITES ET DE PRATIQUES CONCERNANT LES DÉFUNTS

1.4. LIENS ENTRE LES VIVANTS ET LES MORTS

1.4.1. La vue générale de culte des ancêtres dans le monde de la Bible

L’archéologie et des documents écrits fournissent des preuves sans équivoque de la prévalence du culte des ancêtres dans l’ancien Proche-Orient. Les fouilles à Ebla ont révélé un sanctuaire du Bronze Moyen et un cimetière consacré à la rp’um, les ancêtres décédés. Leur culte inclut la consommation d’aliments rituels, les rites, dans lesquels les noms des morts ont été récités, des offrandes de sacrifices d’animaux et de légumes sont repérés, et le culte de petites images cultuelles des ancêtres royaux peut être remarqué481.

Du point de vue archéologique, des vestiges de culte des ancêtres ont été constaté parmi les Cananéens. Les statues schématiques trouvées à côté des stèles Hazor sont des idoles des ancêtres. Ces statues et stèles sont interprétées comme liées à des cultes des ancêtres et des morts482. 479 Cf. Ibid., p. 113. 480 Cf. Id.

481 Cf. Jacob MILGROM, Leviticus 17-22, (The Anchor Bible, 3 A), Doubleday, New York, 2000, p. 1772. 482

J. Milgrom signale que les conditions sombres du monde souterrain en Mésopotamie sont détaillées par Kuwabara. Les trous vus dans les sols des tombes creusées en Samarie à l’époque préexilique pourraient servir de réceptacles pour les libations aux morts. On rencontre aussi la libation d’eau, d’autres liquides et des offrandes de nourriture pour les esprits des morts483. La personne en charge de verser l’eau vers le bas était le paqidu, le « gardien ». À Ougarit, cette personne est celui qui met en place les stèles de son ancêtre divin dans le sanctuaire484.

Le culte des ancêtres est également représenté par l’offrande kispum485

. Cependant, comme le montre Tsukimoto, le rite kispum était presque toujours limité à la lignée royale. La pratique araméenne d’offrandes de nourriture aux morts se reflète dans l’inscription de Panammu qui est un texte qui décrit la liturgie de rite funéraire. Elle est d’origine ougaritique486.

L’esprit de Samuel est appelé םיהלא « divinité » en 1S 28, 13 (cf. Is 8, 19). Cela a été éclairé par un texte ougaritique dans lequel les ripm « les fantômes », ilym « les divinités », ilm « les divines », et םיתמ « les morts » sont tous mis en parallèle. Des textes d’Emar en Syrie du nord, du Bronze ancien, ont confirmé l’équivalence de l’akkadien ilanu « dieux » et םיתמ

« décédés » dans un certain nombre de passages487. Une déclaration akkadienne rapportée par Huehnergard montre une sollicitation d’invocation des dieux et des morts par une fille car les morts sont appelés « dieux » en raison de leur rôle de gardiens de leurs descendants488.

Le but du culte des ancêtres était d’obtenir les faveurs de la personne décédée pour la vie présente. Un deuxième objectif est que l’invocation du nom du défunt dans le culte funéraire était le moyen pour la plupart des gens de perpétuer leurs noms après la mort489.

Un autre but de ce culte est d’éviter le comportement malveillant des esprits des morts. Si les ancêtres n’étaient pas régulièrement et correctement nourris, ils seraient condamnés à un régime d’excréments, ce qui susciterait leur colère irrépressible. En Mésopotamie, la kispum était offert à la nouvelle et pleine lune, car il était communément admis que dans ces occasions, les esprits défunts montaient sur la terre pour chercher les offrandes des vivants.

483

Cf. Ibid., p. 1772-1773.

484

Cf. Theodore Joseph LEWIS, Cults of the dead in Ancient Israel and Ugarit, (Harvard Semitic Monographs, 39), Scholas Press, Atlanta, 1989, p. 54.

485

Le rituel de Kispum est une réalité commune au monde syrien et mésopotamien. Il est un « culte rendu aux ancêtres deux fois par mois, sous la forme d’un repas qu’atteste la documentation administrative de Mari. Il n’est pas propre au souverain car « au moment où le roi célèbre le culte des ancêtres dans sa demeure, chaque chef de famille fait de même chez lui ». Il est un moment privilégié de la commémoration des origines tribales. Les documents du service administratif de la table du roi à Mari montrent la coexistence, de manière distincte, d’un repas pour les rois défunts et d’un repas pour les ancêtres défunts qui ont entouré le roi et partageaient un destin commun, le nomadisme originel et la vie sous la tente, et un sang royal, celui d’un ancêtre éponyme, c’est-à-dire le clan royal tout entier. Cf. Antoine Jacquet, « Les rituels royaux à l’époque amorrite. Religion et politique d’après les archives de Mari », dans Claude Gauvard (préface) et Grégory Aupiais (auteur), Hypothèses

2004, Travaux de l’École doctorale d’histoire, La Sorbonne, Paris, 2005, p. 45-46. Pour J-M Durand, le kispum

est un culte rendu aux morts en Babylonie, cf. Jean-Marie DURAND, « Le kispum dans les traditions amorrites », dans Jean-Marie DURAND, Thomas RÖMER et Jürg HUTZLI (dirs.), op. cit., 2012, p. 33 ; cf. aussiJacob

MILGROM, op. cit., 2000, p. 1773 ; Brian B. SCHMIDT, op. cit., 1994, p. 27-35.

486

Cf. Jacob MILGROM, op. cit., 2000, p. 1773, cf. aussi Theodore Joseph LEWIS, op. cit., p. 95-97.

487

Cf. Ibid., p. 1773-1774.

488 Cf. Theodore Joseph LEWIS, op. cit., p. 50, cf. aussi Jacob MILGROM, op. cit., 2000, p. 1774. 489

On avait besoin de prescriptions magiques pour les expulser. Les exorcistes les apaisaient en veillant à leurs besoins légitimes dans le monde souterrain490.

Avant 1970, de nombreux chercheurs ont nié l’existence d’un culte israélite des morts. Ainsi R. de Vaux déclare qu’on honore les morts dans un esprit religieux, mais on ne leur rendait pas de culte491. En 1960, Kaufmann concluait que le royaume des morts, le culte des morts ne jouaient aucun rôle dans la religion de Yahvé. Néanmoins, des textes indiquent qu’un culte des ancêtres existait bel et bien492. L’interdiction de la nécromancie dans des passages bibliques (cf. Lv 20, 27; Dt 13, 2-6; 18, 20) prouve l’existence de ce culte des ancêtres. Il y a mêmes des textes qui montrent ces pratiques et qui les critiquent.

Des auteurs associent l’interdiction de la nécromancie à des raisons politiques. Le culte des morts serait une menace potentielle et puissante contre la politique de l’Etat, qui avait approuvé le culte de Yahvé comme le seul culte légitime en Israël. Le culte des ancêtres pourrait inspirer la résistance à la direction de l’administration nationale493.

Beaucoup de passages bibliques que nous traiterons prochainement mettent en relief ces pratiques de culte des ancêtres dans l’Israël ancien. De ces passages, 1S 28 et Is 8, 19-20 figurent parmi les plus évidents, et associent également le culte des ancêtres à la nécromancie. Ces passages parlent plutôt des morts mais non pas des ancêtres. Pourtant, il est logique que dans le culte des morts, cela s’adresse aux ancêtres et non aux morts en général. Mis à part des liens affectifs et de dévotion, les ancêtres pourraient accorder des faveurs aux parents qui leur fournissent ce culte494.

Selon H. Nutkowicz, « les textes de l’Ancien Testament témoignent de l’évocation des défunts, invoqués et consultés, auxquels des connaissances incomparables sont attribuées. Cette évidence découle de l’usage de la nécromancie. La communication avec les ancêtres s’établit, en effet, par le truchement de ce système divinatoire. » Des passages bibliques soulignent que l’invocation des esprits est d’usage courant. Ce phénomène nous laisse l’impression que les Israélites de l’époque croient à l’efficacité de ces pratiques495. Le récit de 1S 28, 3-25 est l’unique grand témoignage de l’Ancien Testament sur la nécromancie et ses conditions.

1.4.2. Rappel de l’évolution des recherches sur l’invocation et le culte des morts dans la

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