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Les ressemblances du Rasahariaña aux autres pratiques du culte des Ancêtres

3. LES DESTINATAIRES ET L’ORIGINALITÉ DU RASAHARIAÑA

3.5. L’ORIGINALITÉ DU RASAHARIAGNA FACE AUX AUTRES PRATIQUES DE CULTE DES ANCÊTRES À MADAGASCAR

3.5.4. Les ressemblances du Rasahariaña aux autres pratiques du culte des Ancêtres

Avant l’organisation du rite du culte des Ancêtres, on rencontre souvent le recours aux devins ou aux astrologues pour connaître le jour faste du rite en question et la volonté des défunts ou des Ancêtres destinataires du culte.

Puisque le Rasahariaña est un rite d’ancestralisation, le destinataire devient à part entière un Ancêtre qu’on peut invoquer pendant les jôro. Autrement dit, le culte permet au défunt de rejoindre son groupe dans l’au-delà et même sur la terre. C’est un aspect que nous trouvons dans l’exhumation et toutes les autres secondes funérailles et les rites d’ancestralisation. Comme d’autres formes du culte des Ancêtres à Madagascar qui ne sont pas royaux, cette exhumation ancestralise le (s) destinataire (s) du rite. Dans ce cas, ce rite de Rasahariaña et les autres rites de ce genre sont en quelque sorte une « béatification » ou une « canonisation » pour le défunt destinataire du rite. Mais cet aspect, nous ne le trouvons pas dans les cultes des Ancêtres royaux à Madagascar car les rois sont déjà considérés Ancêtres.

La présence de jôro est attestée dans tous ces différents rites du culte des Ancêtres, seulement le nombre et le moment de ce jôro peuvent se différencier entre eux. Le Rasahariaña n’est pas en reste de tout cela car, on a au moins deux jôro dans ce Rasahariaña des Tsimihety du district d’Antsohihy.

Pour les pratiques du culte des Ancêtres qui ne sont pas royaux, elles permettent aux défunts de ne pas revenir hanter les vivants. C’est le jôro qui leur permet de ne pas revenir car il les intègre dans le monde des Ancêtres. C’est le rôle que nous voyons dans le Rasahariaña et le Famadihana. Cette intégration parmi les Ancêtres donne aussi au défunt le droit d’avoir un culte376. Ce culte permet aussi au défunt de quitter l’état de souillure pour ceux qui les reçoivent la première fois car la mort entraine le défunt dans un état de souillure ou d’impureté pour les Malgaches. Le culte le purifie et l’intègre dans la société des Ancêtres ; dès qu’il est dans un état de pureté, ses Ancêtres acceptent de l’accueillir.

Dans le culte des Ancêtres à Madagascar, la (les) part(s) des morts ou des Ancêtres est toujours présente. Des sacrifices de bœufs figurent parmi les parts données aux Ancêtres dans ces rites. Les bœufs sont présents presque dans toutes ces cérémonies du culte des Ancêtres. Pour le Rasahariaña, c’est le bœuf qui est l’offrande principale pour le défunt en plus d’un

374

Cf. Id.

375 Cf. Ibid., p. 214-215. 376

linge blanc. Pour l’exhumation, en plus du bœuf qui sert aussi à nourrir la foule venue à cet effet, le linceul qui sert pour réenvelopper les os des Ancêtres constitue l’offrande principale. Et le réenveloppement de ce linceul est le moment fort du Famadihana chez les Merina. Pour les cultes des Ancêtres royaux, il y a aussi des dons en plus des sacrifices de bœufs.

Une autre ressemblance, comme le Rasahariaña, c’est que toutes pratiques du culte des Ancêtres sont une obligation ou un devoir pour les vivants organisateurs du rite pour les destinataires de ces rites. Donc, les organisateurs n’ont pas le choix de ne pas l’exécuter, ils sont en quelque sorte obligés. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ne se sentent pas libres en l’accomplissant, ils sont même heureux de suivre leur tradition en offrant des sacrifices et ce culte à leurs Ancêtres défunts, ils le font dans la joie car il y a la fête pour plusieurs d’entre eux. On peut dire que c’est un honneur pour les vivants de pouvoir honorer leurs Ancêtres à travers ces rites traditionnels du culte des Ancêtres.

Ces différents rites du culte des Ancêtres sont un moment de communication et de communion avec les Ancêtres honorés377. Ils sont également une marque de respect pour les Ancêtres. Et cela est un aspect très important du culte des Ancêtres malgaches. Ils sont un honneur qu’on accorde aux Ancêtres car ils ne sont pas considérés comme Dieu Zanahary mais se trouvent près de Dieu dans leur état.

À travers tous les cultes des Ancêtres qu’ils soient royaux ou non, la demande de bénédiction, de protection et de faveurs auprès des destinataires est toujours présente. Et en exécutant ce rite, les vivants ont la conviction que les Ancêtres leur accordent leur bénédiction et leur protection tout au long de leur vie. Cet aspect est aussi aperçu dans le Rasahariaña. Le défunt devenu Ancêtre avec le Rasahariaña s’intègre dans la société des Ancêtres et peut désormais protéger ses descendants vivants en leur accordant des bénédictions et d’autres faveurs. Il peut protéger ses descendants contre les forces des esprits maléfiques.

Les différentes pratiques du culte des Ancêtres à Madagascar montrent et renforcent le Fihavanana entre les membres élargis de la famille organisatrice et tous les habitants du village dans lequel se déroule le rite. C’est une occasion pour tous les membres de la famille élargie organisatrice de se réunir ou de se rencontrer car tous ceux-ci sont priés de venir pour ce rituel. Dans ce cas, ces pratiques du culte des Ancêtres renforcent la cohésion familiale ou le lien qui unit tous les membres de la famille; c’est une communion vivante entre ses membres. Elles vivifient le Fihavanana des membres de cette même famille. Elles montrent la solidarité du groupe ou de la famille378. Le Rasahariaña s’inscrit dans cette ligne.

Pendant le rite, les habitants du village où s’est organisé le rite sont aussi souvent invités. L’assistance des habitants du village à ce rite montre leur reconnaissance à l’égard de la famille organisatrice, cela signifie que cette famille est membre intégrante de la communauté villageoise appelée Fokonolona. Il en est de même pour le Rasahariaña. Ce rite de culte des Ancêtres exprime et renforce le Fihavanna entre les membres de la famille organisatrice et les habitants du village, car il est une occasion pour tous les membres de la famille de rencontrer les habitants du village. Ces cultes des Ancêtres créent et renforcent alors la cohésion sociale ou villageoise au nom du Fihavanana. Puisque les habitants du village sont invités et assistent à ce culte, ils reconnaissent la famille organisatrice comme

377 Cf. Ibid., p. 289. 378

membre intégrante de la communauté villageoise ou du quartier, c’est une reconnaissance sociale, la famille organisatrice reconnait aussi la communauté villageoise ; c’est une reconnaissance sociale mutuelle entre les deux parties. Ces différents cultes des Ancêtres donnent et accentuent ainsi l’autorité morale de la famille organisatrice dans la société.

Un autre aspect qui marque le culte des Ancêtres est le lien ou la communion entre les vivants et les morts. Le lien qui unit les êtres humains n’est pas coupé par la mort, la communion ne s’arrête pas pendant la vie terrestre ni entre les seuls vivants sur la terre eux- mêmes mais elle franchit la frontière entre les vivants et les morts ; elle va au-delà de cette vie terrestre car même entre les morts et les vivants cette communion existe grâce au culte des Ancêtres dans le cas de Madagascar. Dans ce cas, les Ancêtres défunts continuent de souder le Fihavanana des vivants entre eux-mêmes et avec ces Ancêtres défunts. Donc, le culte des Ancêtres à Madagascar sont des aspects de l’expression du Fihavanana malgache.

Autre point commun du Rasahariaña avec les autres rites du culte des Ancêtres et d’ancestralisation, ils montrent tous la continuité du pouvoir et de l’autorité religieuse des Ancêtres sur leurs descendances respectives. Les mêmes rites révèlent l’influence des morts sur les vivants. Ils mettent en relief l’interdépendance entre les vivants et les morts. Les vivants attendent des morts les secours et les différentes aides, car selon la pensée malgache ces Ancêtres jouent un rôle intermédiaire entre Zanahary, Dieu Créateur, et les vivants.

Le culte des Ancêtres témoigne surtout de la continuité de la vie dans l’au-delà379. Mais cette vie est différente de celle sur la terre et est meilleure car on croit que les Ancêtres vivent désormais auprès de Dieu Zanahary puisque ce dernier leur confie la protection de leurs descendants vivants sur la terre.

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