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En général, c’est à travers certaines des manifestations des morts aux vivants que les Malgaches savent que tel défunt demande un culte des Ancêtres. C’est souvent le cas pour le Rasahariaña, le partage des biens avec les Ancêtres, et le Famadihana ou l’exhumation. Comme sus-mentionné, si un mort demande le Rasahariaña, ou bien il fait tomber malade un membre vivant de sa famille, ou bien il se manifeste en rêve. Pour le Famadihana, cette forme de manifestation peut être suscitée par un défunt qui demande d’être transféré, d’être habillé d’un nouveau linceul. Pour d’autres rites relatifs au culte des Ancêtres, on peut les reconnaître aussi à travers la célébration du tromba, rite de possession.

Les Malgaches admettent que les morts peuvent faire du bien et du mal aux vivants. Les Ancêtres peuvent faire du bien aux vivants, mais lorsqu’ils se trouvent dans des situations difficiles dans l’au-delà, ils peuvent hanter et pourraient leur faire peur. Ce statut ambivalent des morts dans l’au-delà explique le respect et la peur des Malgaches pour les morts. Les rites funéraires et du culte des Ancêtres, la pratique de l’ancestralisation et la célébration autres rites semblables ont comme l’objet de régler cette même situation.

L’appellation en Razana, Ancêtre, à propos des morts pour les Malgaches montre déjà leur respect vis-à-vis des morts ; car en principe tous les morts à Madagascar peuvent être appelés « Razana » dès les premiers instants du décès, bien qu’ils n’aient pas encore accédés au rang de véritables Ancêtres. Ainsi l’appellation Razana attribuée aux trépassés récents entend seulement leur montrer du respect. En outre, comme pour tout le monde, la mort entraîne tout naturellement la tristesse. C’est pourquoi on pleure si un proche parent décède. Les Malgaches ne font pas exception à la règle.

La mort ne coupe pas la continuité de lien familial, ni celle du lien d’affinité et encore moins celle du lien scellé par le Fihavanana, parenté et solidarité. Les morts demeurent

toujours membres intégrales de leurs familles qui sont encore vivantes sur la terre, tout en se trouvant dans l’au-delà. Les différents rites du culte des Ancêtres expriment ce phénomène de continuité de Fihavanana au-delà de la mort. Le Rasahariaña est l’un des de ces rites qui expriment cette continuité et le renforcement du lien et de communion entre les membres vivants d’une famille et ceux de l’au-delà.

Les rites funéraires, les rites d’ancestralisation, en particulier du Rasahariaña, et les autres formes du culte des Ancêtres à Madagascar déjà exposés et décrits dans cette première partie de notre travail montrent la relation des Malgaches avec leurs Ancêtres en particulier, mais aussi avec les morts en général. Ils expriment la nature et les formes, les fonds et les modalités de cette relation, ainsi que les causes et les conséquences de la dite relation. Ils mettent ensuite en évidence l’interdépendance des Malgaches avec leurs Ancêtres et leurs défunts. Ils mettent en relief les liens, la relation et le Fihavanana entre les Malgaches vivants et leurs Ancêtres.

Comme les autres rites du culte des Ancêtres, le Rasahariaña montre aussi la valeur, l’importance capitale des Ancêtres pour les Malgaches. Ces Ancêtres qui sont déjà dans l’au- delà continuent à influencer la vie quotidienne des Malgaches à travers leurs us et coutumes, à travers leur attitude et surtout leur comportement à l’endroit de leurs parents et de leurs ainés. Les Malgaches éprouvent du respect envers leurs parents et leurs ainés encore vivants ou déjà morts. Ces parents et ces ainés jouent un rôle primordial dans la société et les familles malgaches. Les Malgaches héritent tout cela de leurs Ancêtres. D’où les grands respects accordés aux Ancêtres, aux Morts-vivants à travers des rites funéraires et des cultes. Les Malgaches respectent aussi leurs parents et ainés vivants qui sont proches des Ancêtres.

L’une des raisons pour lesquelles on respecte les Ancêtres c’est qu’ils sont proches de Dieu-Zanahary selon la conviction des Malgaches. Et de ce Zanahary vient toute chose et surtout la vie humaine par l’intermédiaire des Ancêtres. La vie ou le flux vital qui permet aux hommes de vivre vient de Zanahary-Dieu par la médiation des Razana. C’est grâce à ces derniers que leurs descendants ont la vie qui vient de Dieu. Et ces Razana ont aussi reçu cette vie de Dieu et après ils l’ont transmis à leurs descendants.

Le Rasahariaña et les autres rites relatifs au culte des Ancêtres transmettent des valeurs malgaches de générations en générations. Ces valeurs sont l’aina, la vie ou le flux vital, l’amour de cette vie, et le Fihavanana. Ce sont des valeurs chères aux yeux des Malgaches. Ces rites ravivent aussi l’amour de ces valeurs et l’attachement à elles. Ils les vivifient aux cœurs de la société malgache. La continuité de ces pratiques du culte des Ancêtres exprime l’attachement des Malgaches à la tradition de leurs Ancêtres.

Par ailleurs, ces rites sont des éléments principaux de la religion traditionnelle malgache. Comme la tradition malgache dans son ensemble, la religion traditionnelle malgache est basée sur la tradition orale ; elle s’est transmise de bouche à oreille. Contrairement aux grandes religions révélées comme le judaïsme, christianisme et l’islam, la religion traditionnelle malgache n’a pas de personnage précis comme son fondateur ; on ne connaît pas non plus de date exacte de sa fondation et de son existence.

Les rites et les différentes célébrations ravivent la mémoire collective dans la religion traditionnelle malgache. Cela révèle aussi que cette religion traditionnelle n’a pas de livre comme la Bible chez les chrétiens et le Coran chez les musulmans, qui lui sert de référence pour la vie et les célébrations. Cela ne veut pas dire que cette religion n’a pas de règles ni de

normes. Elle a bel et bien des règles et des normes à suivre pendant les rites et les différentes célébrations. Les fidèles sont aussi tenus à observer des règles de conduite et de sagesse ; par exemple le respect des anciens, des parents et des ainés dans la société et dans les familles. Les anciens sont des mémoires et des bibliothèques vivantes pour ces traditions et ces religions traditionnelles.

Donc, puisque les rites funéraires, les rites d’ancestralisation comme le Rasahariaña et les autres rites du culte des Ancêtres font parties des rites de la religion traditionnelle malgache, ils n’ont pas de personnages qui peuvent prétendre comme fondateurs. S’il y en a un ou deux, on ne connaît pas. Il en est de même pour la date exacte de sa formation, on l’ignore. Mais on peut quand même avoir des dates approximatives, qui ne sont pas sûres, de certains de ces rites comme le Fitampoha des Sakalava de Menabe. L’origine de ce rite de bain des reliques royales des Sakalava de Menabe remonte probablement au 17e siècle380.

Comme les autres rites célébrés par les Malgaches, le Rasahariaña des Tsimihety du district d’Antsohihy véhicule aussi des valeurs traditionnelles. Le Fihavanana est l’une de ces valeurs et il est même l’une des raisons d’être de ce rite d’ancestralisation qu’est le Rasahariaña chez les Tsimihety. Il permet de continuer et de renforcer le lien familial qui est ce Fihavanana même et le lien vital entre les membres de la famille vivants et morts avec des aides réciproques des uns et des autres. Cela explique la place qu’accordent les Malgaches et les Tsimihety pour leurs Ancêtres dans leurs vies quotidiennes. Et l’objectif dans ce Rasahariaña est d’accéder le défunt destinataire au rang des Ancêtres sublimés et honorés.

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