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3. LES DESTINATAIRES ET L’ORIGINALITÉ DU RASAHARIAÑA

3.1. ZANAHARY OU DIEU CRÉATEUR

3.1.1. Généralités sur la conception de Dieu chez les Malgaches

L’origine et la finalité de l’univers et de l’homme sont mises en rapport avec le commencement du temps et des choses dans le temps, et avec un principe qui déclenche le commencement dans l’être. On nomme ce principe Dieu et Créateur298.

Le Dieu des anciens Malgaches est affirmé et son absence rendrait absurde l’existence du réel. C’est pourquoi un proverbe malgache dit : « Manao an’Andriamanitra tsy misy, ka mitsambiky mikipy ». Celui qui dit que Dieu n’existe pas, saute les yeux fermés299. Selon la pensée religieuse traditionnelle malgache, il faudrait être aveugle pour affirmer que toute cette machine de l’univers, des êtres vivants et conscients s’est produite d’elle-même. Cela veut

297

Cf. Pietro LUPO, op. cit., 2006, p. 23 ; cf. RAKOTOMALALA Malanjaona, BLANCHY Sophie, RAISON-JOURDE Françoise, Madagascar : Les ancêtres au quotidien. Usages sociaux du religieux sur les hautes-terres malgaches, L’Harmattan, Paris, 2001, p. 4 ; cf. cf. Robert JAOVELO-DZAO, op. cit., 1996, p. 215 ; cf. Louis MOLET, op. cit., t. 1, 1979, p. 411.

298 Cf. Pietro LUPO, op. cit., 2006, p. 32. 299

Cf. Lars VIG, op. cit., 2001, p. 15 ; Pietro LUPO, op. cit., 2006, p. 32 ; cf. Paul de VEYRIÈRES, KER-IZ (éd.), Le

livre de la sagesse malgache. Proverbes, dictons, sentences, expressions figurées et curieuses, Paris, 1967, p. 11-

12 ; cf. J. A. HOULDER, M. H. NOYER (éd.), Ohabolana ou Proverbes malgaches, traduits et annotés en français par J. SIBREE, Antananarivo, 1960, P. 2.

dire qu’il n’y a pas de doute concernant l’existence de Dieu dans la pensée malgache ancienne300. Le proverbe ci-dessus exprime la conviction des Malgaches de l’existence d’un Dieu qu’ils appellent Zanahary ou quelquefois Andriamanitra comme dans ce proverbe.

La réalité d’un monothéisme ontologique ne fait pas de doute chez les Malgaches. Il ne faut pas se laisser dérouter par le polythéisme liturgique. Dieu est Un, « Créateur de tout ce qui existe ». Zanahary ou Andriananahary est le Maître absolu du temps et est l’unique vraie source de vie. Cet Être suprême se présente sous plusieurs figures qui sont des marques de sa toute-puissance. Les textes liturgiques malgaches comme Jôro soulignent ces figures divines matérialisées par des êtres-forces et qui donnent extérieurement une impression de polythéisme. Une analyse plus approfondie corrige cette impression extérieure301.

Les Malgaches ont compris que le monde, qui n’a pas été fait par les hommes, doit avoir un auteur ; que la mort, dont l’homme ne veut pas, lui est imposée par une volonté supérieure ; et qu’enfin il y a des phénomènes extraordinaires, comme cyclones et orages, que l’homme ne peut pas produire et qu’il faut expliquer. Pour les Malgaches, les traits essentiels de Dieu sont son Autorité suprême, Créateur du monde, Maître de la vie et de la mort et Ordonnateur de tous les phénomènes mystérieux. Les Malgaches d’autrefois avaient une connaissance spontanée de Dieu, de son existence et même de ses attributs. Mais ils n’en avaient pas une connaissance réflexive ou systématique. Ils n’ont pas de doctrine concernant Dieu ni de théodicée. C’est à travers les détails de leur vie quotidienne qu’on constate l’idée de Dieu chez les Malgaches, une idée assez précise, se trouve mêlée à toute leur vie sociale et familiale et que Dieu préside à toutes leurs actions302.

Les traditions malgaches nous révèlent l’idée d’un Dieu unique. Zanahary supérieur ou Dieu suprême et unique ou Etre suprême se distingue des autres esprits par trois caractères : Il est Créateur du monde ; il habite dans le haut ; il est maître de la vie et de la mort. La permanence et la transcendance de l’idée de Dieu chez les Malgaches est confirmée et s’appuie sur les réalités présentes du monde, de la mort ou de prodiges déconcertants303

. Pour les Malgaches, Dieu-Zanahary est à l’origine de toute chose. Il est omniscient et omniprésent, maître du temps et de l’espace. C’est pourquoi on dit à Madagascar, Zanahary ambony, Dieu d’en haut, Zanahary ambany, Dieu d’en bas et Zanahary des quatre points cardinaux. On rencontre aussi l’omniscience et l’omniprésence de Dieu dans la Bible (cf. Dt 4, 39 ; Jos 2, 11). Quand les Malgaches disent Zanahary lahy, Dieu homme dans le sens du mâle du terme, et Zanahary vavy, Dieu femme ou femelle304, ils veulent mettre l’accent sur le fait que Dieu est origine de la vie. Cela fait partie de l’être de Zanahary qu’on abordera un peu plus loin.

Le discours malgache sur Dieu tient aussi compte de deux autres tendances. La première est le rapport entre la perception de l’idée de Dieu des anciens Malgaches et les cultures religieuses orientales. La deuxième se base sur l’analyse de l’évolution de cette idée en fonction de l’émergence de l’Etat et de l’organisation du pouvoir politique. Ce deuxième cas

300

Cf. Pietro LUPO, op. cit., 2006, p. 32.

301 Cf. Ibid., p. 70 et 161. 302

Cf. Ibid., p. 160-161.

303

Cf. Ibid., p. 155 et 157.

304 Cf. Robert JAOVELO-DZAO, « Richesses culturelles d’une civilisation de l’oralité » dans HÜBSCH Bruno (dir.),

se situe dans la chronologie précoloniale, car le pouvoir colonial a déstructuré et désacralisé les fondements politico-religieux des sociétés malgaches305.

L’influence et la fascination exercées par le mode oriental sur la spiritualité malgache sont toujours actuelles. Et beaucoup d’auteurs, d’intellectuels et d’étudiants malgaches témoignent cette influence, surtout les religions de souche védique et brahmanique. C’est dans ces civilisations qu’on trouve des racines historiques des cultures de Madagascar : la langue, la mythologie et les rites se rattachent aux premières migrations venant d’Orient qui ont donné la physionomie aux Malgaches306.

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