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3. LES DESTINATAIRES ET L’ORIGINALITÉ DU RASAHARIAÑA

3.5. L’ORIGINALITÉ DU RASAHARIAGNA FACE AUX AUTRES PRATIQUES DE CULTE DES ANCÊTRES À MADAGASCAR

3.5.2. La ressemblance et la différence de ces trois rites

Les secondes funérailles à Madagascar sont la phase finale d’un rite funéraire d’un mort. En général, elles sont représentées par l’exhumation dans la plupart des régions de la Grande Île pour les ethnies et les familles qui la pratiquent. Il y a aussi des familles, et peut- être des ethnies, qui ne pratiquent pas les secondes funérailles. La durée de la période transitoire entre les premières et les secondes funérailles varient de un à cinq ans, quelquefois cela peut aller jusqu’à sept ans. Ces secondes funérailles sont en même temps des rites qui

365 Cf. Adolphe RAZAFINTSALAMA, « Les funérailles royales en Isandra d’après les sources du XIXe siècle » dans

Françoise RAISON-JOURDE (dir), Les souverains de Madagascar. L’histoire royale et ses résurgences

contemporaines, Karthala, Paris, 1983, p. 193-208. ; cf. Adolphe RAHAMEFY, Le roi ne meurt pas. Rites funéraires princiers du Betsileo Madagascar, L’Harmattan, Paris, 1997.

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permettent à des défunts d’accéder au rang d’Ancêtres car il s’agit de les intégrer dans la société des Razana. Ces formes de culte des Ancêtres sont des rites d’ancestralisation.

Le Famadihana, exhumation, chez les Merina par exemple, recouvre en même temps les secondes funérailles, le culte d’ancestralisation et un simple culte des Ancêtres. Ce Famadihana comprend trois types que sont le Famadihana de transfert, le famadihana d’inauguration et celui de prestige. Les rites et le déroulement de ces trois sortes de Famadihana sont semblables. Le moment crucial est toujours le réenveloppement des ossements par de nouveaux linceuls après avoir été nettoyés. Le Famadihana est toujours un culte des Ancêtres. Pour les défunts qui le reçoivent pour la première fois, le Famadihana est à la fois secondes funérailles et rite d’ancestralisation. Pour la deuxième fois, le Famadihana est un simple culte des Ancêtres, c’est le cas du Famadihana de prestige surtout.

À Ambohitsarabe, par exemple, un village du sud du district de Mandritsara, région de Sofia et province de Mahajanga, le Famadihana est toujours de type de transfert car il s’agit d’introduire le défunt dans le caveau familial parmi les siens. Et ce Famadihana permet aussi au défunt d’accéder au rang des Ancêtres à part entière. On fait ce transfert dans cette localité habitée majoritairement par les Tsimihety car les habitants enterrent provisoirement leurs morts dans une sorte de grotte sous-terraine. Deux à cinq ans après cet enterrement qui clôt le temps intermédiaire entre les deux funérailles, on organise les secondes funérailles pour introduire définitivement le défunt dans le caveau familial. Et pour une personne, il n’y a qu’une seule fois des secondes funérailles ou l’exhumation dans cette localité. La grotte sous- terraine dans laquelle gît le défunt ne doit pas être très loin du caveau familial. Ces secondes funérailles sont dans le registre du culte des Ancêtres parce qu’on l’introduit auprès de ces Ancêtres. Elles sont aussi des rites d’ancestralisation car il s’agit de faire accéder le défunt au rang des Ancêtres.

Chez les Merina, le Famadihana de transfert n’est pas le seul qui constitue des secondes funérailles et le rite d’ancestralisation. Le Famadihana d’inauguration peut jouer ce rôle ; et il peut également être un Famadihana de prestige. Ce dernier n’est ni des secondes funérailles ni un culte d’ancestralisation, il est toujours un simple culte des Ancêtres, car les défunts à exhumer sont déjà dans le rang des Ancêtres. Mais au moment où on fait un Famadihana de prestige, on peut en même temps donner pour les autres défunts leur premier Famadihana. Pour ces derniers défunts, ce n’est pas un Famadihana de prestige, c’est des secondes funérailles qui les introduisent dans le monde des Ancêtres parmi les leurs. C’est le Famadihana de prestige qui se fait cinq ou sept ans pour chaque défunt, cela dépend des familles. Cela veut dire qu’au centre de Madagascar, un mort reçoit plusieurs fois et de façon régulière l’exhumation pour les familles qui la pratiquent.

La ressemblance entre les secondes funérailles et les rites d’ancestralisation, c’est qu’ils sont tous les deux des rites qui permettent aux morts d’accéder au rang des Ancêtres. Les secondes funérailles sont généralement des rites d’ancestralisation mais l’inverse n’est pas toujours valable ; c’est-à-dire les rites d’ancestralisation ne sont pas forcément des secondes funérailles. C’est le cas du Rasahariaña des Tsimihety dans le district d’Antsohihy. Ce Rasahariaña n’est pas des secondes funérailles mais il ancestralise les morts bénéficiaires. Ces deux types de rites, à savoir les secondes funérailles et les rites d’ancestralisation sont des rites de passage parce qu’ils permettent aux défunts de passer au monde des Ancêtres, ils permettent à ces morts d’être au rang des Ancêtres.

Il y a des formes du culte des Ancêtres tout court qui ne sont ni des secondes funérailles ni des rites d’ancestralisation parce que leurs bénéficiaires sont déjà au rang des Ancêtres ; et ces deux pratiques rituelles sont aussi dans la conception malgache du culte des Ancêtres. Les rites du culte des Ancêtres royaux ne sont non plus ni de secondes funérailles ni des rites d’ancestralisation. Les traditions malgaches sont d’origine afro-asiatique et à dominance asiatique orientale. Cette origine est vue dans les mœurs et les coutumes. Et c’est dans le contexte de cette tradition que s’inscrit le culte des Ancêtres367

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Entre ces différentes formes du culte des Ancêtres et rites d’ancestralisation à travers l’île, qu’ils soient royaux ou non royaux, il existe quelques points communs. D’abord, ils se déroulent tous dans une ambiance de fête, à l’exception du Rasahariaña des Tsimihety, parce que l’accès d’un mort au rang des Ancêtres est un honneur pour la famille et le défunt puisque désormais il jouit d’un bonheur auprès de Zanahary ; et ses descendants peuvent jouir également de sa protection. Et normalement, les Ancêtres ne reviennent pas, ils ne sont pas des revenants. Mais ils peuvent posséder quelqu’un et se manifester par des rêves. Ils peuvent aussi faire tomber malade un membre de sa famille si l’intéressé ne respecte pas des fadin- drazana, les interdits des Ancêtres.

Malgré des différences régionales entres ces trois pratiques rituelles de culte rendu aux Ancêtres à Madagascar, ils s’inscrivent tous dans la conception locale de ce culte des Ancêtres. La différence entre ces trois pratiques rituelles, c’est que les cultes des Ancêtres ne sont pas forcément des secondes funérailles et des rites d’ancestralisation. Mais ces deux dernières pratiques sont toutes deux des formes du culte des Ancêtres et des rites de passage.

Le culte des Ancêtres n’est pas l’apanage des seuls Malgaches, il est une pratique quasi universelle qui remonte loin dans le temps selon ce que nous dit R. W. Rabemananjara. Il est, par exemple, largement répandu dans l’Amérique précolombienne. Il est dominant en Extrême-Orient, en Asie et dans le Pacifique. Il repose sur une conception du monde et de l’univers. Les aspects essentiels de culte des Ancêtres peuvent se présenter de diverses manières et avec des dénominations différentes selon les régions, mais au fond les éléments fondamentaux dérivent du même esprit et ont la même signification. Le culte malgache comporte des rites, des cérémonies et de la sociabilité368.

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