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2. ANALYSE DU RITE DU RASAHARIAGNA

2.3. LES SYMBOLES ET LES OBJETS

2.3.1. Le temps, le lieu et l’orientation du rite

En ce qui concerne le temps favorable, pour la plupart de nos informateurs et selon la pratique que nous avons vue, de préférence et pour des raisons pratiques, on organise le Rasahariaña pendant tous les mois de la saison sèche car il est plus facile d’organiser des festivités pendant cette saison sèche que pendant la saison des pluies. En plus, on possède encore des vivres qu’on a cultivés pendant la saison des pluies219

. Parmi ces mois de la saison sèche, les mois d’Asarabe, septembre, et Vôlambita, juillet, sont choisis de préférence. Dans tous les cas, on peut organiser le Rasahariaña lors de n’importe quel mois de l’année si on est très pressé, mais ces deux mois mentionnés sont traditionnellement préférables.

Le Rasahariaña doit s’effectuer ankilaizambôlana, c’est-à-dire au moment où la lune est déjà en inclination, après la pleine lune. Cela veut dire que le rite du Rasahariaña suit le calendrier lunaire. La raison du choix du moment après la pleine lune c’est que tout ce qui concerne les morts doit se faire à ce moment car la mort doit diminuer et non l’inverse. Par exemple le Fagnokaraña, dialecte Tsimihety pour dire l’exhumation, ou Famadihana en malgache officiel, et le Rasahariaña doivent avoir lieu après la pleine lune. Par contre les fêtes comme le Fanambadiana, mariage traditionnel, tsikafara220 ou remerciement, action de grâce ou acquittement d’un vœu fait souvent aux Ancêtres, doivent se faire au moment où la lune est en pleine ascension car les choses bonnes doivent augmenter et non diminuer221.

Pour les jours de l’organisation du rite du Rasaharaiaña, il faut qu’il soit un des jours bons ou favorables, ce sont le lundi et le samedi. Pour le moment de la journée, le Rasahariaña doit s’effectuer pendant l’après-midi au moment où le soleil s’incline ou tend à se coucher, car, comme ci-dessus le Rasahariaña concerne les morts qui doivent diminuer et non augmenter.

Il y a quand même des familles qui pratiquent le Rasahariaña dans la matinée et ceux qui le font dans l’après-midi. La famille de Jaovelo, notre informateur dans notre enquête V à Anahidrano, organise ce rite dans l’après-midi, car c’est le moment où l’on a vu la dernière fois le défunt demandeur puisque l’enterrement est toujours dans l’après-midi. Donc pour le moment de la journée, l’organisation du rite du Rasahariagna dépend de la tradition de la famille organisatrice. Si les Razana d’une famille le faisaient au début dans la matinée, tous ces descendants le pratiqueront dans la matinée ; par contre, si les Razana d’une famille le pratiquaient au début dans l’après-midi, tous leurs descendants le feront l’après-midi222.

Le lieu du Rasahariaña n’est ni au village ni au cimetière, c’est dans un lieu ou un endroit calme et souvent près et sous un arbre. Dans cet arbre, on met un vêtement ou un linge qu’on offre également au défunt demandeur du Rasahariaña. Cet arbre est supposé sacré. Cela veut dire que le lieu du Rasahariaña est souvent dans la forêt mais il peut être sur une

219 Cf. Enquete V avec Meur JAOVELO, Anahidrano le 05 aout 2011. 220

Le tsikafara est une sorte de vœux ou de demande de faveur ou de réussite dans la vie ou les examens par exemple.

221 Cf. Mes Enquêtes I, II, IV et V. 222

colline. Ce lieu de Rasahariaña est un lieu réservé, distinct, privilégié et bien choisi223. Ce lieu est évidemment sacré.

Le fait que ce lieu est dans un endroit calme et n’est ni au village ni au cimetière, cela facilite la communication entre les Ancêtres ou les morts et les vivants, entre les habitants de l’au-delà et les vivants sur la terre. Car on quitte l’habitation des vivants mais on ne va pas directement aux places des Ancêtres et des morts, on est donc au milieu. On est sur le lien entre les deux mondes visible et invisible. C’est une sorte de réconciliation entre les deux entités : les vivants sur la terre et les Ancêtres dans l’au-delà.

Le rite de Rasahariaña doit être fait sur une pierre qui est arrangée ou planifiée, autel appelé fijoroaña, surtout le Sôrontsôroño. C’est là qu’on appelle et qu’on invoque les Razana, c’est toujours sur ce lieu où il y a cette pierre Fijoroaña. Cette pierre est appelée Falambañambato, l’autel. Et les Tsikafara doit aussi être fait sur ce lieu car souvent dans le Tsikafara, il y a l’invocation des Razana224.

Voici ce qui concerne l’orientation vers l’est. Dieu est omniprésent. Les Ancêtres des Malgaches sont en majorité des orientaux. S’ils font quelque chose concernant leurs Ancêtres, ils se tournent à l’est qui est leur origine. Même les morts qui sont enterrés ont la tête tournée vers l’est dans leur tombeau225.

Une autre raison montre que quand on fait le jôro, il faut toujours se tourner vers l’est. Le bœuf qu’on met par terre pour le Rasahariaña et pour les autres festivités du rite du même genre doit toujours être tourné vers l’est. Car si on demande une chose bonne, il faut toujours se tourner vers l’est car l’est symbolise l’origine226. L’est évoque généralement l’origine car de là se lève le soleil ; et certains disent même que Zanahary est Dieu soleil à l’origine. Or ce Zanahary est invoqué en premier pendant le Rasahariaña ; donc il est normal qu’on se tourne vers l’est pendant ce rite et d’autres cultes traditionnels à Madagascar.

Donc pendant le Rasahariaña, tout doit être orienté vers l’est. Pour le bœuf mis par terre, le côté droit est en haut, le côté gauche est en bas, la tête vers l’est, le dos tourné vers le nord, et les quatre pattes qui sont liées par une corde se tournent vers le sud dont les pattes arrière sont en haut et les pattes avant sont en bas227.

Quand on fait tomber par terre le bœuf pendant le jôro, son côté gauche doit être en bas car la gauche indique le mauvais sens, donc il faut qu’il soit en bas. Ce qui est mauvais doit être en régression et écrasé par le bon sens, à droite, qui doit être en haut pendant le jôro228.

La raison la plus explicite pour l’orientation du Rasahariaña vers l’est est la présence du jôro. Quand on fait le jôro, il faut toujours tourner et regarder vers l’est même en dehors du Rasahariaña. Chez les Tsimihety de la région de la Sofia en général, pour tout rite intégrant le jôro, l’orientation est toujours vers l’est ; car les Tsimihety ont comme origine l’est ; même la majorité des Malagasy est originaire de l’est en Malaisie et en Indonésie.

Les Ancêtres Tsimihety ont quitté l’est à cause de la densité des forêts dans cette partie est de Madagascar car leurs Ancêtres élèvent des bœufs et ils se rendent vers l’ouest pour

223

Cf. Mes Enquêtes II et IV.

224 Cf. Enquete VII avec Meur FELIX, Antsohihy le 30 juillet 2011. 225

Cf. Remarque de Meur Victor MILADERA dans l’enquête I.

226

Cf. Enquete V avec Meur JAOVELO, Anahidrano le 05 aout 2011.

227 Cf. Enquête IV à Ankerika et Enquête VI à d’Ambohitsarabe. 228

chercher des terrains favorables à cet élevage bovin et qui n’aient pas de forets très denses partout comme dans la partie est de l’île229.

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