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Quelques passages sur la nécromancie et le culte des morts dans la Bible

INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE

1. APERÇUS DE RITES ET DE PRATIQUES CONCERNANT LES DÉFUNTS

1.4. LIENS ENTRE LES VIVANTS ET LES MORTS

1.4.3. Quelques passages sur la nécromancie et le culte des morts dans la Bible

Nous présentons ici quatre groupes de textes : le premier est 1S 28 ; le deuxième est dans 2R 21, 6 ; 23, 24 ; le troisième est Ps 106, 28 avec quelques autres psaumes ; et le dernier est Ez 43, 7-9.

1.4.3.1. La consultation de mort dans 1S 28

En présentant un mort remonté de terre pour parler aux vivants, ce chapitre est unique dans la Bible. Ce récit livre aussi des particularités littéraires. Il semble qu’il n’est pas à sa place ici puisqu’il a lieu la veille du combat de Guilboa, alors que le chapitre 29 présente les Philistins, déjà loin des lieux de la bataille. C’est pourquoi A. Caquot et Ph. de Robert proposent de replacer cet épisode entre les chapitres 30 et 31531.

1S 28, 3-25 présente le roi Saül dans une situation tragique. C’est pour cela qu’il est contraint de recourir à une pratique interdite puisque la consultation de Yahvé ne donne rien. Avant d’entrer dans le récit, nous analysons d’abord quelques mots clés hébraïques et grecs employés dans la pratique nécromancienne et divinatoire.

Le texte hébreu emploie les mots תובאה « ha’obot » (les nécromants ou les nécromanciennes), et םינעדיה « hayyidde’ônim » « les devins » en 1S 28, 3. Le mot תובאה « ha’obot » est un nom masculin pluriel à la forme féminine et précédé de l’article défini h « ha ». Il vient du radical בוא « ’ob » qui signifie « père » ou « ancêtre ». La LXX traduit ha’obot par ἐγγαστριμύθους « eggastrimúthous » que B. Grillet et M. Lestienne rendent par « ventriloques » ; םינעדיה « hayyidde’ônim » traduit par γνώστας « gnostas » est rendu par « devins »532. Ce mot γνώστας « gnostas » a le sens de connaisseur. Ce sont vraiment les nécromants et les devins que le roi Saül avait expulsés.

Selon certains auteurs, le terme בוא ’ob peut désigner à la fois le lieu où se pratique l’évocation des morts, les esprits à invoquer et les spécialistes de cette pratique. On trouve les trois sens de ce terme dans ce récit de 1S 28 et dans Is 29, 4533. Ce terme בוא ’ob est aussi à mettre en relation avec בא ’ab et désigne des pères défunts. L’hébreu בא ’ab est employé non seulement pour désigner un ancêtre biologique mais il est utilisé aussi comme un titre respectueux à l’égard de quelqu’un de supérieur. On pourrait se poser la question pour savoir si la vocalisation בוא ’ob ne relève pas d’une vocalisation tendancieuse pour dissocier les ancêtres vivants de la nécromancie qu’ils abhorrent534. Dans ce sens, בוא ’ob ou תובאה ha’obot

531

Cf. André CAQUOT et Philippe de ROBERT, op. cit, 1994, p. 333.

532 Cf. Bernard GRILLET et Michel LESTIENNE, op. cit., 1997, p. 395. 533

Cf. Edmond JACOB, Esaïe 1-12, (Commentaire de l’Ancien Testament, VIII a), Labor et fides, Genève, 1987, p. 132 ; cf. André CAQUOT et Philippe de ROBERT, op. cit., 1994, p. 334 ; cf. Jacob MILGROM, op. cit., 2000, p. 1702 et 1764; cf. Christophe NIHAN, « La polémique contre le culte des ancêtres dans la Bible hébraïque », dans Jean-Marie DURAND, Thomas RÖMER et Jürg HUTZLI, op. cit., p. 145 ; cf. Thomas RÖMER, « Les interdits des pratiques magiques et divinatoires dans le livre du deutéronome (Dt 18, 9-13) », dans Jean-Marie DURAND et Antoine JACQUET (ed.), Magie et divination dans les cultures de l’Orient. Actes du colloque organisé par

l’Institut du Proche-Orient Ancien du Collège de France la Société Asiatique et le CNRS (UMR 7192), Jean

Maisonneuve, Paris, 2010. P. 82 ; cf. Hélène NUTKOWICZ, op. cit., 2006, p. 276.

534

Cf. Thomas RÖMER, « Les interdits des pratiques magiques et divinatoires dans le livre du deutéronome (Dt 18, 9-13) », dans Jean-Marie DURAND et Antoine JACQUET (ed.), op. cit., 2010, p. 82-83 ; cf. aussi Hélène NUTKOWICZ, op. cit., 2006, p. 274.

peut alors désigner un père, un ancêtre, un esprit, un revenant, un nécromant ou une nécromancienne et un spectre.

La LXX traduit souvent l’hébreu בוא ’ob par ἐγγαστρίμυθος eggastrimuthos comme dans notre récit. Ce terme grec signifie étymologiquement celui ou celle qui parle avec son ventre, c’est-à-dire ventriloque. La ventriloquie était aussi un moyen de divination535. De ces attestations, le terme בוא ’ob semble être un objet employé pour l’évocation des morts536.

Concernant notre passage, le chapitre 28 dans lequel se trouve notre récit est dans la tradition deutéronomiste. Voici le contexte : les Philistins sont en pleine préparation pour combattre Israël, David est refugié chez eux (cf. 1S 28, 1- 2). Samuel est mort et enterré à Rama (cf. 1S 25, 1). « Saül avait expulsé du pays d’Israël tous les nécromants et les devins » (1S 28, 3). Cette pratique divinatoire montre l’infidélité au Dieu unique. Cela motive l’interdiction et l’expulsion des nécromants et des devins qui la pratiquent.

Face aux Philistins qui se rassemblent à Shunem, Saül rassemble tout Israël à Gilboé (cf. 1S 28, 4). Mais Saül a peur en voyant le camp philistin. A cause de cette peur, Saül consulte Dieu, mais celui-ci ne lui répond pas ni par les songes, ni par les sorts (ou les Ourim), ni par les prophètes (cf. 1S 28, 5-6).

Face au silence de Dieu, le roi est inquiet et décide de consulter les morts, c’est-à-dire de pratiquer la nécromancie. Il demande à ses serviteurs : « Cherchez-moi une femme qui pratique la divination pour que j’aille chez elle la consulter. Ses serviteurs lui répondirent : « Il y a une femme qui pratique la divination à En-Dor » (1S 28, 7). Ce contexte suggère que ce genre de consultation semble d’usage à l’époque avant une expédition militaire537. La réponse et la suggestion des serviteurs montrent que la communication avec les morts était une pratique connue dans la société israélite de l’époque, courantes aussi les personnes ayant la capacité et les moyens de communiquer avec les défunts538.

À leur arrivée pendant une nuit, Saül dit à la nécromancienne : « Je t’en prie, pratique pour moi la divination et évoque pour moi celui que je te dirai. » (1S 28, 8). Le fait que Saül va à cette femme dans la nuit et non pendant le jour pour cette consultation s’explique par son interdiction. La femme ne savait pas que c’était Saül qui lui demandait cette consultation. Elle dit « Voyons, tu sais toi-même ce qu’a fait Saül et comment il a supprimé du pays les nécromants et les devins. Pourquoi tends-tu un piège à ma vie pour me faire mourir ? » (1S 28, 9). Cela explique le refus de la femme à la demande de Saül. Celui-ci insiste en promettant à la femme qu’elle n’encourra aucun danger, la femme finit par accepter et lui demande qui elle doit faire monter (cf. 1S 28, 10-11). Saül répondit : « Fais-moi monter Samuel. »539 (1S 28, 11).

Cette consultation nocturne pourrait exprimer aussi que le rite de cette pratique se tient régulièrement dans la nuit à cette époque dans cette région. Il semble que le terme הליל laylah « nuit » n’est pas seulement une référence occasionnelle dans ce passage, mais un reflet du

535 Cf. Bernard GRILLET et Michel LESTIENNE, op. cit., 1997, p. 395 ; cf. Jacob MILGROM, op. cit., 1987, p. 1765. 536

Cf. Edmond JACOB, op. cit., 1987, p. 132.

537

Cf. Theodore Joseph LEWIS, op. cit., 1989, p. 112; cf. aussi Brian B. SCHMIDT, Israel’s Beneficent Dead.

Ancestor Cult and Necromancy in Ancient Israelite Religion and Tradition, J. C. B. Mohr (Paul Siebeck),

(Forschungen zum Alten Testament, 11), Tübingen, 1994, p. 206.

538

Cf. Theodore Joseph LEWIS, op. cit., 1989, p. 112.

539 La BJ dit : « Evoque-moi Samuel » mais la traduction de l’hébreu dit יִל־יִלֲעַה ל ֵאוּמְשׁ qui signifie : « Fais-moi

moment opportun de la journée pour communiquer avec les morts. L’obscurité de la nuit serait propice pour communiquer avec ceux qui vivent dans les ténèbres (cf. Jb 10, 21; 17, 13; Ps 88, 13; 143, 3)540.

Après la conversation entre le roi Saül et la nécromancienne, celle-ci voit Samuel et elle a peur parce qu’elle sait désormais que l’homme qui lui a demandé d’invoquer Samuel est le roi Saül, ce même Saül qui a interdit cette même pratique. Saül lui demande l’homme qu’elle voit et elle lui dit : « Je vois un dieu qui monte de la terre. » (1S 28, 13). Et la femme continue à montrer la physionomie de Samuel. Saül a reconnu que c’est le prophète Samuel que la femme a vu. Samuel se voit déjà attribué le statut divin ou du moins un statut nouveau. Cela veut dire qu’en Israël à l’époque de ce récit, les morts pourraient recevoir un statut divin. Cette attribution de statut divin à un mort est un des éléments qui permettent d’admettre l’origine et l’influence étrangères de cette pratique car ce phénomène est aussi pratiqué par les peuples voisins d’Israël comme les mésopotamiens et les syriens541.

Samuel est donc revenu et il parle à Saül. Il montre à Saül que la raison du silence de Dieu est son infidélité, Dieu lui a arraché la royauté et l’a donnée à David. Il le livrera aux mains des Philistins le lendemain, lui et ses fils (cf. 1S 28, 15-19). Le bref dialogue entre Samuel et Saül est la pointe de ce récit. Saül y déplore son abandon par Dieu, et Samuel confirme qu’il est irrévocable et la défaite certaine. Au lieu de lui donner l’oracle qu’il attend, Samuel réaffirme à Saül ce qu’il avait déjà dit de son vivant en annonçant le remplacement de la dynastie de Saül par celle de David (cf. 1S 15, 28 et 1S 28, 17b). Ce dialogue révèle la possibilité pour les vivants de s’entretenir avec les morts542. Cette consultation de la nécromancienne d’En-Dor par le roi Saül est l’une de ses plus lourdes fautes543.

Cet épisode montre que c’est Samuel qui est revenu car il répète ce qu’il a dit à Saül durant sa vie terrestre. Il suggère que c’est Dieu qui a fait monter Samuel car ce qu’il a dit de son vivant à Saul et qu’il a répété ici vient de Dieu, le prophète a transmis le message de Dieu pour Saül. L’idée selon laquelle Dieu a fait monter Samuel sera reprise plus loin. Cette scène de 1S 28 ne montre pas seulement l’existence de la nécromancie en Israël, mais aussi le rôle et l’importance des défunts dans la société israélite de l’époque544.

Dans ce cas, les cultures israélites d’alors est semblable aux cultures malgaches actuelles. Car à Madagascar, les morts, en particulier les ancêtres défunts jouent un grand rôle dans la société, même si cette situation est en train de changer petit à petit de nos jours vers la négligence de ces Ancêtres défunts. L’importance des Ancêtres dans la société traditionnelle malgache est vue à travers les différentes formes du culte des ancêtres.

1.4.3.2. La pratique de l’invocation des morts dans 2R 21, 6 ; 23, 24

Avant d’aborder notre sujet, Il convient de présenter brièvement les deux livres des Rois. Ces derniers forment un seul ouvrage dans la Bible hébraïque. Ils correspondent aux

540

Cf. Theodore Joseph LEWIS, op. cit., 1989, p. 114 ; pour cette consultation de Samuel, cf. aussi Jacques CAZEAUX, Saül, David, Salomon. La Royauté et le destin d’Israël, (Lectio Divina, 193), Cerf, Paris, 2003, p. 148.

541

Cf. Brian B. SCHMIDT, op. cit., 1994, p. 210.

542

Cf. René TABARD, La vie avec les morts. Expériences humaines et foi chrétienne, DDB, Paris, 2010, p. 147.

543 Cf. Jacques CAZEAUX, op. cit., 2003, p. 148. 544

deux derniers des quatre livres des Règnes de la LXX. Ils couvrent une longue période de l’histoire d’Israël, sur les monarchies. Les derniers jours de David (1R 1-2, 10) vers 972 constituent les événements les plus anciens ; la rentrée en grâce du roi Joiakîn (2R 25, 27-32) datée du 561 est le plus récent.

Knauf note : « D’après son contexte canonique, 1-2 R est un livre de rois et de prophètes. C’est le plus deutéronomiste des livres des Nebiim. »545 La première version de 1- 2R se serait arrêtée avec le règne d’Ezéckias et serait l’œuvre de la cour de Josias. D’autres versions, insertions et ajouts viennent après. L’insertion des récits prophétiques, comme ceux d’Élie et d’Élisée, marque une étape importante pour la transformation de ces livres en récit historique et prophétique en partie546. 1-2R se divise en trois parties : la première parle du royaume uni sous Salomon (1R 1-11) ; la deuxième raconte l’histoire d’Israël et de Juda jusqu’à la conquête de la Samarie (1R 12-2R 17) ; et la troisième présente l’histoire de Juda jusqu’à sa chute (2R 18-25). Nos deux textes sont dans la troisième partie de ces deux œuvres.

Voici notre premier passage : « Il (le roi Manassé) fit passer son fils par le feu. Il pratiqua les incantations et la divination, installa des nécromants et des devins, il multiplia les actions que Yahvé regarde comme mauvaises, provoque ainsi sa colère. » (2R 21, 6). En installant les nécromants et les devins, le roi Manassé accepte la nécromancie et la divination dans son royaume.

Contrairement à Saül, Manassé a pratiqué la divination et installe les nécromants et les devins, non pas dans l’intention de savoir la volonté de Dieu pour lui mais dans la ligne de ses actions mauvaises aux yeux de Dieu ou dans l’infidélité à Celui-ci parce qu’il savait bien que ces pratiques étaient contraires à la volonté de Dieu. Le cas de Manassé prouve aussi l’existence de la pratique d’évocation des morts et des autres esprits, au sein du peuple Israël et dans ses traditions. Mais comme plusieurs passages l’attestent, cette pratique reste toujours des actes d’abomination et des actions mauvaises aux yeux de Dieu car elle marque l’infidélité à son encontre.

Le passage de 2R 21, 6 révèle l’opposition de la théologie deutéronomiste à la pratique en particulier de la nécromancie. Il exprime explicitement que cette pratique est d’usage courant dans la société israélite et judéenne au 7e siècle sous le règne du roi Manassé547.

Notre deuxième passage est dans 2R 23. Ce chapitre est aussi dans la tradition deutéronomiste. Il nous présente la lecture solennelle du livre de l’alliance découvert dans le Temple de Yahvé (cf. 2R 23, 1-3). Ce livre de l’alliance (cf. 2R 23, 21), appelé aussi le livre de la Loi (cf. 2R 22, 8), peut être le Deutéronome, au moins sa section législative, dont les prescriptions commanderont la réforme qui va suivre. C’est le document de l’alliance avec Yahvé, peut-être rédigé en relation avec la reforme d’Ezéchias (cf. 2R 18, 4), caché et perdu ou oublié. Selon N. Lohfink, le texte de 2R 22-23, le הרותה רפס séphèr ha-torâh « le livre de la loi » découvert dans le Temple du temps du roi Josias est le code deutéronomique548. 2R 23

545 Ernst Axel KNAUF, « 1-2Rois », dans Thomas RÖMER, Jean-Daniel MACCHI, Christophe NIHAM (éds.),

Introduction à l’Ancient Testament, Labor et Fides, Genève, 2004, p. 302.

546

Cf. Ibid., p. 306-307.

547 Cf. Theodore Joseph LEWIS, op. cit., 1989, p. 123. 548

Cf. Norbert LOHFINK, « Deutéronome et Pentateuque : État de la recherche », dans Pierre HAUDEBERT (éd.),

Le Pentateuque. Débats et Recherches. XIVe congrès de l’ACFEB (l’Association Catholique Française pour l’Étude de la Bible), Angers (1991), Cerf, Paris, 1992, p. 38-39 ; cf. aussi Mordechai COGAN, Hayim TADMOR, II Kings,

présente ensuite la réforme religieuse en Juda ordonnée par Josias au grand prêtre Hilqiyyahu (cf. 2R 23, 4-14), l’extension de la reforme à l’ancien royaume du Nord (cf. 2R 23, 15-20), la célébration de la Pâque selon ce qui est écrit dans le livre de l’alliance (cf. 2R 23, 21-23), la conclusion sur la réforme religieuse (cf. 2R 23, 24-27) et la fin du règne de Josias (cf. 2R 23, 28-30). L’élimination des nécromants et des devins par Josias s’inscrit dans cette réforme.

Voici notre texte : « De plus, les nécromants et les devins, les dieux domestiques et les idoles, et toutes les horreurs qu’on pouvait voir dans le pays de Juda et à Jérusalem, Josias les fit disparaître, en exécution des paroles de la Loi inscrites au livre qu’avait trouvé le prêtre Hilqiyyahu dans le Temple de Yahvé. » (2R 23, 24). Cette réforme montre la coupure ou l’interruption de certains usages en milieu juif avant cette réforme. Les םיפרת teraphim traduits par « dieux domestiques » dans notre version biblique et qui figurent parmi les objets détruits ont été probablement utilisés avant.

On peut attribuer aux rois Manassé et Amon la responsabilité de l’introduction d’une partie de ces nécromants et de ces devins au sein du peuple d’Israël à cette époque, et que le roi Josias fit disparaître dans le cadre de sa réforme religieuse.

Le texte de 2R 23, 24 se trouve presque à la fin du récit de cette réforme religieuse. La suppression de ces nécromants et de ces devins par le roi Josias montre que la pratique de la nécromancie et de la divination est négative en Israël malgré son existence au sein de ce peuple. Ces pratiques sont contraires à la volonté de Dieu et sont mis dans le rang de l’idolâtrie.

La réforme faite par le roi Josias qui comprend la centralisation du lieu de culte à Jérusalem, la destruction des objets cultuels païens comme leurs sanctuaires (cf. 2R 23), la proscription de la divination et de la nécromancie signifie un retour vigoureux à la religion de Yahvé, par opposition à l’idolâtrie et au syncrétisme. Ce récit de 2R 23 dont fait partie notre passage porte la marque de la théologie deutéronomiste qui présente le roi Josias comme le bon roi par excellence dans sa lutte contre les usages païens549.

La pratique nécromancienne et les autres divinations en milieu juif mentionnées dans l’Ancien Testament, y compris les passages de 2R 17, 17 ; 23, 24, sont venues surtout de la Mésopotamie à cause du contact de ce peuple juif avec les habitants de cette région. L’arrivée de la nécromancie sur le sol judéen et israélite est préexilique. Les cultes du 8e et du 7e siècles en Israël auraient été influencés par les rites et la croyance d’origine mésopotamienne. Si d’autres pratiques semblables en Israël ont des origines mésopotamiennes, la probabilité sur l’origine mésopotamienne de la pratique de la nécromancie, du respect des ancêtres et des morts augmente par le contact entre ces peuples550.

L’introduction de cette pratique nécromancienne et divinatoire par le roi Manassé et sa suppression par le roi Josias reflètent l’aspect populaire de cette pratique pendant le règne de ces deux rois551. Dans ce cas, cette pratique est d’usage dans le milieu populaire de l’époque dans le milieu juif.

549

Cf. Jacques VERMEYLEN, Jérusalem, centre du monde. Développement et contestations d’une tradition

biblique, (Lectio Divina, 217), Cerf, Paris, 2007, p. 100 ; cf. aussi Theodore Joseph LEWIS, op. cit., 1989, p. 125.

550 Cf. Brian B. SCHMIDT, op. cit., 1994, p. 222. 551

1.4.3.3. L’existence du culte des morts dans Ps 106, 28 et d’autres psaumes

Le Ps 106, 28 révèle une sorte de culte des morts. Voici le verset : « Ils se mirent au joug de Baal-Péor et mangèrent les sacrifices des morts. ». L’existence de l’expression « mangèrent les sacrifices des morts » renforce l’idée selon laquelle ce passage exprime l’existence du culte des morts. Il s’agit, dans ce passage, de banquets funéraires qui devront été détestés parce qu’il y a des liens avec des pratiques cananéennes qui font des cultes pareils, et aussi parce qu’ils peuvent avoir des rapports avec le culte des ancêtres défunts et la déification des morts552. L’expression םיתמ יחבז zibehé metim est un hapax et doit être expliquée sur la base du contexte de Nb 25 qui parle également de quelque chose de semblable à ce passage du Ps 106, 28553.

Souvent l’expression םיתמ יחבז zibehé metim est interprétée en référence aux sacrifices offerts aux dieux païens considérés comme morts. Le problème avec cette interprétation est que dans la Bible, Dieu n’est jamais appelé le םיתמ metim « les morts » mais le terme םיהלא ’elohim « dieux » est quelquefois employé pour désigner l’esprit d’une personne décédée (cf. 2S 28, 13 et Is 8, 19). Le terme םיתמ יחבז zibehé metim pourrait signifier « banquets funéraires ». Les Cananéens étaient connus pour partager des repas avec leurs morts. Le חבז zébah dénote parfois banquet plutôt que sacrifice554. À partir de ces explications, on peut dire que dans ce passage, il s’agit de culte des morts, ou du moins à l’état d’allusion.

Des commentateurs interprètent encore םיתמ יחבז zibhê metim comme des sacrifices aux « dieux ou idoles sans vie » ou une sorte de banquet sacrificiel avec ou pour les « esprits des ancêtres morts »555. D’autres comprennent que l’expression םיתמ יחבז zibhê metim « les sacrifices pour les morts » (Ps 106, 28) se réfère à un culte des morts556.

Pour T. Lewis, la clé pour comprendre la pensée du psalmiste est de reconnaître que

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