• Aucun résultat trouvé

INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE

1. APERÇUS DE RITES ET DE PRATIQUES CONCERNANT LES DÉFUNTS

1.2. LES PRATIQUES D’INHUMATION, LES OFFRANDES ALIMENTAIRES, LE MONDE DES MORTS ET LEUR MÉMOIRE

1.2.1. Les pratiques d’inhumation et les offrandes alimentaires

L’obligation d’enterrer un corps mort se lit dans plusieurs passages de la Bible, en particulier dans les livres des Rois. La biographie des personnages se termine par l’indication de leur mort et de leur enterrement dans ces livres. Cela met en évidence cette pratique d’enterrement et son importance en Israël ancien. L’importance de cette pratique peut être expliquée par la peur de ne pas être inhumé qu’on trouve dans d’autres passages comme Gn 49, 29-33 ; 50, 25-26 ; Jr 22, 19. Et les menaces de ne pas être enterré sont vraiment prises au sérieux. Le roi Joiaqim est menacé d’être traîné et jeté loin des portes de Jérusalem (cf. Jr 22, 19), Pharaon est menacé d’être jeté dans le désert et de ne pas être ramassé ni enterré (cf. Ez 29, 5). Tobie veille à prévoir son enterrement, celui de ses proches parents (cf. Tb 4, 4 ; 8, 10- 12 ; 14, 2. 11-13) et ensevelit les morts de son peuple au risque même de sa propre vie (cf. Tb 1, 17-19), ce qui montre l’importance de cette pratique.

Dès la période des patriarches, le choix de son propre pays et de sa cité d’inhumation se manifeste. Abraham choisit et achète la grotte de Makpela (cf. Gn 23) pour Sara son épouse, pour lui et les membres de sa lignée (cf. Gn 49, 29-32). Cette grotte funéraire restera une sépulture héréditaire et familiale (cf. Gn 25, 9). Joseph s’engage solennellement à ne pas enterrer Jacob son père en Egypte mais dans le tombeau de ses ancêtres (cf. Gn 49, 29-30). Ce dernier est transporté au pays de Canaan et est inhumé dans la grotte de Makpela (cf. Gn 50, 13). Les ossements de Joseph sont ensevelis à Sichem dans la pièce de terre acquise par Jacob (cf. Jos 24, 32). Josué, le successeur de Moïse, est enterré dans le tombeau dans les limites de sa possession à Timmnath-Serah, dans la montagne d’Ephraïm (cf. Jos 24, 29). Barzillaï exprime le souhait d’être enseveli dans la même cité que ses parents (cf. 2S 19, 38).

L’inhumation dans l’hypogée familial est essentielle et plusieurs exemples dans les livres des Rois le montrent. Pour souligner cela, l’ensevelissement dans le sépulcre familial des princes de la maison de David est souligné par la formule : « Il fut enterré avec ses

434 Cf. Adolphe LODS, Histoire de la littérature hébraïque et juive, des origines à la ruine de l’état juif, 135 après

pères »435. Cette formule est employée pour David (cf. 1R 2, 10), Salomon (cf. 1R 11, 43), Roboam (cf. 1R 14, 31), Asa (cf. 1R 15, 24), Josaphat (cf. 1R 22, 51), etc.

La sépulture du défunt se faisait rapidement après la mort, quelquefois le jour même, à cause de la chaleur, de l’étroitesse des maisons et de l’impureté qu’entraînait le cadavre pour la famille. Cette sépulture avait lieu en dehors de la ville ou du village, et en général dans un endroit proche, près d’une pente rocheuse où l’on pouvait facilement tailler des tombes. Pour les plus pauvres, on se contentait de creuser une fosse ou un puits dans la terre et l’on y plaçait le défunt436 Il existait près de Jérusalem une fosse commune (cf. Jr 26, 23) pour les corps de ceux qui n’avaient pas de famille, des condamnés et des étrangers.

Les familles riches possédaient un tombeau creusé dans le roc où des banquettes, avec parfois un repose-tête, permettaient d’allonger le défunt. Il s’agit là de tombes collectives dans lesquelles une fosse était destinée à conserver les ossements lorsqu’il fallait faire de la place pour de nouvelles inhumations. À l’époque d’Isaïe, Shebna construit son tombeau, geste qui entraîne l’annonce de sa destitution (cf. Is 22, 15-19). On peut imaginer que Shebna pourrait ne pas être le seul à le faire à l’époque. Toujours à l’époque d’Isaïe, face à la Cité de David, on pouvait voir dans le village de Silwan des tombes taillées dans le roc437.

Quel que soit leur statut social, les défunts étaient enterrés avec des objets personnels et différentes céramiques, par exemple des lampes. Vers la fin de la période israélite et après, on observe que ces objets diminueront en nombre jusqu’à disparaître. Cela montre une évolution des esprits en ce qui concerne les besoins des morts438.

Les sépultures des Judéens sont souvent rassemblées dans les nécropoles en dehors des remparts des villes. Il s’agit des grottes funéraires, des tombes simples, des tombes à chambres, à bancs et à arcosolia439. Il y a aussi des tombes isolées. Selon la tradition, seuls les hypogées royaux se trouvent à l’intérieur de la capitale. Il y a également des réceptacles comme des jarres, des cercueils en forme de baignoire. Ce qui montre que les Israélites pratiquent différents types d’inhumation440.

Les Judéens vont choisir et préférer les tombes à chambres à bancs taillées dans le rocher. Et les tombes à arcosolia sont un type de tombes à bancs. Quelques tombeaux excavés sont découverts à Jérusalem. H. Nutkowicz montre une évolution de cette pratique et note « Au commencement de la période, une corrélation se fait jour entre la répartition géographique des différents modes d’inhumation et des groupes culturels de la région. Seuls quelques rares sites, comme Lakish et Jérusalem, témoignent d’une large variété confirmant leur rôle de centres cosmopolites. La période du Xe au VIe siècle va voir se transformer l’image de cette configuration, le processus de développement des tombes à chambres à bancs et à arcosolia devenues, dès le VIIIe siècle, la pratique prépondérante et la spécificité des Judéens »441.

435 Cf. Hélène NUTKOWICZ, op. cit., 2006, p. 66. 436

Cf. Jacques BRIEND et Michel QUESNEL, op. cit., 2001, p. 113.

437

Cf. Id.

438 Cf. Id. ; cf. aussi Roland de VAUX, op. cit., 1976, p. 95.

439Arcosolia, ou arcosolium au singulier, est un type de tombe utilisé depuis l’Antiquité, surtout dans les

catacombes à l’époque paléochrétienne. Il a la forme d’une niche semi-circulaire avec un arc creusé au-dessus du cercueil, souvent un sarcophage. Il porte souvent un décor peint, sur la lunette et l’intrados de l’arc.

440 Cf. Hélène NUTKOWICZ, op. cit., 2006, p. 83. 441

Une coutume montre que l’on apporte à la famille du défunt du pain de deuil et de la coupe de consolation (cf. Jr 16, 7 ; Ez 24, 17. 22). C’est peut-être parce que la famille en deuil ne pouvait pas préparer à cause de l’impureté due à la présence du mort. La coutume des offrandes alimentaires faites aux morts existait dans le monde cananéen et l’archéologie l’atteste. Du moins à l’origine, Israël maintient cette coutume. Dans ce cas, on croit à une certaine forme de vie pour les défunts avec lesquels on cherche à communiquer442.

R. de Vaux rappelle que les fouilles indiquent que les Israélites ont suivi au moins un certain temps l’usage cananéen de déposer des aliments dans la tombe443. Chr. Nihan dit que la pratique qui consiste à offrir de la nourriture aux défunts se poursuit au long de l’époque du second temple et pendant le judaïsme rabbinique444. Dans le livre de Tobie, par exemple, cette pratique qui consiste à répandre du pain et du vin sur les tombeaux des justes (cf. Tb 4, 17) est présentée comme légitime et fait partie des recommandations que donne Tobit à son fils Tobie sur son lit de mort, et qui doivent permettre à ce dernier de mener une existence conforme aux commandements de Dieu.

D’après R. de Vaux, ce précepte est emprunté à la sagesse d’Ahiqar et, dans le contexte immédiat du livre de Tobie, il pourrait être accompagné d’aumônes faites à l’occasion d’un enterrement. De toute manière, il s’agit bel et bien des offrandes alimentaires dans ce Tb 4, 17. Des coutumes semblables se sont continuées longtemps et se poursuivent en milieu chrétien, indiquent une croyance à la survie et un sentiment d’affection envers les défunts445.

À une époque plus récente les offrandes alimentaires pour les morts sont considérées comme inutiles (cf. Si 30, 18-19 ; Ba 6, 26). Is 57, 6 et Ps 106, 28 se montrent critiques envers ces pratiques. Au prix d’une évolution et dans la perspective de la résurrection, on voit apparaître à l’époque romaine le rôle de la prière et du sacrifice expiatoire pour les morts en 2M 12, 38-46446. Cette réalité rappelle bien le Rasahariaña des Tsimihety de Madagascar car ceci est à la fois une prière et un sacrifice pour les morts afin de leur permettre de devenir de véritables Ancêtres ou pour suivre une vie paisible dans l’au-delà auprès des leurs.

Outline

Documents relatifs