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2. ANALYSE DU RITE DU RASAHARIAGNA

2.3. LES SYMBOLES ET LES OBJETS

2.3.3. L’animal à offrir et à sacrifier

Nous expliquons ici les caractéristiques et le nombre d’animaux à offrir, les valeurs des bœufs à Madagascar et les significations du nombre et ses caractéristiques.

C’est toujours un bœuf qu’on donne à un défunt qui demande le Rasahariaña et qu’on sacrifie pendant ce rite, car d’abord c’est la tradition et puis c’est la valeur particulière du bovidé dans la richesse Tsimihety et même pour tous les Malgaches242. Et de préférence pour l’animal à offrir pendant le Rasahariaña, c’est la vache ; la raison est que le défunt demandeur va continuer à élever cet animal, et la vache peut se reproduire encore en donnant des générations. C’est une manifestation de continuité de la vie du demandeur sur la terre dans l’au-delà en tant qu’éleveur de bœufs.

Dans ce cas, les Tsimihety rejoignent les Tchouktches et les Koriaks éleveurs des rennes du Nord-Kamtchatka, en Sibérie orientale en Russie. Chez ces deux tribus de la Russie, on tue les rennes pendant les rites funéraires et les commémorations des morts. Les animaux tués et sacrifiés à cette occasion sont censés assurer le transfert d’un individu décédé vers l’autre monde qui est le monde et la société des Ancêtres. Ces rennes sacrifiés assurent l’intégration du défunt dans le monde des Ancêtres ; on peut dire qu’ils servent à le faire devenir Ancêtre. Autre raison du sacrifice de ces rennes à cette occasion, cela permet au défunt tchouktche ou koriak de poursuivre son existence d’éleveur dans sa nouvelle société qui est celle des Ancêtres243.

Ces deux motifs sont ceux de Rasahariaña chez les Tsimihety. Le bœuf qu’on tue pendant le Rasahariaña sert intégrer le défunt dans sa nouvelle société qui est le monde des Ancêtres. L’offrande de bœuf est alors l’un des éléments du rite qui permet au destinataire de devenir Ancêtre. On lui donne le bœuf ou surtout la vache parce qu’on pense qu’il va l’élever encore dans sa nouvelle société. Cela montre en partie la forme de la continuité de la vie du défunt dans l’au-delà.

Dans le Rasahariaña, le sexe de l’animal importe peu même si la préférence est pour la vache244. Puisque celle-ci va donner de génération, elle fera augmenter la guérison, la santé et le bonheur qu’on a demandé au cours du Rasahariaña. Si on demande quelque chose de bien comme la réussite aux examens, la réussite dans la vie, on doit utiliser les vaches car elles

241

Cf. Joseph Justin RANDRIANANDRASANA, op. cit., 2000, p. 42.

242 Cf. Enquete II avec Meur LEBASY, Ambiahely le 23 juillet 2011. 243

Cf. Patrick PLATTET, « Les rites de deuil et les commémorations funéraires chez les éleveurs de rennes koriaks du Nord-Kamtchattka », dans Yvan DROZ (dir.), La violence et les morts. Eclairage anthropologique sur

la mort et les rites funéraires, Georg Editeur, Paris, 2003, p. 201.

244

feront augmenter ce qu’on a demandé. En plus, les morts reçoivent de la part des vivants une considération particulière ; quelquefois, on les considère même comme une sorte de divinité à cause de la considération particulière qui leur est accordée245.

Les bœufs qui ont la couleur mavo, entre gris et blanc, tombolôho ou rougeâtre et noirâtre, vakivôho c’est-à-dire blanc en haut et en bas, vandamena ou rouge mais blanc en bas, vandamainty ou noir mais blanc en bas ne sont pas offerts en Rasahariaña. Pour les bœufs qui ont la couleur tout rouge et tout noir, il suffit de mettre des terres blanches sur sa face et cela convient au rite, cela veut dire que ce qui est tout rouge et tout noir ne doit pas être offert en Rasahariaña. La terre blanche qu’on met sur leur face sert à enlever le tout rouge et le tout noir. Les bœufs qui ont la couleur blanche sur la tête sont bons et aptes à offrir pour le Rasahariaña comme masa ou la face blanche, bidahara ou muni d’un petit blanc sur la face, et mazava lôha c’est-à-dire toute la tête est blanche246.

Il y a des familles qui ne choisissent pas de couleur de l’animal à offrir pendant le Rasahariaña. Notre informateur dans notre enquête V montre que n’importe quelle couleur de bœuf est favorable pour le Rasahariaña. Donc la couleur du bœuf importe peu pour eux dans ce rite. Tsy mifidy volon’omby amin’ny Rasahariaña. Traduction : « on ne choisit pas la couleur de la peau du bœuf pour le Rasahariaña »247. Toujours pour cette couleur de l’animal à offrir, on a la préférence pour les aomby mazava loha ou les bœufs dont la tête est toute blanche. Les bœufs qui ont cette couleur sont bons à offrir aux Ancêtres. C’est pourquoi Felix a dit : « Ny Omby mazava loha no atao amin’ny Razana », c’est-à-dire « les bœuf dont la tête est toute blanche sont pour les Ancêtres »248.

Le bœuf à offrir pour le Rasahariaña ne doit pas avoir de handicap physique, en malgache, omby tsy misy antsa na kilema. Un bœuf jeune est mieux. Puisque la vache est à préférer pour un Rasahariaña, elle ne doit ni allaiter ni être en grossesse249. Cela symbolise la

pleine force et l’énergie de l’animal, en plus de raison pratique de la situation de la vache. Concernant le nombre de bœufs à offrir pendant le Rasahariaña, normalement un bœuf pour une personne. Mais actuellement, à cause de l’insécurité, de la pauvreté et du vol de bovidés croissant dans la région, il peut arriver de donner un bœuf pour deux ou trois défunts. Ce cas reste encore très rare et c’est une exception. Si de tels cas arrivent, on doit l’expliquer aux destinataires du Rasahariaña au début du déroulement du rite car cela est anormal250.

Puisque le bœuf marque la richesse et est valeureux pour les Tsimihety et presque dans tout Madagascar, on le donne à quelqu’un de valeureux pour soi, à quelqu’un qu’on aime. D’où pour le mariage traditionnel tsimihety, on donne une vache à la future épouse251. L’affichage des bœufs sur les billets de banque et sur les monnaies malgaches montre la valeur que représentent les bœufs pour indiquer la richesse des Malgaches. Ces bœufs représentent donc la richesse de Madagascar. L’offrande d’un bœuf pendant le Rasahariñna souligne la valeur des Ancêtres chez les Tsimihety et aussi chez tous les Malgaches.

245

Cf. Enquete V avec Meur JAOVELO, Anahidrano le 05 aout 2011.

246

Cf. Enquete II avec Meur LEBASY, Ambiahely le 23 juillet 2011.

247 Cf. Enquete V avec Meur JAOVELO, Anahidrano le 05 aout 2011. 248

Cf. Enquete VII avec Meur FELIX, Antsohihy le 30 juillet 2011.

249

Cf. Mes Enquêtes I et IV.

250 CF. Mes Enquêtes I, II, IV et V. 251

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