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INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE

2. LES CRITIQUES À LA LUMIÈRE DU DIEU DES VIVANTS

2.1. LES « PROBLÈMES » DES FUNÉRAILLES

2.1.1. La mort et le tombeau de Rachel

Rachel, l’épouse de Jacob, est le troisième ou le quatrième ancêtre d’Israël du côté maternel, après Sara épouse d’Abraham et de Rébecca épouse d’Isaac. Pour l’avoir comme

épouse, Jacob a dû servir Laban son beau-père pendant 14 ans dont sept ans pour Léa l’aînée et sept autres pour Rachel la cadette (cf. Gn 29, 18-30). Jacob a fait tout son possible pour avoir Rachel comme épouse à cause de son amour pour elle. Dans ce cas, on peut considérer Rachel comme la véritable femme de Jacob, sa préférée, et donc la troisième, même si Léa épouse Jacob d’abord578.

Avant la mort de Rachel, Jacob et sa famille sont à Béthel car Jacob est sur le chemin du retour (cf. Gn 35, 1-15). Ils partent de Bethel et arrivent à Ephrata. C’est là que Rachel accouche. « Ses couches furent pénibles et, comme elle accouchait difficilement, la sage- femme l’encouragea en lui disant : Rassure-toi, c’est encore un fils que tu as ! » (Gn 35, 16- 17). Rachel meurt après avoir accouché un fils. Avant de mourir, Rachel nomme son fils. « Au moment de rendre l’âme, car elle se mourait, elle le nomma Ben-Oni, mais son père l’appela Benjamin. » (Gn 35, 18). L’expression ינוא־ןב Ben-Oni signifie « Fils de la douleur ». La douleur encourue par Rachel pendant son accouchement explique son choix de ce ינוא־ןב Ben- Oni car la douleur l’a conduite à la mort.

Jacob change le nom de ינוא־ןב Ben-Oni en Benjamin qui veut dire « fils de la droite », c’est-à-dire « fils de bon augure ». Le nom de l’enfant désigne quelque chose dans l’avenir de l’enfant et du peuple Israël. L’enfant que Rachel a mis au monde en mourant est l’ancêtre du premier roi messie d’Israël, Saül. Ce Benjamin est le premier et le seul fils de Jacob qui est né en Terre promise. La mort est ici liée à des circonstances de vie. Il s’agit de la vie du peuple Israël en Terre promise. Cette mort de Rachel est en quelque sorte prophétique pour la vie de ce peuple de Dieu qu’est Israël. Elle porte une vision sur ce peuple. C’est le rôle tenu par la tribu de Benjamin dans la royauté d’Israël. Dans ce cas, la mort de Rachel est prophétique.

« Rachel mourut et fut enterrée sur le chemin d’Éphrata – c’est Bethléem. Jacob dressa une stèle sur son tombeau ; c’est la stèle du tombeau de Rachel, qui existe encore aujourd’hui. » (Gn 35, 19-20 ; cf. Gn 48, 7). Le tombeau de Rachel a deux localisations : à 10 km au sud de Jérusalem en Gn 35, à Bethléem-Ephrata ; et à 10 km au nord de Jérusalem selon 1S 10, 2, sur le territoire de Benjamin. Selon ces textes bibliques, ce tombeau de Rachel se situe entre ses deux descendants, Benjamin et Ephraïm. Elle continue à veiller sur eux.

L’onction du premier roi messie de l’histoire d’Israël, le roi Saül, est liée à Rachel ou plutôt à son tombeau. Le prophète Samuel oint Saül comme roi d’Israël sur l’ordre du Seigneur (cf. 1S 9, 26 ; 10, 1-2). Et après cette onction, Samuel lui dit qu’il rencontrera deux hommes près du tombeau de Rachel, qui lui diront que les ânesses qu’il recherche sont retrouvées. Dès que Saül quitte Samuel pour retourner chez son père, « Dieu lui changea son cœur et tous les signes que Samuel lui a parlé s’accomplirent le jour même. » (1S 10, 9).

Saül le premier roi messie est envoyé le jour de son onction au tombeau de son ancêtre qui a donné vie à Israël en quittant la vie terrestre. Cela veut dire peut-être qu’au début de sa fonction royale et messianique, Saül remonte à la source. La source montre une vie579. Même si on ne parle pas encore de la vie après la mort dans la Bible à cette époque et dans ce contexte, on peut se poser la question de savoir si Rachel est morte dans le sens d’un anéantissement. Il y a un lien entre Rachel son ancêtre et la fonction royale et messianique que va prendre le futur roi Saül de l’époque.

578

Cf. Jacques CAZEAUX, Le partage de minuit. Essai sur la Genèse, (Lectio Divina, 208), Cerf, Paris, 2006, p. 481.

579 Cf. Philippe LEFEBVRE, La Vierge au Livre. Marie et l’Ancien Testament, (Epiphanie), Cerf, Paris, août 2004, p.

Saül est implicitement invité à demander la bénédiction de son ancêtre et à se référer à elle avant de prendre sa fonction sur le peuple de Dieu. C’est au tombeau de Rachel que Dieu montre à Saül que c’est Lui (Dieu) qui l’a oint comme chef sur son peuple (Israël). Le signe est sa rencontre avec les deux hommes près de ce tombeau annoncée par Samuel. Le signe mentionné par Samuel est réalisé. Ce message de ces deux hommes résout le problème initial de la perte des ânesses. Le message laisse entendre que l’intérêt se porte sur le destin de Saül580. Ce destin, on peut le dire, commence à ce tombeau de Rachel, son ancêtre.

Ces phénomènes révèlent l’importance que tiennent les ancêtres pour Israël car Saül va être roi non seulement sur la tribu de Benjamin mais pour tout Israël, peuple de Dieu. Or il est implicitement demandé par Dieu au futur roi de se référer à Rachel son ancêtre avant et dans l’exercice de sa fonction royale et messianique. Pour montrer cette importance des ancêtres pour Israël dans la Bible, on voit souvent des références aux différents patriarches ou ancêtres et grandes figures de personnalités comme Abraham (la foi et la confiance en Dieu, père des croyants), Isaac, Jacob, Moïse (libérateur du peuple de Dieu), David581 (modèle des rois d’Israël), Salomon (roi sage et constructeur du Temple), etc. Israël se réfère souvent à ces personnages dans leur vie comme dans l’exercice de leur fonction.

Les Malgaches, eux-aussi, aiment demander la bénédiction des Ancêtres et des parents vivants avant d’entreprendre une fonction et d’autres activités dans leur vie. Ils se réfèrent souvent et surtout à leurs Ancêtres. Le culte des Ancêtres exprime cette référence des Malgaches à leurs Ancêtres qu’ils pensent mener une autre vie dans l’au-delà.

La fonction royale et messianique de Saül consiste aussi et surtout à sauver le peuple Israël, peuple de Dieu, de ses ennemis. Il s’agit alors de la fonction divine confiée à des hommes. Tout ceci nous indique que de la part de Saül, l’exercice de sa future fonction nécessite la référence à ses ancêtres et surtout à tous les ancêtres d’Israël dont fait partie Rachel, parce qu’il va régner sur tout Israël sur l’ordre de Dieu.

Ce cas de Rachel montre la mise en question par Dieu dans la Bible des rites funéraires habituels. Elle n’est pas enterrée dans la terre de ses ancêtres comme la plupart des patriarches et matriarches bibliques. Sa mort et son tombeau sont liés à des circonstances de vie du peuple Israël. Un tombeau et une mort qui donnent vie sont un peu spéciaux et vraiment étonnants. Et il s’agit de la vie du peuple de Dieu, cela montre la présence de Dieu dans ces circonstances.

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