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INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE

2. LES CRITIQUES À LA LUMIÈRE DU DIEU DES VIVANTS

2.1. LES « PROBLÈMES » DES FUNÉRAILLES

2.1.2. La mort et l’enterrement de Moïse

Le personnage de Moïse est l’un des fils conducteurs qui unissent le Pentateuque. Il traverse quatre des cinq livres. W. Vogels appelle Moïse un personnage aux multiples visages avec des titres comme Prophète (cf. Nb 12, 6 ; Dt 18, 15 ; 34, 10 ; Os 12, 14), législateur d’Israël, homme de Dieu (cf. Jos 14, 6 ; Esd 3, 2), serviteur de Dieu (cf. Nb 12, 7 ; Jos 14, 7, Ne 1, 8), etc582. Notre étude concernant sa mort se trouve à la fin du livre du Deutéronome.

580 Cf. André CAQUOT et Philippe de ROBERT, Les livres de Samuel, (Commentaire de l’Ancien Testament, 6),

Labor et Fides, Genève, 1994, p. 127.

581

Pour les figures de David, cf. Louis DESROUSSEAUX et Jacques VERMEYLEN (éd.), Figures de David à travers

la Bible. XVIIe congrès de l’ACFEB (Lille, 1er-5 septembre 1997), (Lectio Divina, 177), Cerf, Paris, 1999.

582

Comme Jacob, avant sa mort, Moïse bénit les douze tribus d’Israël (cf. Dt 33). C. Dogniez et M. Harl font savoir : « Le genre littéraire des « bénédictions », dans un discours d’adieu d’un père à ses enfants, correspond particulièrement bien à la pensée religieuse hébraïque : c’est un appel pour que le Seigneur envoie sur les descendants la fécondité et la vie. »583

Dans ce cas, dans leur tradition, les Malgaches rejoignent les Hébreux. Car pour les Malgaches, les bénédictions des Ancêtres revêtent une importance capitale dans la vie. Et cette importance des bénédictions des parents qui est l’une des raisons d’être du culte des Ancêtres à Madagascar.

Avant cette bénédiction, Dieu fait savoir à Moïse le lieu de sa mort. Il lui montre qu’il n’entrera pas dans la Terre promise : « Parce que vous m’avez été infidèles au milieu des Israélites aux eaux de Mériba-Cadès, dans le désert de Çîn, parce que vous n’avez pas manifesté ma sainteté au milieu des Israélites, c’est du dehors seulement que tu verras le pays, mais tu n’y pourras pas entrer, en ce pays que je donne aux Israélites. » (Dt 32, 51-52, cf. Nb 27, 12-14).

En annonçant la mort de Moïse sur la montagne des Abarim, sur le mont Nebo, au pays de Moab, face à Jéricho, le texte biblique note : « C’est là que mourut Moïse, serviteur de Yahvé, en terre de Moab, selon l’ordre de Yahvé ; il l’enterra dans la vallée, au pays de Moab, vis-à-vis de Bet-Péor. Jusqu’à ce jour nul n’a connu son tombeau. » (Dt 34, 5-6). C’est donc Dieu lui-même qui semble y enterrer Moïse.

L’enterrement de Moïse est un cas unique dans la Bible puisqu’il est enterré par Dieu. En plus, on ne trouve pas jusqu’à nos jours le lieu exact de sa tombe (cf. Dt 34, 6). On peut dire que Dieu veut mettre l’accent sur la personnalité de Moïse, sur sa vie et non sur sa mort ni les circonstances de sa mort. Ce cas de Moïse est un cas de mise en question par Dieu des rites funéraires. Ce qui est vraiment extraordinaire, c’est un Dieu qui enterre un humain. Si Dieu met Moïse au tombeau, le tombeau ne semble plus un lieu de mort.

Ce cas de Moïse suscite quelquefois des discussions584. La mort de Moïse ne semble pas un arrêt total de la vie mais il s’agit d’un passage vers l’autre vie, auprès de Dieu car il est un homme de Dieu et il fréquente Dieu durant sa vie terrestre. Il pourrait continuer à mener une autre vie auprès et avec ce Dieu qu’il a fréquenté sur la terre.

Une autre chose mérite d’être signalée dans le cas de Moïse : sans pouvoir l’enterrer, les fils d’Israël pleurent Moïse. On peut dire que Moïse n’a pas bénéficié d’être enterré dans son pays car le pays de Moab n’est pas celui des Israélites. Il n’est pas enterré dans la Terre promise et peut-être parce que personne ne l’a enterré sauf Dieu lui-même. C’est un autre aspect de la mise en cause des rites funéraires pour la mort de Moïse. La mort en pleine vitalité (cf. Dt 34, 7) renforce l’accent mis sur l’importance de sa personne, sur sa vie et non sur sa mort. C’est pour cela peut-être qu’on ne sait pas le lieu de son inhumation par Dieu.

J.-P. Sonnet montre que « Moïse ne meurt pas sans recevoir de Dieu de convertir son lien à la mort »585. La mort de Moïse introduit quelque chose de nouveau dans la conception

583

Cécile DOGNIEZ et Marguerite HARL, op. cit., 1992, p. 342-343.

584

Cf. Ibid., p. 355-356.

585 Jean-Pierre SONNET, « Le rendez-vous du Dieu vivant. La mort de Moïse dans l’intrigue du Deutéronome (Dt

de la mort, de la vie après la mort et même la relation avec les morts. Car à cette époque, il est rare que le tombeau d’un ancêtre ou d’un grand personnage comme Moïse soit inconnu.

J. Cazeaux dit : « Le récit de la mort de Moïse resserre encore la théologie. Cette fois, il meurt en pleine force. Il meurt en voyant la Terre promise tel un roi, mais c’est à nouveau au moment de disparaître. Il meurt en face d’un des lieux les plus dramatiques de l’Exode, Bet- Péor. Il meurt sans qu’on ait gardé la trace de sa tombe. En cela il s’oppose aux Pharaons qu’il a combattus et dont les pyramides auraient de la peine à échapper aux regards sinon à l’exploration. »586

Cette affirmation montre le lien qu’entretient Moïse avec Dieu, et surtout la singularité de sa mort par rapport aux grandes personnalités de l’époque en ce qui concerne la tombe comme celle des Pharaons qui sont dans les pyramides à leur mort. Il s’agit d’un type de changement dans ce monde à l’époque et même de nos jours. Les morts, c’est Dieu qui s’occupe de leur sort, même s’il y a des rites funéraires effectués par les vivants.

Dans la Bible et en particulier le Pentateuque, on ne parle pas encore à cette époque, de la vie éternelle ou de la vie après la mort. Mais le cas de Moïse nous pose la question : si un homme marche et vit avec Dieu pendant sa vie terrestre comme a fait Moïse ne mènera-t-il pas une autre vie après celle sur la terre ? Nous pouvons supposer qu’il continue à vivre avec Dieu. Moïse reste aussi vivant au milieu de son peuple par la Parole de Dieu qu’il leur a transmise tant que ce peuple vit de cette Parole. Dans ce cas, Moïse joue toujours un rôle d’intermédiaire entre Dieu et le peuple Israël comme c’est le cas des Razana, Ancêtres défunts, à Madagascar envers leurs descendants vivants.

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