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L’eau, l’encens et la fille ou la jeune femme dont les parents sont en vie

2. ANALYSE DU RITE DU RASAHARIAGNA

2.3. LES SYMBOLES ET LES OBJETS

2.3.2. L’eau, l’encens et la fille ou la jeune femme dont les parents sont en vie

Une fille ou une jeune femme dont le père et la mère sont encore vivants nettoie le bœuf et fait l’encensement à ce bœuf. Dans l’encensoir, ce sont le vainafo qui est un feu qui ne donne pas de flamme et le tainomby, c’est-à-dire les bouses sèches des bœufs.

Les significations symboliques de l’eau peuvent se réduire à trois thèmes dominants : source de vie, moyen de purification et centre de régénérescence230. Pour R. Jaovelo-Dzao, l’eau symbolise la vie, la fécondité et le sacré ou la sacralité qu’on appelle en malgache le Hasina. Elle rappelle l’eau primordiale dans ses deux valences qui sont à la fois positive et négative, ayant la vertu de détruire le mal et quelquefois ce qui est bien, mais aussi de purifier et de vivifier231. Cela veut dire que l’eau est à la fois source de vie et de bien, elle peut provoquer aussi la mort et être à l’origine du mal.

Pendant les jôro que font les Tsimihety, que ce soit dans la maison ou ailleurs, on utilise toujours les paroles d’invocation et l’eau. Selon J. J. Randrianandrasana, l’eau utilisée dans le Rasahariaña sert à calmer les défunts, elle permet de transformer la colère et l’hostilité des défunts en communion avec les vivants232.

Dans le lavement de l’animal à sacrifier, l’eau prend le sens de purification. Elle a la fonction d’enlever la boue et la bouse qui montrent la saleté et l’impureté sur le bœuf. Et ces saletés et impureté ne peuvent pas être offerts aux Ancêtres, et empêchent la communion sacrale avec eux et le monde de l’au-delà. On lave donc le bœuf parce qu’on l’offrira aux Ancêtres. La preuve de l’acceptation de cette offrande par le défunt demandeur et par les Ancêtres est le fait que le bœuf dort pendant et juste après le jôro233. L’eau figure donc parmi les éléments de médiation qui lient la société terrestre et celle de l’au-delà234.

L’autre usage de l’eau pendant le Rasahariaña est l’aspersion sur le repas sacrificiel du Sôrontsôrogno et sur les enfants après le Fôtojôro du même Sôrontsôrogno. Après ce Fôtojôro, on observe quelques minutes de silence et ensuite on procède à cette aspersion de l’eau sur ce repas sacrificiel et sur les enfants qui se précipiteront pour en prendre et en manger. Selon la croyance tsimihety, comme signalé plus haut, pendant ces minutes de silence, les Razana invités mangent. Après ce silence, on croit qu’ils terminent leur repas, et comme les vivants ils veulent boire aussi après ce repas ; et cette eau aspergée sert pour eux de boisson suite à ce repas. En faisant ce geste, les vivants veulent satisfaire leurs besoins et faire plaisir à ces membres de la société de l’au-delà235.

229 Cf. Id. 230

Cf. Jean CHEVALIER, Alain GHEERBRANT, Dictionnaires des symboles. Mythes, rêves, coutumes, gestes,

formes, figures, couleurs, nombres, Robert Laffont/Jupiter, Paris, 1969, p. 374.

231 Cf. Robert JAOVELO-DZAO, op. cit., 1996, p. 317. 232

Cf. Joseph Justin RANDRIANANDRASANA, op. cit, 2000, p. 40.

233

Cf. Toutes nos enquêtes sauf l’enquête III.

234 Cf. Joseph Justin RANDRIANANDRASANA, op. cit., 2000, p. 41. 235

Une autre signification de cette aspersion de l’eau sur ce repas et sur ces enfants, et qui semble la plus importante pour les Tsimihety et pour les Malgaches dans leur ensemble, est le « Tso-drano » ou la bénédiction. On bénit les enfants qui mangent les restes des membres invités de la société de l’au-delà, en particulier des Ancêtres. Ces enfants mangent alors le même repas que les Ancêtres, ils sont en communion avec ceux-ci. Cette communion s’étend à toute la communauté, car les enfants qui mangent ces restes des Ancêtres à côté des anciens qui mangent eux aussi en même temps que les Ancêtres, le font au nom de toute l’assemblée. En plus, ces enfants symbolisent l’innocence et la pureté du cœur. On respecte les Ancêtres par l’innocence et la pureté de cœur. L’eau est un moyen de purification en tant que symbole de pureté, elle symbolise la vie et montre le respect aux Ancêtres qui sont source de vie venant du Zanahary236.

L’encens montre généralement deux choses : la fumée et le parfum. Il est chargé d’élever la prière vers le ciel. L’usage de l’encensement est universel. Il associe l’homme à la divinité, le fini à l’infini, le mortel à l’immortel237. À Madagascar, chez les Sakalava du Nord par exemple, l’encens est peut-être un moyen pour l’esprit de fuir dans les airs238. Chez les Tsimihety, le « emboka » ou l’encens sert à éloigner les esprits mauvais appelé « masantôko ».

Donc dans le Rasahariaña, l’encens sert avant tout à éloigner ces esprits mauvais pour bien rétablir la pureté pendant ce rite. Il faut garder la pureté pendant le rite qui est sacré. La fumée de l’encens qui monte vers le ciel assure la médiation et la communion entre la contingence et l’absolu car l’espace aérien qui est son lieu de parcours se présente comme le domaine des oiseaux qui sont des médiateurs par excellence entre le ciel et la terre. Cette fumée est purement et simplement l’air coloré en blanc ou en noir qui est aussi le souffle, la vie et le symbole de l’Esprit239.

L’encensement se déroule comme suit. Dans l’encensoir, il y a le vainafo ou le feu avec la fumée et tainomby ou les bouses sèches des bœufs. L’encenseuse ne dit rien pendant l’encensement. Elle fait d’abord près de sa poitrine, ensuite vers sa tête, et puis derrière elle ou dans son dos. Enfin, elle tient la queue de l’animal, l’allonge et y met l’encensoir pour que les vainafo et les tainomby qu’il contient ne se renversent ni se dispersent si la vache bouge sa queue240.

Une fille ou une jeune femme symbolise ici bien entendu la jeunesse. En plus de la jeunesse, elle montre également la vie intégrale non coupée de la source de la vie que sont ses parents. Et elle est encore capable de donner cette vie dans le futur. C’est cette vocation d’enfanter ou de donner une vie dans le futur qui est la raison du choix d’une fille ou d’une jeune femme pour le rite de purification mais non à une femme déjà âgée ou orpheline. Le Rasahariaña est organisé en faveur de la vie sur la terre et dans l’au-delà pour les Ancêtres.

Les Tsimihety souhaitent que, par l’attribution de ce rite de purification à une fille, la vache à offrir puisse se reproduire, car selon la conception tsimihety dans le Rasahariaña, l’animal offert au demandeur sera élevé par le défunt dans l’au-delà. La jeune fille qui nettoie et encense la victime a un lien étroit avec la génisse. Elle est appelée à engendrer un jour. Elle

236 Cf. Id. 237

Cf. Jean CHEVALIER, Alain GHEERBRANT, op. cit., 1969, p. 402-403.

238

Cf. Robert JAOVELO-DZAO, op. cit., 1996, p. 325.

239 Cf. Ibid., p. 326. 240

est dans le flux de la vie. Et l’origine de cette vie est Zanahary qui est dans le monde de l’au- delà ou le monde sacral, selon la conception malgache et tsimihety. Donc cette jeune fille joue aussi un rôle de médiateur dans la communion entre l’assemblée priante pendant le Rasahariaña et la société de l’au-delà dans laquelle se trouvent Zanahary-Dieu et les Razana. L’action de la jeune fille qui consiste à encenser et à nettoyer le bœuf rapproche le profane et le sacré car elle chasse les esprits mauvais et enlève la saleté. Elle introduit dans la communion sociale l’assemblée grâce à la communion des vivants avec le monde divin241.

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