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3. LES DESTINATAIRES ET L’ORIGINALITÉ DU RASAHARIAÑA

3.1. ZANAHARY OU DIEU CRÉATEUR

3.1.2. Notion de Zanahary pour les Malgaches

Pour les Malgaches, Zanahary considéré au singulier est la Divinité ; c’est l’Invisible, le Premier de tous les êtres, celui de qui procède tout, et en qui tout rentrera. Il est l’incommensurable, le protecteur des choses passées, présentes et futures. Providence du monde, il a été identifié avec le Soleil qui répand la vie sur la terre307.

Certains auteurs identifient Yan-harei « dieu-soleil » du parler tiam avec Zanahary. Ce rapprochement s’appuie sur la parenté linguistique qui existe entre le malgache et le tiam, un dialecte malais. Deux décompositions possibles sont proposées sur le terme Zanahary : Naha+Hary donne Nahary : « il a pu créer » et de Na+Hary : « il a créé ». Le sanscrit Hari « soleil » est le nom du dieu Vishnou. Yan est le mot courant malais qui désigne Dieu. Le malgache a gardé le mot sanscrit Hari, Zana-Hary. La lettre Y de Yan a été changée en Z selon la règle ordinaire, et on a intercalé un A entre N et H à cause de l’indépendance réciproque marquée au début des deux mots Yan qui est dieu et Hari est soleil. Mais le problème de cette étude de l’origine du terme Zanahary est l’existence de la forme Nanahary où le Z initial a été transformé en N308.

Zanahary ou Nanahary est alors devenu un nom propre à cause de l’effacement du sens de Za (Yan). Un nouveau nom composé est créé, Andria-Nanahary, le dieu-Nanahary qui est l’équivalent de Yan-Harei, le dieu-Hary ou le dieu-soleil. On peut affirmer que Nanahary voulait dire autrefois le dieu-soleil ; l’expression malgache Antoandrobe-Nanahary qui signifie littéralement : au grand jour de Nanahary, semble confirmer cela. Zanahary renvoie alors au dieu soleil Yan-Harei malais qui signifie dieu(x), divinité(s), créateur(s)309. Des auteurs comme P. Ramasindraibe, R. Jaovelo-Dzao et E. Andrianarivony montrent aussi que chez les Malgaches, Zanahary veut dire Être Créateur ou Créateur310.

Autre possibilité de la terminologie du Zanahary montre que la racine hari porterait le sens de procréation et d’organisation plutôt que celui de création. Le mot Zanahary, en

305

Cf. Pietro LUPO, op. cit., 2006, p. 74.

306 Cf. Ibid., p. 74-76. 307

Cf. Pierre COLIN, op. cit., 1959, p. 61.

308

Cf. Ibid., p. 61-62, note de bas de bas de page.

309 Cf. Ibid., p. 62 ; cf. Pietro LUPO, op. cit., 2006, p. 73 ; cf. Robert JAOVELO-DZAO, op. cit., 1996, p. 215-216. 310

Cf. Pietro LUPO, op. cit., 2006, p. 65-66 ; cf. Robert JAOVELO-DZAO, op. cit., 1996, p. 215-216; cf. Etienne de FLACOURT, Claude ALLIBERT (éd.), op. cit., 2007, p. 107, 159 ; Salomon RAHATOKA « Pensée religieuse et rituels Betsimisaraka », dans Jean-Pierre DOMENICHINI, Jean POIRIER, Daniel RAHERISOANJATO (dirs.), Ny Razana tsy

conséquence, signifierait l’Ancêtre fondateur d’une société. La notion d’Etre Suprême se rattacherait alors à l’Ancêtre organisateur de l’espace social, perçu comme créateur d’un groupe311. On a là l’idée de Dieu source de vie pour Zanahary.

En malgache, le mot Zanahary avec Z majuscule est attribué à Dieu suprême et unique tandis que zanahary avec z minuscule est attribué aux ancêtres. Mais le contexte de l’appellation zanahary aux ancêtres ne laisse pas de doute sur la distinction entre eux et le Zanahary en tant que Dieu suprême et unique312.

Les missionnaires attribuent au terme Zanahary, diffusé chez les sociétés du Sud, le sens de Dieu-Créateur. Dans ce cas, ils reprennent en réalité l’interprétation des musulmans qui, avant eux, traduisaient Allah par Zanahary. Les Sora-be313 les plus anciens en témoignaient. Le terme Zanahary, qui exprimait à l’origine l’idée d’Ancêtre fondateur- organisateur-procréateur, récupéré par la culture chrétienne, sera restitué à la pensée religieuse malgache, à travers la catéchèse et la prédication, enrichie et transformée par la notion de création. Les missionnaires britanniques ont trouvé dans le vocabulaire religieux malgache des Hautes Terres, les concepts Andriamanitra Andriananahary, pour traduire l’idée biblique de Dieu Créateur314.

Plusieurs auteurs malgaches montrent que les termes « Zanahary », « Andriamanitra » et « Andriananahary » se traduisent par les mots « Créateur » ou par « Dieu » tout simplement. Cette opinion ou constatation est bien fondée. Et cela est tout à fait légitime car il s’agit d’une affirmation malgache par des auteurs malgaches315.

P. Lahady explique le mot Zanahary à partir du « Zana » qui signifie être ou être divin, et « hary » qui veut dire soleil, lumière solaire et le divin en tant que puissance et origine. Il reconnaît que le terme Zanahary est un nom commun d’étymologie discutée. Dans le culte betsimisaraka, l’usage préférentiel du mot Zanahary comme appellation sacrée est remarquable par rapport à celui de son synonyme Andriamanitra316.

J. B. Razafintsalama réfute l’idée de Créateur dans le terme Zanahary. Il avance que du point de vue grammatical, Zanahary ne peut pas signifier créateur, ni celui qui a créé. Si Zanahary était la contraction de izay nahary « celui qui a créé », on devrait pouvoir lui accoler un complément d’objet direct et dire par exemple, Zanahary tongotra aman-tanana, une proposition alors devant équivaloir à izay nahary tongotra aman-tanana « qui a créé pieds et mains ». Or le premier exemple n’a pas de sens plausible car il signifierait « divinité pieds et mains ». Et dans la formule de définition populaire de Dieu ainsi formulée : Zanahary nahary tongotra aman-tanana, le mot Zanahary est suivi du verbe nahary, ce qui prouve que ce verbe n’a rien de commun avec nahary de Zanahary. Si ce dépeçage est juste, Zanahary est irremplaçable par Andriamanitra, or cela n’est pas le cas car on peut dire aussi qu’Andriamanitra nahary. Zanahary et Andriamanitra sont interchangeables et jouissent d’une double signification de Dieu au sens étroit et de divinité au sens large. Zanahary

311 Cf. Pietro LUPO, op. cit., 2006, p. 69. 312

Cf. Ibid., p. 30.

313

Les Sora-be « Grandes écritures » sont des livres ayant un contenu magico-religieux et historique fixé en langue malgache et en caractères arabes.

314

Cf. Pietro LUPO, op. cit., 2006, p. 55-56.

315

Cf. Ibid., p. 64 et 66-67. cf. Adolphe RAZAFINTSALAMA, Ny finoana sy ny fomba malagasy, Md Paoly, Antananarivo, 2004, p. 65. ; cf. aussi Louis MOLET, op. cit., t. 1, 1979, p. 411.

316

devient synonyme d’Andriamanitra pour une partie de sa signification. Mais plus tard, sous la poussée du culte zanahariste, on créa sur le modèle Andriamanitra un autre dénominatif qu’est Andriananahary, le Dieu Nahary qui a aussi le sens de Dieu-Soleil ; cela rétablit le sens originel de Yan-hari, Dieu-Soleil317.

Dans cette expression « Zanahary nahary tongotra aman-tanana » : Zanahary qui est Dieu a fait ou a créé les pieds et les mains de l’homme, l’expression « tongotra aman- tanana » désigne la totalité de l’être humain318. Cela veut dire que Zanahary a fait et a créé l’homme tout entier. Et Zanahary est vu dans cette expression en tant qu’Être suprême et Dieu unique. Il est donc Créateur dans ce sens-là.

De plus la notion de Dieu est presque partout à Madagascar mise en relation avec l’idée de création. L’étymologie populaire retient aussi que le terme Zanahary veut dire celui qui a créé ou izay nahary en malgache319. Ce qui confirme que le terme Zanahary a l’idée de Créateur. Pour la plupart des Malgaches, Zanahary est donc le Dieu Créateur. Ce qui veut dire que dans le milieu malgache, de l’avis de plusieurs auteurs et selon la conception populaire, Dieu est Créateur.

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