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La valeur du tso-drano, bénédiction, et des fanampiana ou aides des Ancêtres

2. ANALYSE DU RITE DU RASAHARIAGNA

2.4. LES CAUSES INDIRECTES DU RITE

2.4.3. La valeur du tso-drano, bénédiction, et des fanampiana ou aides des Ancêtres

Une des raisons lointaines ou indirectes du Rasahariaña est la valeur ou l’importance des tso-drano ou bénédictions et des aides des Ancêtres envers leurs descendances. Cela montre la valeur et l’importance fondamentale des Ancêtres pour leurs descendants au sein des Tsimihety et dans l’ensemble de la société malgache273. Ce phénomène est l’un des aspects que le Rasahariaña partage avec les autres rites relatifs au culte des Ancêtres malgaches.

Les Tsimihety croient que quand on donne le Rasahariaña, on donne des valeurs aux Ancêtres et à son destinataire car ce rite transforme les morts en Ancêtres en tant que rite d’ancestralisation. En donnant le Rasahariaña on donne une vie à ces morts car ce que ceux- ci reçoivent au cours de ce rite leur sert à intégrer leur nouvelle condition de vie, dans leur nouvelle société qui est celle des Ancêtres. Et c’est en vivant dans l’au-delà que les Ancêtres peuvent accorder leur bénédiction à leurs descendants et les aider.

Puisqu’on donne une vie ou quelque chose de très cher aux Ancêtres, ceux-ci accordent leur tso-drano, bénédiction, à leurs descendants et leur donnent des aides274. À travers leur

271 Cf. Id. 272

Cf. Ibid., p. 185-186.

273

Cf. Robert DUBOIS, op. cit., 2002, p. 129-130 ; cf. aussi Malanjaona RAKOTOMALALA, Sophie BLANCHY, Françoise RAISON-JOURDE, op. cit., 2001, p. 48-50, 246 ; cf. Didie MAURO & Emeline RAHOLIARISOA, op. cit., 2000, p. 21.

274

Cf. Ibid., p. 127; cf. Robert JAOVELO-DJAO, “Richesses culturelles d’une civilization de l’oralité (Zanahary, Sampy, Razana, influence ou rejet de l’Islam)”, dans Bruno Hübsch (dir.), Madagascar et le Christianisme, Ambozintany Analamahitsy/Karthala, Antananarivo/Paris, 1993, p. 79.

bénédiction, les Ancêtres donnent la santé, le bonheur, etc. Ils aident leurs descendants dans la vie car ceux-ci les aident aussi dans leur vie au-delà en leur donnant le Rasahariaña. P. Ottino montre dans cette perspective que chez les Betsimisaraka, en célébrant le rituel du Rasahariaña, les enfants cohéritiers entendent remercier leur père ou leur mère décédés de ce qu’ils ont reçu d’eux. Pour ce faire ils leur donnent ou plus exactement, ils leur rendent leur part en sacrifiant un bœuf à leur intention275.

Toujours dans cette même perspective, chez les Betsimisaraka, en donnant au père et à la mère, à travers le Rasahariaña, ce qui leur est dû comme tissus et un bœuf, leurs enfants leur apportent l’énergie qu’on appelle en malgache sandry, littéralement bras, de qui vient la force. En retour, les parents donnent à leurs descendants la force qui est fruit de leur tso- drano : de leur protection et de leur aide efficace276. Les Tsimihety désirent vraiment bénéficier du tso-drano277 et des aides de leurs Ancêtres. Ce désir de recevoir le tso-drano des Razana ou des parents est partagé par la plupart des Malgaches. Et c’est aussi une des raisons des différentes manifestations du culte des Ancêtres à Madagascar.

La traduction du mot malgache Tso-drano en bénédiction ne renferme pas la richesse du sens de la notion malgache. Le tso-drano des parents médiatise la protection et l’efficacité des Ancêtres, qu’ils amorcent en quelque sorte et viennent renforcer. Outre l’idée de respect, ou Fanajana en malgache, des jeunes à l’égard de leurs ainés, et à plus forte raison, à l’égard des ainés que sont les Ancêtres, le tso-drano est l’assurance du concours indispensable que seuls ces derniers peuvent assurer à leurs descendants. Le tso-drano des parents vivants ou récemment morts garantit à leurs enfants la postérité, les récoltes suffisantes, une vie longue et paisible, et l’efficacité de leurs actions. Ce phénomène met en relief la nature hiérarchisée des relations entre Ancêtres, parents et leurs descendants278.

A l’inverse, l’absence de tso-drano des Ancêtres conduit à une existence difficile, saro- piainana, avec des errements, ratsy velon-taigna, qui ne peuvent que déboucher sur le malheur279. Pour recevoir ce tso-drano des Ancêtres et des parents, la plupart des Tsimihety, certains Sakalava du nord et certains Betsimisaraka leur donnent le Rasahariaña ; les Merina et les Betsileo font l’exhumation pour le recevoir. C’est-à-dire, traditionnellement, pour recevoir ce tso-drano, les Malgaches pratiquent le culte des Ancêtres.

Le tso-drano des Razana pour leurs descendants est efficace car pour la pensée religieuse traditionnelle des Malgaches et surtout des Tsimihety et des Betsimisaraka, les Razana jouent un rôle d’intermédiaire entre Zanahary-Dieu et les hommes vivants. Ces Razana veillent sur les hommes vivants leurs descendants et ils les protègent. Ils peuvent effectuer cette charge car ils sont proches de Zanahary280. Et puisqu’ils sont proches de Zanahary et chargés par celui-ci de veiller sur les vivants leurs descendants, les tso-drano des Ancêtres viennent de ce Zanahary.

275

Cf. Paul OTTINO, op. cit., 1998, p. 182.

276

Cf. Id.

277Le terme malgache tso-drano est un assemblage de deux mots : tsoka et rano. Le mot tsoka signifie souffle

et le terme rano veut dire eau. Le radical tsoka vient du verbe mitsoka qui signifie souffler. Littéralement on peut traduire le mot tso-drano en « souffler l’eau ».

278

Cf. Paul OTTINO, op. cit., 1998, p. 182.

279 Cf. Id. 280

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