• Aucun résultat trouvé

Les transferts conventionnels de compétences dans le cadre de l’intercommunalité

DES IDEES INNOVANTES POUR UN BILAN MITIGE

B. Les transferts conventionnels de compétences dans le cadre de l’intercommunalité

Comme le constate Laurent TESOKA, la technique du transfert de compétences reste rare entre catégories de collectivités territoriales, mais elle est assez fréquemment utilisée entre les collectivités territoriales et les EPCI367. En effet, le Code général des collectivités territoriales envisage expressément, dans certaines dispositions, la conclusion de conventions entre collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale.

365

Article L. 5216-5-I, 3e du CGCT.

366

Nicolas PORTIER, « Loi du 13 août 2004 : un bilan en demi-teinte pour l’intercommunalité », AJDA, 2005, p. 140

367

L’article L. 5111-1 du Code général des collectivités territoriales368 permet à une collectivité territoriale de mettre ses services à la disposition d’une autre. Pour les professeurs DEGOFFE et DREYFUS, cet article a toutefois une portée limitée selon la jurisprudence du Conseil d’Etat. Ils relèvent que le commissaire du gouvernement Henri SAVOIE369 a indiqué, dans un arrêt de section du Conseil d’Etat en date du 20 mai 1998, Communauté de communes du

Piémont de Barr, que cet article s’applique aux collectivités locales et non pas à leurs

établissements publics370. Pourtant, pour Fabien RAYNAUD et Pascale FOMBEUR, Maîtres

des requêtes au Conseil d’Etat, « des arguments solides pouvaient militer dans le sens de

l’application de ces dispositions au cas de l’espèce »371.

Ils relevaient que l’article L. 5111-1 du Code répond à la volonté du législateur de favoriser le développement de toutes les formes de coopération entre les collectivités territoriales,

principalement les communes, en vue de remédier aux effets négatifs du morcellement de la carte communale française. En l’espèce, les requérants soutenait que la convention passée entre eux entrait bien dans le cadre des prévisions de l’article L. 5111-1, dans la mesure où cette convention avait pour objet la mise à disposition de la communauté de communes du Piémont de Barr par le service des eaux et de l’assainissement du Bas-Rhin (SDEA), syndicat mixte regroupant plusieurs communes, de ses services d’assainissement, contre le paiement d’une somme, afin de lui faciliter l’exercice de ses compétences.

Les auteurs soutenaient alors que l’application des dispositions de l’article L. 5111-1 du Code aux faits de l’espèce se heurtait à deux obstacles que la section du contentieux n’a pas

franchis. La première difficulté tenait aux circonstances de l’affaire : il était clair que

l’opération envisagée par la communauté de communes et le syndicat mixte consistait moins en la « mise à disposition de ses services » par le syndicat au profit de la communauté de communes pour lui « faciliter l’exercice de ses compétences » que, plus simplement,

d’assurer, pour la communautés de communes, le remplacement de la Lyonnaise des eaux par

368

Article L. 5111-1 du CGCT : « Les collectivités territoriales peuvent s’associer pour l’exercice de leurs compétences en créant des organismes publics de coopération dans les formes et conditions prévues par la législation en vigueur. Les collectivités territoriales peuvent conclure entre elles des conventions par lesquelles l’une d’elles s’engage à mettre à la disposition d’une autre collectivité ses services et moyens afin de lui faciliter l’exercice de ses compétences »

369

Henri SAVOIE, « Conclusions sur Conseil d’Etat, Section, 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr et autres », RFDA, mai – juin 1998, p. 611. Comme le relève le commissaire du gouvernement, l’objet des conventions visées par l’article L. 5111-1 du CGCT n’est pas identique à celui de contrat en cause. D’autre part, cet article s’ applique aux collectivités locales et non pas à leurs établissements publics.

370

CE Sect., 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr et autres.

371

F. RAYNAUD et P. FOMBEUR, « Les personnes publiques, lorsqu’elles décident de contracter, sont soumises aux obligations de concurrence issues du droit communautaire », AJDA, 1998, p. 553

le SDEA, lequel était appelé finalement à se comporter en prestataire de services davantage qu’en « facilitateur » de la tâche de la communauté de communes.

La seconde difficulté était plus complexe car elle provenait de la lettre des dispositions de l’article L. 5111-1 elle-même. En effet, cet article ne vise que les conventions passées entre collectivités territoriales. La section du contentieux, suivant le commissaire du gouvernement Henri SAVOIE a considéré que les dispositions de l’article L. 5111-1 du Code général des collectivités territoriales « ne sont pas applicables au contrat litigieux prévu pour la gestion d’un service d’assainissement entre deux établissements publics de coopération

intercommunale ».

Une dernière hésitation persistait quant à la qualification de cette convention en marché public dans la mesure où l’acte en cause pouvait également s’analyser, compte tenu de l’adhésion de la communauté de communes au syndicat mixte, comme un transfert de compétences de la communauté vers le syndicat mixte. Même si l’assainissement ne fait pas partie des

compétences obligatoirement transférées par les membres du syndicat à ce dernier, l’arrêté préfectoral instituant le syndicat mixte prévoit bien que les communes membres peuvent décider de transférer d’autres compétences au syndicat mixte, parmi lesquelles figure l’assainissent. Toutefois, force est de constater que ce n’est pas ainsi que la communauté de communes avait engagé ses relations sur ce point avec le syndicat mixte. Pour Fabien

RAYNAUD et Pascale FOMBEUR, sans doute un effort aurait été nécessaire pour recourir à une telle qualification qui aurait présenté l’avantage de cantonner l’affaire dans la sphère de l’intercommunalité et de conclure « la section du contentieux ne s’est pas orientée dans cette

direction que ni les parties ni son commissaire du gouvernement ne l’invitaient à explorer ».

Ainsi, lorsque l’on aborde la question des relations susceptibles de se nouer entre une

structure intercommunale et les collectivités qui en sont membres, et en particulier celle des rapports contractuels, il faut partir de la théorie générale des contrats entre personnes

publiques. Nous sommes en effet en présence d’un EPCI, c'est-à-dire d’une personne publique, qui souhaite conclure une ou plusieurs conventions avec une ou plusieurs

collectivités territoriales, c'est-à-dire, là encore, des personnes publiques. Il ressort alors de la théorie générale des contrats entre personne publiques qu’elles ne sont pas libres de leurs actes, parce qu’elles sont tenues par leurs compétences. Elles ne sont donc pas libres de conclure quelque convention de leur choix, puisque, si elles sortent de leurs compétences, elles n’ont plus de titre les fondant à exercer un pouvoir. Elles sont alors dans l’illégalité.

A l’issue du transfert de compétences opéré par les collectivités territoriales à un EPCI, seul celui-ci est compétent pour agir dans les domaines d’activité qui lui ont été confiés372. En effet, avec l’intercommunalité, nous sommes dans une logique de remontée de compétences vers une organisation de type fédératif qui va priver les membres de la structure (les

communes) de tout titre les fondant à intervenir. Ayant fait le choix de céder leur compétence - et donc leur titre juridique à exercer un pouvoir373 - à une autre personne, elles ne peuvent plus juridiquement intervenir dans ce champ.

Dans la pratique, il existe deux cas dans lesquels un EPCI peut passer des conventions avec une commune membre.

Il s’agit premièrement des conventions liées à l’exercice de compétences

facultatives374. Les communes créant des EPCI ont souvent donné, pour les professeurs DEGOFFE et DREYFUS, « un sens particulier à la notion de compétence facultative ». Les dispositions relatives aux trois formes de communauté ont énuméré des compétences

obligatoires (L’EPCI doit les exercer), des compétences optionnelles (L’EPCI peut choisir de les exercer) et laissé la possibilité aux EPCI d’aller plus loin et d’exercer d’autres

compétences : les compétences facultatives. Or les auteurs démontrent que les EPCI ont donné une interprétation sensiblement différente dans l’exercice des compétences facultatives. Dans l’hypothèse où les communes membres choisissent librement de transférer une

compétence alors que la loi ne les obligeait pas à le faire (nous sommes bien dans le cas des compétences facultatives) nous ne pourrions plus envisager une relation contractuelle entre l’EPCI et ses communes. Nous avons vu effectivement que les conséquences d’un transfert de compétence sont différentes de celles d’une délégation.

DEGOFFE et DREYFUS observent alors que les EPCI n’entendent pas de cette manière la notion de compétence facultative. L’EPCI indique simplement dans ses statuts qu’il peut se livrer à telle ou telle prestation au profit de des communes membres. Mais il ne l’exercera

372

M. DEGOFFE et J.-D. DREYFUS, « Transfert de compétences et conventions dans le droit de

l’intercommunalité », AJDA, 2001, p. 807. Les professeurs DEGOFFE et DREYFUS déclarent que l’on ne peut plus parler de « compétence commune » partagée entre les communes membres et l’EPCI. Le dessaisissement consécutif au transfert de compétences a pour effet un monopole d’action, dans le champ des compétences transférées, au profit de la structure intercommunale

373

Les professeurs DEGOFFE et DREYFUS retiennent la définition d’Olivier BEAUD du terme compétence. Pour lui, « la compétence est le titre juridique qui fonde un individu à exercer un pouvoir, et donc indirectement une action. La compétence est donc le titre de pouvoir »

374

Nous avons vu qu’un EPCI détient des compétences obligatoires, c'est-à-dire des compétences que la loi impose aux communes de transférer au groupement. A côté de ces compétences obligatoires, le groupement peut également avoir des compétences facultatives.

effectivement pour les unes et les autres que lorsque celles-ci le lui auront demandé. Cela passe alors par une convention375.

L’autre cas de convention passée par un EPCI avec ses communes membres est qualifié de convention de gestion. Ainsi, il est fréquent que des communes créent un EPCI sous la forme de « coquille vide » et que celui-ci, n’ayant aucun moyen de gestion, conclue des conventions avec les communes membres ou au moins avec la commune centre afin que celle-ci assure l’intendance. Ce type de convention semble pour les auteurs entaché

d’illégalité, car une fois les compétences transférées, les EPCI ne sont pas libres de les utiliser et s’en remettent à leurs membres pour leur gestion. En effet, il nous semble important de rappeler que les textes prévoient que le transfert de compétence doit s’accompagner du transfert de bien et de personnel nécessaire à l’exercice effectif de la compétence.

Malgré toutes améliorations apportées à l’intercommunalité par la loi du 13 août 2004, celle-ci reste marquée par de nombreuses imperfections que nous allons tenter de présenter.

§ 2. La réalité du bilan de l’intercommunalité du point de vue des transferts de compétences

De nombreuses institutions, relayé par la doctrine, ont mis en évidence « le bilan incertain »376 ou le « demi-succès »377 voire « les devenirs »378 de l’intercommunalité. Malgré les chiffres éloquents que nous avons présenté, l’intercommunalité reste victime d’une trop grande diversité fonctionnelle qui met à mal l’exercice des compétences de manière effective (A). L’autre enjeu majeur que devra relever l’intercommunalité est celui du contentieux lié aux transferts de compétences (B).

375

DEGOFFE et DREYFUS notent qu’il n’est pas rare de trouver des dispositions de statut de syndicat de communes ou de syndicat mixte rédigées ainsi : « le syndicat peut se voir confier par un ou plusieurs de ses membres, par voie de convention, la création et ou la gestion de certains équipements ou services relevant des attributions de ces membres ayant trait aux déchets » Aussi, une telle précision dans les statuts est nécessaire car, sans elle, le syndicat, personne morale soumise au principe de spécialité, n’aurait aucune vocation à intervenir. Ce pose également la question de la légalité. La compétence facultative telle qu’entendue est alors un transfert illégal de compétence, car seul le législateur peut en aménager l’exercice.

376

P. DALLIER, Rapport d’information fait au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur l’intercommunalité à fiscalité propre, Sénat, n° 193, 1er février 2006

377

M. VERPEAUX, « La loi du 13 août 2004 : le demi-succès de l’acte II de la décentralisation », AJDA, 2004, p. 1960

378

Avis adopté par le Conseil économique et social sur le rapport présenté par M. Pierre-Jean ROZET, Communes, intercommunalités, quels devenirs ?

A. Une trop grande diversité fonctionnelle préjudiciable pour l’exercice des

Outline

Documents relatifs