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Une délégation de compétences plutôt qu’un transfert de compétences

DES IDEES INNOVANTES POUR UN BILAN MITIGE

A. Une délégation de compétences plutôt qu’un transfert de compétences

Avant d’aborder la procédure de délégation de compétence issue de la loi du 13 août 2004, nous devons revenir un instant sur la notion de délégation de compétences. En effet, l’étude des règles relatives aux transferts de compétences, suppose, comme nous l’avons fait en introduction, de distinguer les transferts de compétences des notions voisines. Les professeurs DEGOFFE et DREYFUS retiennent la définition de Herbert MAISL de la notion de

délégation. Ainsi, la délégation peut se définir comme « l’acte unilatéral par lequel une

autorité qui y est habilitée transfère une partie de sa compétence, son propre titre de compétence étant maintenu »356. Dans ce cas, la délégation ne peut être réalisée sans habilitation préalable, et elle maintient le titre de compétence du déléguant. Le professeur CHAPUS ajoute que la délégation de pouvoir subsiste « tant qu’une décision du délégant ne

l’a pas abrogée »357.

La délégation ne peut pas porter sur n’importe quelle compétence. Il y a ainsi des

compétences que la personne publique peut déléguer et d’autres qu’elle ne peut pas déléguer. Les auteurs utilisent ensuite la définition de Claude BLUMANN de la cession de compétence. Celle-ci se définit comme « le transfert par voie contractuelle à une personne privée ou à

une autre personne publique d’une compétence normalement reconnue par la loi à une autorité publique déterminée ». Une distinction est alors à opérer entre la délégation de

compétence qui est toujours faite au profit d’une personne publique et la cession de

compétence qui s’opère plutôt à une personne privée. Enfin, Laurent TESOKA signale pour sa part que la technique de délégation est relativement récente dans les rapports entre les catégories de collectivités décentralisées. Elle n’apparaît en effet qu’au cours des années quatre vingt avec les premières lois portant transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales358.

Pour nous assurer que le procédé prévu par la loi du 13 août 2004 est une délégation de compétence et non un transfert de compétences, nous pouvons tenter de les différencier. Le transfert de compétence détient plusieurs caractéristiques dans le droit de l’intercommunalité. Tout d’abord, le transfert vise une relation entre deux personnes publiques (une commune et un EPCI). Dans l’exercice de cette compétence, la personne publique transférante disparaît et

356

M. DEGOFFE et J.-D. DREYFUS, « Transfert de compétences et conventions dans le droit de l’intercommunalité », AJDA, 2001, p. 807

357

R. CHAPUS, Droit administratif général, tome I, Montchrétien, 15e édition, 2002

358

ne peut de sa propre autorité recouvrer sa compétence transférée. Elle a cependant toujours un titre à terme à recouvrer sa compétence (par exemple, si l’EPCI est dissout, les communes membres recouvrent leurs compétences). Enfin, le transfert de compétence ne peut être décidé que par la loi. Une fois toutes ces précisions apportées, nous pouvons maintenant analyser le procédé de délégation de compétence institué par la loi « libertés et responsabilités locales ».

L’article 151 de la loi du 13 août 2004 a codifié à l’article L. 5210-4 du Code général des collectivités territoriales la possibilité pour les EPCI à fiscalité propre de demander à exercer au nom et pour le compte du département ou de la région, toute ou partie des compétences dévolues à l’une ou à l’autre de ces collectivités. Comme le remarque le professeur

DEGOFFE359, et compte tenu de nos précisions, « l’on ne peut juridiquement pas parler de

transfert, la loi parle de délégation, puisque l’EPCI agira alors « au nom et pour le compte » de la collectivité territoriale ». En effet, cette procédure de délégation de compétences n’est

pas un transfert de compétences avec dessaisissements corrélatif des compétences des

départements et des régions, mais une délégation consentie par voie de convention. Comme le constate le professeur VERPEAUX, « alors que, de manière habituelle, les compétences sont

déléguées du bas vers le haut, celles-ci le seront dans le sens inverse » 360 et d’affirmer que cette délégation va plus loin que le simple partenariat en vue de l’élaboration de tout projet de développement et d’aménagement du territoire de l’EPCI, déjà prévu par l’article L. 5210-3 du Code général des collectivités territoriales.

L’article L. 5210-4 du Code générale des collectivités territoriales prévoit que la relation entre le département ou la région et l’EPCI fera l’objet d’une convention déterminant l’étendue de la délégation, sa durée ainsi que ses conditions financières et ses modalités d’exécution. La convention établie entre les deux entités précise également les conditions de partage des responsabilités encourues dans le cadre de cette délégation, sans préjudice des droits des tiers. Le rapporteur du Sénat, Jean-Pierre SCHOSTECK déclarait à propos de cet

359

Michel DEGOFFE, « L’intercommunalité après la loi du 13 août 2004 relatif aux libertés et responsabilités locales », AJDA, 2005, p. 133

360

Michel VERPEAUX, « La loi du 13 août 2004 : le demi-succès de l’acte II de la décentralisation », AJDA, 2004, p. 1960

article : « par son caractère extrêmement général, l’habilitation proposée marque une

véritable rupture »361.

En effet, il existe dans le corpus législatif d’autres cas de délégation de compétences mais pas avec un objet aussi large362.

L’étude de l’article L. 5210-4 du Code général des collectivités territoriales énonce les conditions précises pour que l’EPCI puisse disposer de délégations de compétences. Tout d’abord, l’établissement doit, pour demander cette habilitation, y être expressément autorisé par ses statuts. Ensuite, le président du conseil régional ou du conseil général est tenu d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante dans un délai de six mois l’examen d’une demande en ce sens. L’assemblée délibérante doit se prononcer sur la demande par délibération motivée. Comme le relève André CHAMINADE363, la délibération d’acceptation ou de refus doit être motivée. Il relève que le Code général des collectivités territoriales ne se prononce pas sur le contenu de cette motivation mais qu’elle devra cependant contenir des éléments de fait et de droit permettant de connaître avec précision la volonté de l’assemblée. Il est à craindre que des débats contentieux ne viennent à se produire quant au contenu de cette motivation, débats dont l’origine pourrait se trouver dans le mécontentement d’élus, d’administrés ou de personnes morales de droit public.

Le professeur PONTIER364 apporte des précisions quant à la convention établie entre l’EPCI et le conseil général ou régional. Il note que cette convention n’est pas soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence afférentes aux marchés publics car, étant relative à l’organisation interne des collectivités, elle n’entre pas dans le champ de la concurrence. En effet, la circulaire du 15 septembre 2004 rappelle fermement ces principes. Aussi,

l’application de la délégation n’entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour les cocontractants de la collectivité territoriale qui délègue sa compétence selon le dernier alinéa de l’article L. 5210-4 du Code général des collectivités territoriales.

Pour le professeur DEGOFFE, les EPCI pourront également bénéficier des transferts de compétences provenant de l’Etat. Ainsi, les « groupements » de collectivités territoriales

361

J.-P. SCHOSTECK, Rapport fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, Sénat, n° 31, octobre 2003, p. 425

362

L’article 33 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 donnait la possibilité aux départements de déléguer aux communes tout ou partie de leurs compétences dans le domaine de l’aide sociale. Mais cette possibilité a été peu utilisée.

363

André CHAMINADE, Pratique des institutions locales, 2e édition, Paris, Litec, 2005, p. 221

364

J.-M. PONTIER « Les réformes de l’intercommunalité dans la loi « libertés et responsabilités locales » », Revue administrative n° 342, novembre - décembre 2004, p. 626.

pourront gérer l’attribution des aides publiques en faveur de la construction, de l’acquisition, de la réhabilitation et de la démolition des logements locatifs sociaux et de celles en faveur de la rénovation de l’habitat privé, selon l’article 61 de la loi du 13 août 2004. La dotation de l’Etat afférente à ces diverses aides sera géré par le préfet de région. Il répartira les sommes entre les communautés urbaines, les communautés d’agglomération, les syndicats

d’agglomération nouvelle, les communautés de communes et enfin le département,

collectivité compétente pour la distribution de ces aides pour les communes non couvertes par l’un des EPCI précités. Si l’EPCI est doté d’un programme local de l’habitat, ce qui est une compétence de la communauté d’agglomération par exemple365, il pourra être chargé par une convention avec l’Etat de la répartition de ces aides. Pour l’auteur, l’EPCI devient alors l’égal du département dans l’exercice de cette compétence particulière et note qu’il n’est plus question de la commune.

En définitive, pour DEGOFFE, « le législateur parie sur la dégénérescence de la commune

ou du département au profit de l’EPCI. L’affirmation de celui-ci n’apparaît pas nettement. Mais elle peut être en germe dans la réforme ». Les conclusions de Nicolas PORTIER sont

peut être moins excessives mais il déclare que « s’il est peu probable que cette disposition

connaisse de nombreuses utilisations à court terme, elle apparaît néanmoins d’un très grand intérêt expérimental pour l’avenir en proposant de nouvelles modalités d’agencement institutionnel et d’organisation des relations entre niveaux de collectivités ; c'est-à-dire sur les sujets qui demeurent à ce jour les véritables impensés de l’acte II de la

décentralisation »366.

B. Les transferts conventionnels de compétences dans le cadre de

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