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La signification de la clause générale de compétence

LES DIFFERENTES MODALITES DE REPARTITION DES COMPETENCES

A. La signification de la clause générale de compétence

Selon le professeur PONTIER172, la clause générale de compétence est « la traduction

juridique de l’aptitude générale d’une collectivité à intervenir ». Dit autrement, la clause

générale de compétence permet le développement d’initiatives au-delà des compétences précisément attribuées173. La clause générale de compétence a été le corollaire de

l’émancipation des collectivités locales que l’on prenne comme point de départ 1789 ou 1871 et 1884174. Nous pouvons effectivement constater pour cette période une relative

indifférenciation des compétences des communes ou des départements. Aussi, les

compétences de ces collectivités sont relativement peu nombreuses et le législateur adopte « une formule un peu magique, autant que mythique »175 qui deviendra la clause générale de compétence. Elle présentait alors pour l’époque un grand avantage, celui de ne plus procéder par une énumération forcément limitative des compétences.

Cette clause générale de compétence avait une double vocation. Sur le plan interne, elle opérait un partage des compétences entre l’organe délibérant et l’organe exécutif en donnant au premier une compétence de principe. Sur le plan externe, elle protégeait les communes contre les empiètements de l’Etat puis des départements. Mais elle permettait aussi de distinguer les collectivités territoriales des établissements publics qui, selon les principes du

172

J.-M PONTIER « Semper manet. Sur une clause générale de compétence », RDP, 1984, p. 1443

173

Laurent TESOKA, Les rapports entre les collectivités territoriales, PUAM, 2004, p. 38

174

Du point de vue des compétences, il n’est pas possible de relever de substantielles différences, dans la mesure ou les textes révolutionnaires et les deux « chartres » de l’administration locale, qu’ont été pour le département la loi de 1871 et pour la commune la loi de 1884, étaient peu prolixes.

175

J.-M PONTIER « L’administration territoriale : le crépuscule de l’uniformité ? », Revue administrative n° 330, novembre 2002, p. 628

droit administratif, sont régis par un principe de spécialité qui leur interdit d’avoir d’autres compétences que celles qui leur sont attribuées par l’acte les ayant institués.

La clause générale de compétence repose sur « les affaires propres de la collectivité » dont les contours sont ceux de l’intérêt public au niveau local. Les collectivités locales justifient depuis longtemps une part de leurs interventions et de leurs décisions sur l’intérêt public local, sur les besoins de la population ou les circonstances locales. Sur cette base, aucun domaine précis ne leur est réservé mais elles ont en charge toutes questions d’intérêt local.

La clause générale de compétence ne permet pas à une collectivité, quelle qu’elle soit, de tout faire, mais elle ne pose pas d’interdit a priori. La notion « d’affaires propres » signifie qu’il existe une distinction entre des intérêts généraux et des intérêts locaux. Elle repose sur l’idée que les intérêts d’un groupement local (donc d’une collectivité locale) ne sont pas les mêmes que les intérêts de la collectivité toute entière (donc de l’Etat). En résumé, la définition de l’intérêt public local permet de tracer les limites externes des compétences locales, par rapport aux compétences des autres collectivités publiques.

Cependant, cet intérêt est complexe car il est nécessairement évolutif dans le temps et dans l’espace176, et il est fonction de la taille de la collectivité. En outre, la superposition des structures territoriales rend délicat la reconnaissance purement géographique de cet intérêt.

Comme bien souvent, il revient alors au juge administratif de fixer les limites de l’intérêt public local, bridant par la même occasion les compétences des collectivités. Nous allons proposer un exemple particulièrement révélateur de l’intervention du juge administratif qui vient borner l’intérêt public local et qui, de manière automatique, projette les limites de la collectivité dans l’exercice de sa clause générale de compétence. Bien que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la communes », la collectivité locale doit respecter l’initiative privée. La société française laisse effectivement une grande place à l’initiative privée, pour des raisons idéologiques et économiques, au nom de la liberté du commerce et de l’industrie. Depuis 1930177, le Conseil d’Etat considère que cette liberté interdit aux communes de créer, en dehors des cas prévus par la loi, des services publics industriels et commerciaux, sauf si l’initiative privée est inexistante ou défaillante et que des circonstances locales particulières justifient cette intervention au nom de l’intérêt public local.

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Les besoins de la population ne sont pas les mêmes en 1900 et en 2000, en conjuguant une multitude de facteurs sociaux, économiques et démographiques.

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L’intérêt public local, est, nous l’avons vu, évolutif dans le temps et dans l’espace. La

jurisprudence a fait preuve comme le constate le professeur VERPEAUX178, d’un libéralisme croissant en la matière. Il relève par exemple que l’initiative privée était défaillante lorsque les services proposés, par les dentistes libéraux, étaient trop onéreux pour la population de la commune concernée et qu’ils justifiaient alors la création d’un cabinet dentaire municipal, ou que la création d’un bar restaurant alimentation contribuait à l’animation de la vie locale. Une jurisprudence abondante précise les conditions dans lesquelles l’intérêt public à la base de toute décision publique locale doit être entendu179.

L’abondante intervention du juge administratif n’est il pas un aveu de l’échec de la clause générale de compétence comme système fiable de répartition des compétences entre les collectivités ? Non seulement la doctrine est unanime sur ce point, mais elle ne manque pas de qualificatifs pour repousser la clause générale de compétence comme technique de répartition : inutile180, moins attrayante et plus nécessaire181, absence de réalité182…

C’est le professeur MADIOT qui juge, selon nous, le plus sévèrement l’inutilité de la clause générale de compétence : « Cette clause générale de compétence n’a aucune permanence

historique : reconnue par le législateur, elle fut souvent et elle est encore concurrencée par le procédé de l’énumération des compétences. Elle ne possède aucun fondement constitutionnel. En outre, elle ne présente qu’une faible utilité pratique. Quant à la notion d’affaires locales, passée au « scanner » par la doctrine, elle n’a jamais livré son secret. Elle reste ce qu’elle a toujours été : une notion vague et indéfinissable pour fonder solidement un mécanisme de répartition des compétences »183

Le professeur PONTIER analyse également les causes de l’échec de la clause générale de compétence comme système de répartition. Il relève trois aspects principaux.

La première cause d’échec réside dans le fait de la précision croissante des compétences attribuées ou transférées. Cette précision toujours plus grande des textes portant répartition ou transfert de compétences implique une réorganisation des compétences et, par là, une certaine

178

Michel VERPEAUX, Les collectivités territoriales en France, Dalloz, 2004, coll. Connaissance du droit, p. 115

179

Jean GIRARDON, Les collectivités territoriales, Paris, Ellipses Edition, coll. Mise au point, 2001, p. 67

180

Yves MADIOT, « Les techniques de correction de la répartition des compétences entre collectivités locales », RFDA, septembre – octobre 1996, p. 964

181

J.-M PONTIER « L’administration territoriale : le crépuscule de l’uniformité ? », Revue administrative n° 330, novembre 2002, p. 628

182

Michel VERPEAUX, Les collectivités territoriales en France, Dalloz, 2004, coll. Connaissance du droit, p. 117

183

Yves MADIOT, « Les techniques de correction de la répartition des compétences entre collectivités locales », RFDA, septembre – octobre 1996, p. 966

redéfinition de celles-ci. A travers cette redéfinition, c’est une différentiation qui s’opère progressivement entre les compétences des collectivités locales. La clause générale de compétence présente alors moins d’attraits qu’elle a pu en avoir : la référence à cette clause n’est plus nécessaire ou plus possible lorsque des lois attribuent des compétences ou prévoient des compétences tout en interdisant par voie de conséquence aux collectivités non

bénéficiaires d’intervenir.

La seconde cause peut résider dans la spécialisation croissante des collectivités qui résultent des lois distinguant en fonction des catégories de collectivités territoriales184. Pour être plus exact, il faudrait parler de différenciation croissante des collectivités depuis les lois de transferts de compétences de 1983. Il semble s’établir dans tous les cas, une sorte de

consensus autour de l’idée de domaines privilégiés d’intervention des différentes catégories de collectivités : Ne parlons-nous pas pour la commune de « collectivité de proximité », du département comme une « collectivité de gestion » et de la région comme d’une « collectivité de coordination »185 ?

Enfin, la clause générale de compétence comme système de répartition des compétences se trouve saborder par l’expérimentation offertes aux collectivités territoriales. Nous

développerons dans la deuxième partie de notre étude le recours à l’expérimentation comme étant un nouveau mode de transferts de compétences.

Malgré toutes les récriminations faites à la clause générale de compétence et contre toutes attentes, celle-ci n’a pas disparu du droit positif. Elle a même été codifiée dans le Code général des collectivités territoriales.

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