• Aucun résultat trouvé

La protection du principe d’égalité

LES TRANSFERTS DE COMPETENCES FACULTATIFS ET OPTIONNELS

B. La protection du principe d’égalité

En venant de montrer qu’il n’existe pas (sauf une exception relevée) de transfert facultatif et optionnel de compétences dans le cadre de la décentralisation, nous pouvons approfondir ce constat. Le professeur PONTIER affirme pour sa part, que, « la « tradition française » n’est

guère favorable aux transferts facultatifs : le législateur décide souverainement de ce qui est bon pour l’Etat comme pour les collectivités locales ; s’il procède à un nouveau partage de compétences, on présumera que c’est dans l’intérêt général des citoyens comme dans celui des collectivités locales. Le transfert facultatif s’accommode mal, au surplus, avec l’idée d’égalité »437. Il constate ainsi que l’on s’est habitué, dans notre pays, à l’uniformité des structures, des compétences et des pouvoirs, qui a été voulue par la Révolution et il

s’interroge sur le fait de comment admettre dans ces conditions, que les collectivités locales exercent certaines compétences et d’autres non.

En réalité, la doctrine intègre l’idée que c’est la diversité qui caractérisera nos structures administratives locales, cette diversité étant en partie issue de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003438 dont le professeur PONTIER, qui avance plusieurs arguments plaidant pour l’existence d’une diversité croissante des structures administratives locales.

D’une part, la variabilité des compétences existe déjà dans les relations entre communes et certains EPCI. Outre les compétences obligatoirement transférées, dans certains cas, facultativement, dans d’autres, les communes membres peuvent toujours transférer des compétences supplémentaires. Nous ne pouvons pas nier cette vérité mais nous pensons que cette démonstration qui est certes valable dans le cas de l’intercommunalité, ne trouve pas de justification dans le cadre de la décentralisation. Les transferts facultatifs et optionnels de compétences dans ce système vont à l’encontre, selon nous, du principe d’égalité entre les citoyens et du principe de libre administration des collectivités territoriales.

D’autre part, PONTIER montre qu’il faut bien accepter l’idée que, en fait, les collectivités appartenant à une même catégorie ne sont pas toutes placées dans la même situation, que certaines d’entre elles ne sont pas en mesure d’exercer les compétences que la loi,

théoriquement, leur reconnaît. L’auteur achève son observation en déclarant : « l’uniformité

et l’égalité des collectivités locales sont un mythe ».

437

J.-M. PONTIER, « Actualité, continuité et difficultés des transferts de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales », RFDA, janvier – février 2003, p. 40

438

Nous rappellerons nos développements sur le principe de subsidiarité et sur l’expérimentation qui vont profondément modifier les règles de transferts et de répartition des compétences dans l’avenir.

Ce constat est partagé par Nicolas KADA439 qui reconnaît qu’ « il est indéniable que l’acte II

de la décentralisation entretient une contradiction majeure autour de la notion juridique d’égalité ». Aussi, les interrogations relatives au respect du principe d’égalité dans le cadre

des transferts de compétences, si elle se posent avec vigueur à la suite de la révision

constitutionnelle du 28 mars 2003, étaient également présentes dès 1982. Nous pouvons alors rechercher dans quelles mesures les transferts de compétences facultatifs ou optionnels peuvent mettre à mal le principe d’égalité440.

L’auteur montre que la coexistence au sein d’un même article constitutionnel (l’article premier de la Constitution)441 des principes d’égalité et de décentralisation, « laisse entrevoir,

au-delà des seuls futurs débats doctrinaux, la complexité des prochains arbitrages jurisprudentiels ». Il insiste principalement sur les collectivités d’outre mer qui peuvent

adopter des mesures justifiées par des circonstances locales en faveur de leur population. Enfin, il revient sur la constitutionnalisation de l’expérimentation qui est difficilement conciliable avec le principe d’égalité.

Eu égard la protection renforcée du principe d’égalité, nous pensons effectivement que le législateur préférera prévoir des délégations de compétences plutôt que des transferts

facultatifs et optionnels de compétences, dans la mesure où, si le Conseil Constitutionnel est saisi, il ne manquera pas de déclarer ces dispositions inconstitutionnelles. En effet, « les

collectivités locales doivent appliquer le principe d‘égalité. Il n’y a rien de plus normal car à partir du moment où l’on proclame le principe d’égalité entre les hommes, on ne peut

admettre que des différences soient instituées selon que l’on habite une partie ou une autre du territoire »442.

439

Nicolas KADA, « L’Acte II de la décentralisation et le principe d’égalité », RDP, septembre 2005, p. 1274

440

Nous pouvons rappeler que le principe d’égalité est solidement installé et protégé dans notre bloc de constitutionnalité. Il apparaît dans le Préambule, à l’article premier et à l’article six de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyens du 26 août 1789, ainsi que dans certaines dispositions du Préambule de la

Constitution du 27 octobre 1946. Le principe d’égalité est également affirmé avec force à l’article premier de la Constitution du 4 octobre 1958, article dans lequel est désormais inscrit le caractère décentralisé de

l’organisation de la République, avant que l’article deux ne rappelle sa devise : « Liberté, égalité, fraternité » Enfin, le principe d‘égalité est protégé par une jurisprudence abondante du Conseil Constitutionnel qui le consacre comme constituant un principe de valeur constitutionnel, étant également un principe général du droit défendu par les juridictions administratives.

441

Article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée »

442

J.-M. PONTIER, « L’administration territoriale : le crépuscule de l’uniformité ? », Revue administrative n° 330, novembre 2002, p. 634

Hormis les transferts expérimentaux, très encadrés, il est inconcevable de voir des

collectivités territoriales de même niveau, exercer des compétences différentes. Comme le relève le professeur VERPEAUX, « la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 n’a pas porté

atteinte à la structure des collectivités territoriales en France. Elle se contente d’affirmer de nouveaux principes, d’assouplir un peu plus les catégories de collectivités territoriales et de profondément modifier le régime constitutionnel de l’outre-mer français »443.

Aussi, pour faire respecter le principe d’égalité entre les personnes sur tout le territoire, les pouvoirs publics ont défini et mis en œuvrer de nombreux et complexes mécanismes de compensation, notamment financiers. La logique décentralisatrice implique ou accepte les différenciations de richesses sur le territoire, liées à de multiples facteurs, qui entraînent à leur tour des différences dans les services fournis et les équipements réalisés. Ces différences deviennent rapidement des inégalités et nous devons nous interroger alors de savoir si celles- ci sont acceptables.

Si dans la plupart des pays, la réponse est nécessairement nuancée, en France, elle sera dans tous les cas négative. La compensation est évidemment une spécificité française, au même titre que l’attachement au principe d’égalité, justifiant de fait l’inscription au sein de la Constitution d’un dispositif de péréquation à l’article 72-2 alinéa 5 : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».

Si les transferts facultatifs ou optionnels de compétences ne peuvent pas être mis en œuvre dans le cadre de la décentralisation, à cause du risque d’atteinte au principe d’égalité, ils sont cependant régulièrement opérés dans le cadre de l’intercommunalité. Nous serons amené à distinguer dans ce cas le transfert optionnel de compétence du transfert facultatif de

compétence.

§ 2. Les transferts facultatifs et optionnels de compétences dans le cadre de l’intercommunalité

Il existe une distinction fondamentale entre ces deux types de transferts de

compétences. Le transfert optionnel de compétence détient un caractère obligatoire dans la mesure où la loi impose à l’EPCI, lors de sa création, de choisir certaines compétences qu’il devra exercer parmi un groupe de compétences défini par le législateur (A). A l’inverse, par

443

Michel VERPEAUX, « La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République : libres propos », RFDA, juillet – août 2003, p. 666

compétences facultatives, « on désigne des compétences dont le transfert n’est pas prévu par la loi ou par la décision institutive »444 (B).

Outline

Documents relatifs