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Les transferts de compétences et la répartition des compétences

L’OBJET DES TRANSFERTS DE COMPETENCES

B. Les transferts de compétences et la répartition des compétences

A en juger par l’abondante production doctrinale liée aux lois de décentralisation depuis 1982 et 1983, les thèmes des transferts de compétences et de la répartition des compétences allaient connaître de nombreux développements pour cette période85. Les transferts de compétences ne peuvent avoir lieu évidemment qu’après avoir opéré une répartition des compétences entre l’Etat et les différents niveaux de collectivités territoriales. Aussi, c’est la loi du 2 mars 1982, qui marque le véritable point de départ de la décentralisation (dans sa forme moderne) et apporte trois bouleversements majeurs : Il s’agit de la suppression de la tutelle administrative, le transfert de l’exécutif départemental et régional et la transformation de la région en

collectivité territoriale. Mais il faudra attendre les lois du 7 janvier 1983 et du 22 juillet 1983

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B. REMOND « Loin du compte », AJDA, Chroniques, p. 1561

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Nous verrons dans le développement les risques liés à une véritable autonomie des collectivités territoriales, dépassant alors la conception unitaire de l’Etat pour arriver finalement à une forme d’Etat fédéral.

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R. HERTZOG « Décentralisation : de l’organisation, de la gestion ou du pouvoir administratif ? », AJDA, 11 novembre 2002, p. 1149

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Il suffit pour s’en convaincre de reprendre les différents numéros spéciaux de l’AJDA à propos de la décentralisation

pour voir apparaître les premiers transferts de compétences86 qui viendront s’inscrire dans le cadre établi par la loi du 2 mars 1982. C’est en effet le constat établi par Jean-François AUBY qui explique que : « Le gouvernement, puis l’Assemblée Nationale ont volontairement

dissocié la réforme institutionnelle, en partie réalisée par la loi du 2 mars 1982, et la

redistribution des compétences et des ressources entre les quatre niveaux de collectivités »87. Nous constatons que le gouvernement de l’époque a effectué une valse en deux temps. Il a d’abord effectué une réforme du cadre institutionnel avant de transférer les compétences. Nous allons alors analyser la méthode retenue pour transférer les compétences, celle-ci étant emprunte d’une certaine originalité.

Selon Jérôme CHAPUISAT88, la répartition des compétences fut une étape laborieuse de la décentralisation. Retraçant l’ambiance des débats parlementaires dans le cadre de son commentaire sur la loi du 7 janvier 1983, il déclare que le texte de loi adopté est un texte de compromis. Mais plus que la richesse des débats, l’auteur voit son attention retenue surtout par la méthode législative adoptée. En effet, la loi du 7 janvier 1983, s’inscrit dans un processus législatif continu, elle est « un maillon dans une chaîne de lois de

décentralisation » Le procédé intrigue le juriste, toujours selon CHAPUISAT : « D’abord, par son caractère prémédité et systématique mais surtout parce qu’il n’y a, dans ce train législatif, ni loi-cadre, ni loi d’orientation, ni même de loi motrice, il n’y a qu’une loi chronologiquement première. » Les premiers transferts de compétences sont donc le fruit

d’un procédé original, la loi transférant les compétences ne s’inscrivant que dans le cadre d’une loi antérieure, celle du 2 mars 1982. La méthode législative retenue s’apparente pour CHAPUISAT « à la technique du roman-feuilleton dans lequel chacun des épisodes annonce

le suivant »

Cette méthode originale n’est pas sans avantages. Le volume des problèmes à résoudre, les dimensions de la réforme sont tels qu’il parait logique et opportun de les résoudre par étapes. Comme l’explique l’auteur, cette méthode permet « un apprentissage progressif de la

décentralisation », les innovations prenant corps en douceur et entrant lentement dans les

mœurs.

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Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat, JORF, 9 janvier 1983 et la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n°83-3 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat, JORF, 23 juillet 1983.

87

Jean-François AUBY « La commune et la loi du 2 mars 1982 », AJDA, 20 mai 1982, p.p 307-338

88

Jérôme CHAPUISAT, « La répartition des compétences : Commentaire de la loi n°83-8 du 7 janvier 1983, relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat », AJDA, 20 février 1983, p.p 81-91

De plus, la mise en place des transferts de compétences se fait selon un échéancier étalé sur plusieurs années. L’étalement dans le temps permet de rectifier et de récupérer certaines erreurs ; laissant également le temps à l’administration d’anticiper les transferts de compétences89.

Néanmoins, cette législation en cascade présente des inconvénients majeurs. Le Sénat avait, à l’époque, dénoncé le défaut d’approche globale et le manque de cohésion de cette méthode. Les contradictions éventuelles entre les lois successives seront difficiles à résoudre du fait de leur apparition progressive.

Aussi, il n’aura fallu attendre que six mois pour qu’une seconde loi relative à la répartition des compétences entres les différents niveaux de collectivités et l’Etat soit promulguée, venant alors confirmer les inquiétudes du Sénat quant au manque de cohésion de cette méthode. La loi du 22 juillet 1983, vient compléter celle du 7 janvier de la même année. Loin de n’apporter que quelques aménagements, elle se révèle en fait aussi importante en nombre d’articles que celle du 7 janvier90. Mais la loi du 22 juillet 1983 ne bouleverse pas celle du 7 janvier, elle la complète de façon significative. A partir de cette date, nous pouvons affirmer que les

« vocations » des différents niveaux de collectivités territoriales seront scellées

définitivement, servant alors de base pour les lois de décentralisation à venir. Les transferts de compétences effectués traduisent un rôle dominant pour chaque échelon d’administration.

La région deviendra alors une collectivité chargée de l’avenir, puisqu’elle est compétente en matière de planification économique et de programmation des équipements. Elle est également compétente pour la mise en œuvre des actions de formation professionnelle continue et d’apprentissage et pour gérer les lycées et les établissements d’enseignement agricole. La région est une collectivité ayant en charge le long terme.

Le département est plutôt une collectivité gestionnaire, tournée vers les services et les actions de solidarité. C’est ainsi qu’il a en charge l’aide et l’action sociale, l’équipement rural, les transports scolaires hors périmètre urbain et la gestion des collèges. Le professeur

PONTIER déclare que « le département apparaît comme le grand bénéficiaire des

compétences transférées. Le temps est loin où le département paraissait une collectivité

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La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui met en place de nouveaux transferts de compétences prévoyait quant à elle une mise en application directe des compétences à partir du 1er janvier 2005. Une circulaire du 10 septembre 2004 viendra cependant préciser les dates d’entrées en vigueur des compétences.

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Comme le constate Jean-Marie PONTIER, la loi promulguée le 22 juillet 1983 qui complète celle du 7 janvier 1983 « est comparable à cette dernière loi, au moins par son ampleur, puisque comme elle, elle comporte 123 articles ». J.-M PONTIER « Décentralisation : La deuxième loi relative à la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités locales », AJDA, 20 septembre 1983, p. 466

condamnée. Depuis 1982, les différentes lois de décentralisation ont eu pour objet ou pour effet de le renforcer (…) La vocation sociale du département est affirmée »91

Quant à la commune, ses dimensions font d’elle le lieu idéal pour l’administration de proximité ou de contact : collectivité proche des habitants, elle peut leur offrir des services quotidiens (les transports urbains, les écoles maternelles et primaires, l’urbanisme, les bibliothèques).

Derrière cette vision un peu idyllique, la réalité est parfois plus complexe, n’ayant pas fait cas des nombreuses compétences enchevêtrées. L’élan marqué par ces différentes lois de

transferts de compétences s’est peu à peu atténué et sombra dans une profonde léthargie n’ayant jamais retrouvé un souffle politique fort désireux de relancer la machine. Les principes issus de ces différentes lois, qui bouleversèrent le paysage institutionnel français restèrent en sommeil pendant près de vingt ans. Il faudra alors attendre le second mandat présidentiel de Jacques CHIRAC et la nomination de Jean-Pierre RAFFARIN en qualité de Premier Ministre pour que l’idée d’une nouvelle réforme de l’Etat par la décentralisation renaisse. Tel est le sens du discours de politique générale de l’ancien Premier Ministre devant l’Assemblée Nationale le 3 juillet 2002.

§ 2. La relance de la décentralisation par de nouveaux transferts de compétences

Les dispositions constitutionnelles relatives à la décentralisation étaient, plus encore en 1958 qu’en 194692, peu développées et se contentaient d’affirmer des principes généraux et abstraits. Nous avons vu que le mouvement de décentralisation initié à partir de 1982 n’avait opéré aucun bouleversement du cadre constitutionnel. La décentralisation allait être placée au centre de la politique de l’ancien Premier ministre, Jean-Pierre RAFFARIN, se considérant comme un défenseur de la « République des proximités », et développant sa théorie de la

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J.-M PONTIER « Décentralisation : La deuxième loi relative à la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités locales », AJDA, 20 septembre 1983, p. 466

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Le projet constitutionnel du 19 avril 1946, contenait un titre consacré aux « collectivités locales », innovation constitutionnelle majeure qui faisait sortir les communes, les départements mais aussi les territoires d’outre-mer de la simple catégorie d’entités administratives pour les consacrer comme sujets de droit constitutionnel, dont la République, néanmoins proclamée une et indivisible, reconnaissait l’existence. Ce même texte proclamait le principe de la libre administration de ces collectivités dans le cadre de la loi nationale. Les collectivités devaient cependant bénéficier d’une liberté de gestion inconnue jusqu’alors. Ce projet ayant été repoussé par le

référendum du 5 mai 1946, un second projet fut rédigé et adopté pour devenir la Constitution du 27 octobre 1946. Le titre consacré aux « collectivité territoriales » ne contient pas d’innovations par rapport au projet constitutionnel d’avril.

nouvelle gouvernance93. La révision de la Constitution semblait alors s’imposer. Les principes généraux de la réforme se ramènent, d’une part à l’affirmation du principe constitutionnel de la décentralisation (A), d’autre part à de nouveaux transferts de compétences désormais liés à toute avancée de la décentralisation (B).

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