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La mise en œuvre de la libre administration des collectivités territoriales

LES CONSEQUENCES DES TRANSFERTS DE COMPETENCES

A. La mise en œuvre de la libre administration des collectivités territoriales

Qu’est-ce que s’administrer librement s’interroge le professeur PONTIER lors de son analyse sur le rapport du Conseil d’Etat de 1993122. Selon le Conseil d’Etat, s’administrer librement pour les collectivités territoriales, « c’est conduire sans être soumis à des contraintes

excessives, et sans interférer avec les pouvoirs législatif, gouvernemental et judiciaire ,

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Article 87 de la constitution du 27 octobre 1946 : « Les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus au suffrage universel »

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Les deux décisions du Conseil Constitutionnel du 25 février 1982 ont confirmé le caractère constitutionnel du principe de libre administration des collectivités territoriales et de la compétence du législateur pour la mettre en œuvre.

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Pour un développement sur l’évolution de la notion de libre administration, nous conseillons de reprendre l’Encyclopédie des collectivité territoriales, Dalloz, chapitre I : Le statut constitutionnel des collectivités territoriales rédigé par J.-C. DOUENCE

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Ce pouvoir normatif local a été institué par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 à l’article 72 al. 3 de la Constitution

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J.-M. PONTIER « Une décennie de décentralisation vue par le Conseil d’Etat », Revue administrative, n° 281, septembre 1994, p. 504

diverses catégories d’opérations, et prendre dans les mêmes conditions diverses catégories d’actes qui, eu égard à leur caractère administratif, peuvent faire l’objet d’un encadrement par la loi et d’un contrôle par le juge administratif » et nous pourrions ajouter a cette définition « dans les domaines qui relèvent de leurs compétences légales » C’est ainsi que les

conséquences d’un transfert de compétences entraînent selon nous, pour la collectivité, la libre administration de sa compétence nouvellement transférée. Elle peut intervenir dans son domaine de compétence par le biais de ses autorités et de ses agents, qui agissent en son nom dans ce domaine. Mais, la libre administration n’est pas le libre gouvernement ni la libre législation. Elle introduit une liberté d’application concrète des règles de droit. D’ailleurs, aux termes de l’article 72 alinéa 3, c’est toujours « dans les conditions prévues par la loi » que les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus.

Pour sa part, l’article 34 de la Constitution englobe dans le domaine de la loi la libre

administration des collectivités territoriales mais aussi leurs compétences et leurs ressources. A partir du moment où le Conseil Constitutionnel a reconnu la libre administration comme une règle de fond (c'est-à-dire qu’en considérant la libre administration comme un principe a valeur constitutionnelle, le Conseil Constitutionnel peut contrôler l’action du législateur et moduler ses pouvoirs en matière de collectivités territoriales)123, il a analysé les compétences et les ressources des collectivités comme des conditions de leur libre administration.

Ainsi, après avoir reconnu l’existence d’attributions effectives aux collectivités territoriales, la jurisprudence constitutionnelle a affirmé que le législateur ne peut porter atteinte à

l’autonomie financière des collectivités au point d’entraver leur libre administration. L’existence de ressources propres et suffisantes est ainsi érigée en condition de la libre administration. Aussi, les décisions du Conseil Constitutionnel relatives à la protection de la libre administration des collectivités du fait des atteintes portées à leur autonomie financière par le législateur sont beaucoup plus nombreuses que celles relatives à la protection même du principe de libre administration.

Les atteintes portées par le législateur dans la liberté d’action reconnue aux collectivités locales dans leur sphère de compétences n’ont fait l’objet que de quelques décisions du Conseil Constitutionnel. Le professeur DOUENCE en citant le Doyen VEDEL, explique qu’il « existe un « seuil » en deçà duquel le législateur doit être censuré parce qu’il a dénaturé le

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Encyclopédie des collectivité territoriales, Dalloz, chapitre I : Le statut constitutionnel des collectivités territoriales rédigé par J.-C. DOUENCE : Cette conception n’avait certainement pas été imaginée par les rédacteurs de la Constitution. Mais elle s’imposait naturellement après le bouleversement apporté par la décision du 16 juillet 1971, Liberté d’association. Si le Conseil Constitutionnel devenait le garant des droits et libertés, sa mission pouvait englober la protection des collectivités dans leur libre administration.

principe de libre administration qu’il doit mettre en œuvre…Ces décisions ne sont pas très fréquentes. A ce jour, elles sont au nombre de trois »124

Dans ces trois décisions125, le sens de la jurisprudence est clair. Le juge exerce un contrôle de la nécessité et de la proportionnalité des restrictions apportées par la loi à la libre

administration. Si ces restrictions apparaissent excessives et injustifiées, elles constituent une atteinte à la libre administration contraires à l’article 72 de la Constitution. Le législateur n’est plus souverain, il doit justifier de ses actes au regard de la Constitution. Le seuil dont le franchissement entraîne la censure de la loi ne peut être déterminé que concrètement, au cas par cas, au vu des effets de la disposition contestée sur la liberté d’action des autorités locales. C’est donc le juge constitutionnel qui peut préciser les conditions de mise en œuvre du

principe de libre administration.

Concernant l’autonomie financière locale, le juge constitutionnel a défini des seuils au-delà desquels la libre administration serait entravée, notamment par la suppression sans

contreparties de ressources existantes ou le transfert de compétences sans transfert de ressources126. Aussi, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré un article entier127 protégeant l’autonomie financière des collectivités locales. Le premier alinéa de l’article 72-2 constitutionnalise le principe traditionnel de la liberté de dépenser « dans les conditions prévues par la loi ». L’alinéa 2 constitutionnalise et redéfinit le pouvoir fiscal des collectivités. L’alinéa 3 pose le principe nouveau selon lequel les recettes fiscales et les autres ressources propres représentent, pour chaque catégorie de collectivités une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. L’alinéa 4 constitutionalise et étend le principe législatif

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Encyclopédie des collectivité territoriales, Dalloz, chapitre I : Le statut constitutionnel des collectivités territoriales rédigé par J.-C. DOUENCE

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La première décision concerne la loi de 1984 relatives au statut de la fonction publique territoriale (Cons Constit., 19 janvier 1984, Décision 83-168 DC), la seconde décision est relative à la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption (Cons. Constit., 20 janvier 1993, Décision 92-316 DC) et la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux fait l’objet de la troisième décision (Cons. Constit., 14 janvier 1999, n° 98-407 DC).

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Voir en ce sens la décision n° 90-274 DC du 29 mai 1990, Droit au logement ; la décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995, Aménagement du territoire ; la décision n° 2000-432 DC du 12 juillet 2000, Loi de finances rectificative pour 2000 ; la décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, Loi de finances pour 2001 et la décision n° 03-487 DC du 18 décembre 2003, RMI/RMA

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Article 72-2 de la Constitution : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans la limite qu’elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre. Tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrés à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales »

issu des lois de décentralisation de 1983 qui prévoyait la compensation des charges induites par des transferts ou des extensions de compétences. Enfin, l’alinéa 5 confirme la compétence du législateur pour aménager des dispositifs de péréquation. Il faut également rappeler que le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales a fait l’objet d’une loi

organique128 dont l’objet était de définir précisément le contenu des dispositions de l’article 72-2 de la Constitution et de codifier ce contenu dans le code général des collectivités territoriales.

Pourtant, la notion de libre administration des collectivités territoriales apparaît comme une « notion plus prometteuse que précise »129 dans la mesure où sans l’aide du juge

constitutionnel, elle ne serait restée qu’un grand principe n’obligeant aucunement le législateur a la respecter lors des transferts de compétences aux collectivités. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 accorda aux collectivités un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences130.

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