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L’EXPERIMENTATION DANS LA DECENTRALISATION ET L’INTERCOMMUNALITE

A. Une procédure très encadrée

Nous avons vu qu’il existait en réalité deux sortes d’expérimentations instaurées par le

constituant, celle de l’article 37-1, qui ne nécessite pas de loi d’habilitation et celle de l’article 72 alinéa 4 pouvant être qualifiée d’expérimentation législative. Le professeur PONTIER illustre de manière simple la mise en œuvre de l’expérimentation en déclarant : « le

déclenchement de l’expérimentation législative relève du législateur, et de lui seul : une loi d’habilitation doit être adoptée pour que l’expérimentation puisse avoir lieu, lorsque la

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Florence CROUZATIER-DURAND, « L’expérimentation locale », RFDA, janvier – février 2004, p. 24 à p. 27

dérogation porte sur la loi. S’agissant de l’expérimentation réglementaire, elle est autorisée par le gouvernement agissant pas voie de décret en Conseil d’Etat »493.

Ainsi, la loi organique relative à l’expérimentation renvoie à la loi, qui sera une loi ordinaire et qui autorisera le principe même de la dérogation expérimentale. Cette loi devra aussi définir quelles seront les collectivités qui pourront le faire. Elle devra préciser « la nature juridique et les caractéristiques des collectivités autorisées à participer à l’expérimentation »494. Ce ne sera pas une liste nominative de collectivités mais la loi fixera des critères objectifs et généraux : il pourra ainsi s’agir des régions, des départements ou certaines communes. La loi organique a également ouvert la possibilité aux EPCI de bénéficier de l’expérimentation. La concrétisation des collectivités interviendra dans un second temps : en effet, les collectivités ou les EPCI qui se sentiront concernés par la loi d’habilitation devront faire la demande au ministre chargé des collectivités territoriales495. Aussi, le gouvernement devra se contenter de vérifier si les conditions légales sont remplies. C’est par décret, nécessairement publié que le gouvernement publie la liste des collectivités territoriales autorisées à participer à l’expérimentation. Dans ce contexte, le professeur VERPEAUX remarque qu’ « il ne pourra s’agir cependant du

gouvernement, mais du Premier ministre, seul auteur des décrets »496. Il constate ensuite qu’ « une fois cette liste dressée et rendue publique, la loi organique quitte le terrain des

autorités de l’Etat pour s’intéresser à ce que feront les collectivités territoriales de

l’autorisation qui leur est donnée d’expérimenter. Mais l’Etat revient en force, à la fin de la période d’expérimentation, pour en dresser le bilan et prendre des mesures qui s’imposent ».

En effet, après avoir aborder la procédure de mise en place de l’expérimentation, nous allons analyser la fin de l’expérimentation. Nous rappelons ici, que nous sommes dans le cadre des expérimentations mise en place en vertu de l’article 72 alinéa 4 de la Constitution, c'est-à-dire dans le cadre ou les expérimentations nécessitent de la part des collectivités ou des EPCI des dérogations aux normes législatives régissant l’exercice de leurs compétences.

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J.-M. PONTIER, « La loi organique relative à l’expérimentation locale », AJDA, 2003, p. 1719

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Article L.O 1113-1 al. 2 du CGCT.

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Aux termes de l’article L.O. 1113-2 du CCGT : « Toute collectivité territoriale entrant dans la champ d’application défini par la loi mentionnée à l’article L.O 1113-1 peut demander, dans le délai prévu à l’article précédent, par une délibération motivée de son assemblée délibérante, à bénéficier de l’expérimentation mentionnée par cette loi. Sa demande est transmise au représentant de l’Etat qui l’adresse, accompagnée de ses observations, au ministre chargé des collectivités territoriales. Le Gouvernement vérifie que les conditions légales sont remplies et publie, par décret, la liste des collectivités territoriales autorisées à participer à l’expérimentation »

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Michel VERPEAUX, « La loi organique relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales L. org. n° 2003-704, 1er août 2003 », JCP Edition Générale, 20 octobre 2004, p. 1893

L’expérimentation a, par définition, une durée limitée, et comme l’indique le professeur PONTIER, « une finalité qui consiste à en tirer un enseignement pour l’ensemble de la

collectivité nationale ».

Ainsi, la loi organique a prévu trois hypothèses de sortie de l’expérimentation. La première possibilité consiste, pour le législateur à déterminer les conditions de la prolongation ou de la modification de l’expérimentation, pour une durée qui ne peut excéder trois ans. La seconde possibilité est « le maintien et la généralisation des mesures prises à titre expérimental ». C’est en quelque sorte la solution la plus normale, la généralisation étant la finalité « naturelle » de l’expérimentation. Cependant, cette généralisation peut prendre plusieurs formes. Pour PONTIER, « on peut penser, en effet, que l’expérimentation aura été le fait de

plusieurs collectivités, voire de plusieurs catégories de collectivités. Le législateur …a alors le choix : il peut opérer une synthèse entre les différentes normes appliquées parmi les expérimentations jugées les mieux « réussies » ; il peut également choisir de généraliser les normes expérimentées par une seule collectivité ; il pourrait encore, tirant les leçons des expérimentations conduites par les collectivités concernées, décider d’adopter des normes totalement différentes…Une autre solution serait envisageable, celle consistant pour le législateur, et dans le respect des normes constitutionnelles fixant sa propre compétence, à confier aux collectivités territoriales, le soin de régir le domaine ayant fait l’objet de l’habilitation ». Enfin, la troisième possibilité est l’abandon complet, par le législateur, de

l’expérimentation, parce que celle-ci n’a pas donné de résultats probants. La loi détermine alors les conditions de sortie de l’expérimentation, en prévoyant les dispositions transitoires qui s’imposent pour le passage d’un régime juridique, à un autre497.

Le professeur PONTIER imagine dans le cadre de son article relatif à l’analyse de la loi organique sur l’expérimentation, d’autres possibilités de sorties non envisagées par l’article L.O 1113-6 du Code général des collectivités territoriales. Ces possibilités sont au nombre de trois. Il s’agit du cas où une collectivité bénéficiaire de l’expérimentation peut décider au cours de celle-ci de l’abandonner. L’autre cas de sortie de l’expérimentation imaginé par Jean-Marie PONTIER concerne la carence du législateur pour donner suite à

l’expérimentation. En effet, aux termes de l’article L.O. 1113-6 dernier alinéa du Code, « l’expérimentation ne peut être poursuivie au-delà du terme fixé par la loi qui l’avait organisée ». C'est-à-dire que l’expérimentation cesse de produire effet, et que les actes

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dérogatoires pris durant cette période doivent être considérés comme abrogés. Une dernière hypothèse pouvant être envisagée et non prévue par le Code est celle dans laquelle

l’expérimentation a donné lieu à des résultats satisfaisants mais ne peut cependant donner lieu à généralisation parce qu’il n’y a pas de « transposabilité », compte tenu de la situation

particulière des collectivités ayant procédé à l’expérimentation.

Nous avons vu que la procédure d’expérimentation est très encadrée dès sa mise en place. Mais elle l’est également strictement durant son déroulement et jusqu’avant son terme. Nous ne reviendrons pas sur le contrôle de légalité des actes pris par la collectivité ou les EPCI durant l’expérimentation. L’article L.O. 1113-3 du Code général des collectivités territoriales évoque les « actes à caractère général et impersonnel d’une collectivité territoriale »498 et l’article L.O. 1113-4 concerne le contrôle exercé par le représentant de l’Etat sur les actes dérogatoires pris par les autorités locales dans le cadre de l’expérimentation499. Nous aborderons cependant le contrôle de l’expérimentation par l’évaluation. L’expérimentation qui dérive de la méthode expérimentale suppose, en effet, un contrôle strict des résultats par l’évaluation. Celle-ci « n’est pas seulement une mode conduisant à vouloir faire porter un

jugement sur tout et n’importe comment. C’est d’abord une démarche scientifique, depuis longtemps systématiquement utilisée dans des domaines facilement quantifiables… »500. L’article 72 de la Constitution n’évoque pas l’évaluation de l’expérimentation. Mais le Conseil constitutionnel a reconnu quant à lui la constitutionnalité de l’évaluation et a également lié celle-ci à l’expérimentation en considérant « qu’il est même loisible au

législateur de prévoir la possibilité d’expériences comportant des dérogations (…) de nature à lui permettre d’adopter par la suite, au vu des résultats de celle-ci, des règles nouvelles (…) que toutefois il lui incombe alors de définir (…) les conditions et les procédures selon lesquelles elles doivent faire l’objet d’une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification, à leur généralisation ou à leur abandon »501.

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Article L.O. 1113-3 du CCGT : « Les actes à caractère général et impersonnel d’une collectivité territoriale portant dérogation aux dispositions législatives mentionnent leur durée de validité. Ils font l’objet, après leur transmission au représentant de l’Etat, d’une publication au Journal officiel de la République française. Leur entrée en vigueur est subordonnée à cette publication »

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Article L.O. 1113-4 du CCGT : « Le représentant de l’Etat peut assortir un recours dirigé contre un acte pris en application du présent chapitre d’une demande de suspension ; cet acte cesse alors de produire ses effets jusqu’à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande. Si le tribunal administratif n’a pas statué dans un délai d’un mois suivant sa saisine, l’acte redevient exécutoire »

500

J.-M. PONTIER, « La loi organique relative à l’expérimentation locale », AJDA, 2003, p. 1722

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Conseil constitutionnel, décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, loi relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Aussi, c’est l’article L.O. 1113-5 du Code général des collectivités territoriales qui prévoit les conditions d’évaluation de l’expérimentation, devant permettre la sortie de ce procédé. Le gouvernement doit, avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation, transmettre au Parlement « aux fins d’évaluation », un rapport assorti des observations des collectivités territoriales qui ont participé à l’expérimentation. Selon le Code, « ce rapport expose les effets des mesures prises par ces collectivités en ce qui concerne notamment le coût et la qualité des services rendus aux usagers, l’organisation des collectivités territoriales et des services de l’Etat ainsi que leurs incidences financières et fiscales ». Nous retrouvons alors toute la démarche scientifique de l’évaluation devant conduire ou non à la généralisation de l’expérimentation.

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