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Les rapports entre l’expérimentation et les transferts de compétences

DEFINITION DE LA METHODE EXPERIMENTALE

B. Les rapports entre l’expérimentation et les transferts de compétences

Nous avons vu que la rédaction de l’article 72 alinéa 4 soulevait des difficultés d’interprétation et notamment, dans la formule « exercice de leurs compétences ». Le professeur PONTIER a recours aux travaux du rapporteur du projet de loi constitutionnelle pour tenter d’éclairer le contenu de cette formule486. Le rapporteur estimait que « cette

rédaction doit être comprise à la fois comme autorisant une dérogation aux règles de

répartition des compétences et une dérogation aux règles régissant la compétence déléguée. Il s’agit donc à la fois d’une règle de forme, la répartition des compétences entre collectivités et entre l’Etat et les collectivités, d’une règle de fond, la détermination d’un corpus normatif régissant un secteur »487.

Il existe bien une différence entre les expérimentations qui consistent en des transferts de compétences et celles qui confient un pouvoir normatif relevant de la loi aux collectivités territoriales, qui pour PONTIER, « représentent une véritable innovation juridique ». Cependant, il parait nécessaire d’opérer une distinction entre « les expérimentations dérogeant aux lois régissant une compétence » et « les expérimentations – transferts de compétences » restant possibles sans le recours à une loi d’habilitation. Le député Mr Michel PIRON, rapporteur du projet de loi organique relatif à l’expérimentation, semble en effet, opérer une distinction entre ces deux formes lors de l’examen des articles de la loi. Pour lui, l’expression « dispositions législatives régissant l’exercice de leurs compétences » inscrite à l’article LO 1113-1 du Code général des collectivités territoriales, « ne concerne que les expérimentations dérogeant aux lois régissant une compétence, les expérimentations - transferts de compétences restant possibles sans nécessiter la procédure des lois d’habilitation » prévue par la loi

organique488. Le rapporteur du projet de loi organique au Sénat, le sénateur Mr Gérard LONGUET, a observé, qu’en pratique, il est fort possible que la procédure d’habilitation pour les expérimentations normatives s’applique également aux expérimentations portant sur des transferts de compétences, mais, ces derniers n’étant pas soumis au même régime

juridique que les premiers, il faudra dissocier, dans la loi, selon la nature des transferts. En effet, pour le rapporteur, « s’agissant des collectivités territoriales, la Constitution leur

486

J.-M. PONTIER, « La loi organique relative à l’expérimentation locale », AJDA, 2003, p. 1718

487

Pascal CLEMENT, Rapport fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, Assemblée Nationale, n° 376, 13 novembre 2002

488

Michel PIRON, Rapport fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi organique relatif à l’expérimentation par les collectivités territoriales, Assemblée Nationale, n° 955, 18 juin 2003

donne la faculté non seulement de bénéficier de transferts expérimentaux de compétences, décidés par la loi, mais également de modifier elles-mêmes les règles législatives et réglementaires qui en régissent l’exercice »489.

En effet, les deux articles relatifs à l’expérimentation issus de la révision constitutionnelle (l’article 37-1 et l’article 72 alinéa 4) n’ont pas le même objet. L’article 72 alinéa 4 doit permettre de déterminer les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements pourront être habilités à déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives et réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences. C’est pourquoi, la mise en place de ce type d’expérimentation a nécessité l’adoption d’une loi organique. Il n’est pas question ici des expérimentations concernant d’éventuels transferts de compétences aux collectivités territoriales. Celles-ci relèvent en effet de l’article 37-1 de la Constitution, dont la mise en œuvre ne suppose l’adoption d’aucune loi organique.

Aussi, le rapporteur du Sénat précise que, « de surcroît, il sera sans doute intéressant de

mettre en place des expérimentations prévoyant à la fois le transfert de certaines compétences à des collectivités territoriales et de les autoriser à déroger aux règles qui en régissent

l’exercice ». Nous pouvons donner un exemple d’expérimentation, en matière de transfert de

compétences, nécessitant des dérogations à certaines règles de la part des collectivités territoriales. Le rapport de l’Assemblée Nationale cite ainsi l’exemple de la compétence régionale en matière de lycée qui pourrait être étendue à l’ensemble des dispositions normatives qui entourent la gestion des lycées.

En conclusion, « inscrites dans une même démarche, sous tendues par un objectif commun,

les expérimentations normatives et celles portant sur les transferts de compétences ne recouvrent cependant pas les mêmes enjeux et n’ont pas la même portée ».

Pour le sénateur Gérard LONGUET, les transferts expérimentaux de compétences auront pour objet, « conformément au principe de subsidiarité inscrit dans notre loi fondamentale

par la révision constitutionnelle…de déterminer le niveau le plus idoine pour l’exercice de telle ou telle compétence. Les collectivités territoriales seront toutefois tenues d’agir dans un cadre défini par les autorités nationales ». Les expérimentations normatives permettront aux

489

Gérard LONGUET, Rapport sur le projet de loi organique relatif à l’expérimentation par les collectivités territoriales, Sénat, n° 408, Commission des lois, 16 juillet 2003

collectivités territoriales « d’élaborer elles-mêmes les règles régissant l’exercice de leurs

compétences et de les adapter à leurs spécificités »490.

Finalement les transferts expérimentaux de compétences pourront avoir lieu dans le cadre de l’article 37-1 de la Constitution lorsqu’il s’agit simplement pour une durée limitée de

transférer une compétence à un échelon de collectivité locale, pour voir s’il est possible de le généraliser à l’ensemble de cet échelon. Nous nous rapprochons alors des transferts de compétences obligatoires, dans la mesure où la collectivité est obligée de réceptionner cette compétence au moins jusqu’au terme de l’expérience. Si l’exercice de la compétence transférée nécessite des dérogations à certaines normes législatives ou réglementaires, le transfert de compétence expérimental doit se faire dans le cadre de l’article 72 alinéa 4 de la Constitution491. La possibilité maintenant offerte de « déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent

l’exercice de leurs compétences » nécessite un encadrement strict codifié dans le Code général des collectivités territoriales.

SECTION II

L’EXPERIMENTATION DANS LA DECENTRALISATION ET

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