• Aucun résultat trouvé

L’intérêt communautaire, préfiguration d’une compétence générale ?

LA DEFINITION DE L’INTERET COMMUNAUTAIRE

B. L’intérêt communautaire, préfiguration d’une compétence générale ?

Nous avons vu qu’un nom du principe de spécialité qui qualifie la nature des établissements publics de coopération intercommunale, une compétence ne peut faire l’objet d’une

attribution globale à un EPCI, car elle priverait alors les communes de son exercice. Pour Hervé GROUD, « aujourd’hui, l’intérêt communautaire ne se présente donc pas comme une

347

Circulaire du 15 septembre 2004 relative aux nouvelles dispositions concernant l’intercommunalité introduites par la loi « libertés et responsabilités locales »

348

La circulaire du 15 septembre 2004 explique que la définition de l’intérêt communautaire ne doit pas se réduire à une simple liste de zones, d’équipements ou d’opérations au sein des différents blocs de compétences. Une liste qui aurait un caractère limitatif subordonnerait toute nouvelle intervention de l’EPCI à une

habilitation globale pour les communautés, mais plus prosaïquement comme une multitude de césures qui se situent à des degrés divers à l’intérieur de vastes blocs de compétences ».

Nous avons également aperçu de quelles manières la jurisprudence interprétait strictement les compétences des EPCI349.

Le professeur MOREAU a pu écrire, à cet effet, que « la jurisprudence relative à

l’interprétation des compétences dévolues aux syndicats à vocation unique ou à vocation multiple est plutôt restrictive, et à juste titre. En effet, ces établissements publics territoriaux ne possèdent aucune compétence de droit ; toutes celles qu’ils exercent leur ont été dévolues par les communes dans l’acte institutif du syndicat ou par des décisions postérieures

modificatives. On comprend dès lors qu’en cas de litige sur ce point tribunaux administratifs et Conseil d’Etat se réfèrent à la lettre des statuts et, en cas de rédaction obscure, fassent prévaloir une interprétation favorable à l’autonomie communale »350 Ces observations peuvent être étendues, selon nous, aux différentes formes de communautés.

A la suite d’une jurisprudence classique, la doctrine s’est cependant interrogée au lendemain de l’adoption de la loi de 1999 sur les évolutions possibles de l’intercommunalité en France. Les apports de la loi du 13 août 2004 peuvent, selon nous, accentuer ces interrogations, du fait des nouvelles compétences pouvant être transférées au président du conseil de l’EPCI et de l’assouplissement des règles de fonctionnement des structures intercommunales. Dès 1999, Hervé GROUD avait analysé que l’institution intercommunale porteuse de projet existait par elle-même. La « révolution intercommunale » se caractérise alors par l’explosion d’une véritable intercommunalité de projet grâce aux choix judicieux du législateur. Celui-ci a donné des moyens susceptibles de créer une existence propre aux communautés : l’obligation d’un territoire homogène correspondant à un bassin d’emploi ; l’application d’une taxe professionnelle unique, facteur d’intégration et de solidarité ; l’attribution d’une dotation globale de fonctionnement bonifié, permettant d’envisager d’importantes politiques… Tous ces moyens permettent l’émergence d’un projet devant être au coeur de la structure intercommunale.

349

Toujours selon GROUD : « les EPCI doivent s’en tenir à exercer les compétences énumérées dans le texte créateur et ne peuvent engager au-delà les communes qui ont délégué celles-ci. Tribunaux administratifs et Conseil d’Etat considèrent que les difficultés doivent être résolues ne faveur des communes qui exercent une compétence générale, dans le cadre d’une libre administration et dont les organes délibérants, élus au suffrage universel, représentent directement la population locale »

350

Observations Jacques MOREAU, sous CE 20 janvier 1989, SIVOM de l’agglomération Rouennaise, AJDA, 1989, p. 398

Hervé GROUD constate également que ces réformes ont pour objet « d’abandonner

progressivement, mais de façon irréversible, les institutions classiques …Si les syndicats intercommunaux pourront, sous certaines conditions, continuer d’exister, il sera beaucoup plus difficile d’en créer de nouveaux ».

Les nouvelles communautés vont donc absorber progressivement les syndicats existants ou voir ceux-ci se transformer en communautés de communes ou d’agglomération351. Aussi, si autrefois, des communes ont peut-être souhaité confier certaines compétences à des

institutions intercommunales limités et spécialisées, les communautés les reprennent aujourd’hui dans un cadre de prérogatives beaucoup plus large. Pour GROUD, « l’intérêt

communautaire est appelé à devenir le fondement des compétences d’EPCI - beaucoup plus autonome par rapport aux communes – qui ont leur existence propre et assument les

responsabilités locales les plus importantes, dans le cadre d’un projet ».

Outre la volonté du législateur de concevoir une coopération intercommunale beaucoup plus intégrée, le Conseil d’Etat semble tenir compte de l’émergence d’une compétence générale des communautés. Ainsi, à plusieurs reprises, s’agissant de formes de coopération plus

intégrées, le Conseil d’Etat a élaboré une jurisprudence « constructive » conduisant à admettre qu’il était impossible de découper une compétence. Celle-ci doit dans certains cas, être

considérée comme assurée globalement par un EPCI de manière à obtenir une identification plus claire pour les citoyens.

Par exemple, la loi du 31 décembre 1966 transférait aux communautés urbaines les

compétences exercées par les communes en matière de voirie et de signalisation. Il revient alors aux communautés urbaines d’accorder la concession d’affichage sur les palissades édifiées pour clôturer les chantiers sur les voies publiques. Le Conseil d’Etat tire toutes les conséquences d’un transfert de compétences pour l’envisager dans sa globalité et considère que, dans ces conditions, la communauté urbaine devient gestionnaire du domaine352. En conséquence, c’est à la communauté urbaine qu’il appartient de délivre les permissions de voirie, le maire ne conservant, en raison de son pouvoir de police générale, que les

autorisations de stationnement. Xavier PRETOT, notait que, « soucieuse de mieux marquer

les compétences, et partant, les responsabilités de chaque collectivité, la jurisprudence ; tout

351

S’agissant des syndicats de communes, le Code général des collectivités territoriales n’avait pas organisé une procédure de transformation comparable à ce que prévoit l’article L.5211-41 au profit des communautés. La transformation d’un syndicat de communes en communauté de communes ou d’agglomération ne pouvait s’opérer que par la dissolution préalable. L’article 152 de la loi du 13 août 2004 comble cette lacune en créant un nouvel article L. 5211-41-2 au CGCT qui s’inspire des dispositions de l’article L. 5211-41

352

en conservant le pouvoir de police du ressort exclusif de l’autorité communale, s’efforce de faire la part des pouvoirs de gestion dévolus, en propre, à la communauté urbaine »353.

Cette interprétation devrait se poursuivre s’agissant des compétences exercées par les trois types de communautés. Il est clairement établi que le principe de libre administration exclu que les communes soient dessaisies de certaines de leur compétence, en raison d’une

définition trop vague des compétences transférées à un EPCI. L’obligation de définir l’intérêt communautaire, n’empêchera pas selon nous, le conseil communautaire de vouloir gérer, dans la logique de sa globalité, une compétence qui n’appartient pas à son attribution ou à ses statuts. L’évolution actuelle de l’intercommunalité, nous fait envisager l’émergence d’une clause générale de compétence qui pourrait être calquée sur celle des communes354 et qui pourrait être rédigée de la manière suivante : « Le conseil communautaire règle par ses délibérations les affaires de la communauté »355.

Cette idée novatrice peut trouver son fondement dans le fait que pour un nombre de plus en plus grand de compétences, le transfert au niveau de l’intercommunalité parait désormais s’imposer. Pour Hervé GROUD, « il devient possible de définir une logique transversale à

divers blocs de compétences. En conséquence, la notion d’intérêt communautaire glisse d’une simple clé de délimitation des compétences entre le niveau communal et l’EPCI vers une source de droit commun des nouvelles communautés » et d’envisager « l’essentiel des procédures de délégations de service public et de marchés publics relèveront sans doute à l’avenir de la responsabilité des communautés ».

De plus, la doctrine a plusieurs fois constaté que la différence entre collectivité locale et établissement public territorial s’estompe et nous constatons une unification des règles applicables au statuts des personnels, au système comptable et à l’application des règles de marché publics.

Bien évidemment, l’instauration d’une clause générale de compétence au profit des trois formes de communautés n’est qu’une hypothèse de travail. Nous l’envisageons dans la mesure où elle semble cristalliser un certain nombre de réflexions émanant de plusieurs

353

Xavier PRETOT, Note sous l’arrêt du Conseil d’Etat, du 14 janvier 1987, Ville de Bordeaux, AJDA, 20 juin 1987, p. 428

354

Nous pensons à la clause générale de compétence contenue à l’article L. 2121-29 du CGCT : « Le conseil municipal règles par ses délibérations les affaires de la commune »

355

Cette clause générale de compétence pourrait très bien être appliquée dans le CGCT aux articles L. 5214-1 pour les communautés de communes, L. 5215-1 pour les communautés urbaines et L. 5216-1 pour les communautés d’agglomération, comme elle existe déjà pour la commune à l’article L. 2121-29, aux départements à l’article L. 3211-1 et aux régions à l’article L. 4221-1 du même code.

auteurs. Inapplicable à l’heure actuelle, il serait possible de voir cette idée entrer un jour au sein du Code général des collectivités territoriales, au même titre que l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires, qui fait depuis 1999 l’objet d’une attention récurrente. Ces dispositions peuvent être selon le professeur PONTIER, « porteuses d’avenir » dans la mesure où elles manifestent une progression de l’intercommunalité

SECTION II

Outline

Documents relatifs