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Le contentieux de l’intercommunalité lié aux transferts de compétences

DES IDEES INNOVANTES POUR UN BILAN MITIGE

B. Le contentieux de l’intercommunalité lié aux transferts de compétences

Comme le relève Damien CHRISTIANY389, « la création d’un EPCI, fondé sur un périmètre

pertinent en vue d’élaborer et de mettre en œuvre un projet de développement sous entend de transférer les compétences qui obéiront à la formalisation du projet commun ».

En effet, la procédure de transfert de compétences obéit aux dispositions de droit commun selon l’article L. 1321-1 du Code général des collectivités territoriales. Selon cet article, le transfert d’une compétence entraîne de plein droit la mise à disposition de l’EPCI

bénéficiaire des biens meubles et immeubles, constatée par un procès-verbal établi contradictoirement. Les compétences limitativement énumérées par le Code général des collectivités territoriales font l’objet d’une dissociation en fonction du degré de transfert à l’échelon communautaire. Nous avons vu que corollairement aux transferts de compétences obligatoires et optionnels, la loi permet l’exercice des compétences facultatives.

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P. DALLIER, Rapport d’information fait au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur l’intercommunalité à fiscalité propre, Sénat, n° 193, 1er février 2006.

389

D. CHRISTIANY, « Etude sur les contentieux de création et d’extension des établissements publics de coopération intercommunale », JCP Collectivités Territoriales – Intercommunalité, mars 2006, p. 10

Le contentieux lié aux transferts de compétences concerne la détermination des compétences. L’organe délibérant doit distinguer les compétences qui seront effectivement exercées par l’EPCI. Cette détermination des compétences implique des conséquences juridiques et financières pour les communes. Comme le constate CHRISTIANY, « parmi ces

bouleversements qui reconditionnent l’organisation interne des collectivités locales, celui du transferts de personnels revêt une importance significative à l’égard des communes qui disposent de services en régie structurés et efficients. Ces communes témoigneront d’une attention plus prononcée quant aux conditions du transfert ».

Aussi, dans le cadre du contentieux relatif à la détermination des compétences, nous pouvons opérer une dissociation entre, d’une part, le choix de la compétence qui est transférée et d’autre part, le contenu de la compétence transférée390.

Le choix des compétences transférées à l’échelon communautaire, lors de la création de la structure communautaire ou lors de l’extension ponctuelle du champ des compétences repose la question du rôle des pouvoirs conférés au préfet. Le législateur semble avoir voulu conférer au représentant de l’Etat un pouvoir d’appréciation dans le choix des compétences

transférées, comme dans celui du périmètre de création de l’EPCI391. Pourtant, le juge

administratif n’a pas retenu cette interprétation en reconnaissant le principe d’une compétence liée du préfet pour tout transfert de compétence. Selon le Conseil d’Etat, « lorsqu’un transfert de compétences répondant aux conditions fixées par la loi a été régulièrement approuvé par l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale et par la

majorité des conseils municipaux requise pour la création de cet établissement, le représentant de l’Etat, qui, dans ce cas, est tenu de prononcer le transfert de compétence, peut prendre un arrêté en ce sens »392.

Pour CHRISTIANY, « la question de la détermination des compétences renvoie

naturellement à l’importance que revêt le principe de spécialité à l’égard des établissements publics. Le principe de spécialité des établissements publics de coopération intercommunale, considéré à juste titre comme l’une des « lois de l’intercommunalité » avec le principe

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C'est-à-dire le champ d’intervention de la communauté pour l’exercice de ladite compétence.

391

D. CHRISTIANY s’interroge sur l’étendu des pouvoirs du préfet. Si celui-ci semble détenir des pouvoirs étendus, il reviendrait à le considérer comme l’acteur essentiel du projet de territoire en orientant et en incitant le transfert d’une compétence dont lui seul apprécierait la mise en œuvre du principe de subsidiarité sur le territoire communautaire.

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d’exclusivité, impose que l’organisme n’exerce que les compétences limitativement énumérées par sa décision institutive ».

En complémentarité des compétences obligatoires et optionnelles, se pose la question de la détermination des compétences facultatives. Le problème juridique soulevé peut être posé de la manière suivante : a quel moment une compétence facultative peut-elle être transférée à l’EPCI ? D’une manière équivalente, cela revient à s’interroger sur le faire de savoir si l’on peut transférer une compétence facultative à l’EPCI dès la décision institutive.

Le Conseil d’Etat a récemment rendu une décision de cassation393, concernant cette question, contre un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes. La Cour administrative394 avait jugé que la disposition législative permettant le transfert d’une compétence facultative n’était pas applicable à l’acte insitutif de l’EPCI en se fondant sur l’article L. 5211-17 du Code générale des collectivités territoriales qui dispose que « les communes membres d’un EPCI peuvent à tout moment transférer, en tout ou partie, à ce dernier certaines de leurs

compétences dont le transfert n’est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ». En l’espèce, le contentieux est né du refus d’une commune membre de voir transférer à l’échelon communautaire une compétence relative au soutien à l’enseignement supérieur. Durant l’instruction du recours en cassation, la position retenue par la Cour administrative d’appel avait fait l’objet, selon Damien CHRSITIANY, d’une contradiction interposée de la doctrine administrative par la circulaire du 15 septembre 2004. Il relève à cette occasion que le ministre délégué aux libertés locales reconnaissait explicitement que tous les

assouplissements doivent être encouragés afin de conforter et d’amplifier le mouvement intercommunal : « Cette interprétation me semble contraire à l’esprit de l’intercommunalité

qui tend à favoriser la mutualisation d’un maximum de compétences. Cette interprétation semble devoir être écartée : aucun frein ne doit être apporté à l’essor de l’intercommunalité et les communes qui souhaitent, dès la constitution de l’EPCI, transférer des compétences supplémentaires peuvent le faire ». Aussi, il déclare que cette interprétation est confirmée par

le Commissaire du Gouvernement, François SENERS, dans ses conclusions dans l’arrêt du Conseil d’Etat, Ministre de l’Intérieur c/ Commune de Saint Cyr en val, « en permettant aux collectivités territoriales concernées de procéder à des transferts supplémentaires de

compétences à tout moment après la création de l’EPCI, selon les règles de majorité qui sont d’ailleurs les mêmes que celles qui s’appliquent à la création de la communauté, elles ne limitent en aucune façon le champ des transferts décidés au départ ».

393

CE, 9 mai 2005, Ministre de l’Intérieur c/ Commune de Saint Cyr en Val

394

Le contentieux du choix des compétences introduit également celui de l’interprétation des compétences. Pour Damien CHRSITIANY, « le contentieux de l’interprétation des

compétences permet au juge administratif de se prononcer « en disséquant » le contenu d’une compétence légale générique exercée par une structure intercommunale. Sous ce travail d’anatomie juridique couvent des sous compétences dont la loi ne fait mention ni même les statuts lorsque ceux-ci sont la retranscription fidèle des dispositions du Code générale des collectivités territoriales »395. Il se cache, en effet, sous une dénomination générique de la compétence pouvant être transférée, des interprétations de la part des conseillers

communautaires pouvant diverger. Par exemple, quel périmètre d’intervention

communautaire couvre la compétence « actions de développement économique » ou celle relative à « l’équilibre social de l’habitat » ?

Une nouvelle fois, nous pouvons mentionner l’arrêt du Conseil d’Etat, Ministre de l’Intérieur

c/ Commune de Saint Cyr en val car il s’agit du deuxième intérêt de cette décision. Le juge de

cassation a estimé que l’action de « soutien à l’enseignement supérieur », inscrite au sein des statuts de la communauté revêtait un lien significatif et évident avec l’ensemble des actions de développement économique. Le Commissaire du Gouvernement, François SENERS, dont les conclusions ont été suivi par le Conseil, reconnaissait que « le développement économique d’un territoire ne se limite pas aux aides directes ou indirectes aux entreprises et, sans lui donner une extension attrape-tout, il n’y a guère de doute que le renforcement de

l’enseignement supérieur et de la recherche en constituent l’un des volets dans une agglomération qui a une vocation tertiaire et technologique. Il n’y a pas de confusion à admettre que le soutien apporté par une collectivité locale au développement de

l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ou technologique puisse relever des actions de développement économique local telles que les entend l’article L. 5214-16 du CCGT » Cet arrêt a cassé la décision d’appel rendue par la Cour Administrative d’appel de Nantes qui avait, quant à elle, fonder sa décision au regard d’une lecture plus rigoureuse des textes.

L’arrêt du Conseil d’Etat ne constitue pas une décision isolée en matière de qualification juridique des compétences exercées par les communautés. Le juge administratif a été amené a se prononcer sur la qualification juridique de la compétence relative à la création ainsi que la gestion d’aires d’accueil des gens du voyage. Un jugement du tribunal administratif d’Amiens

395

D. CHRISTIANY, « Etude sur les contentieux de création et d’extension des établissements publics de coopération intercommunale », JCP Collectivités Territoriales – Intercommunalité, mars 2006, p. 11

a reconnu que cette compétence relevait des actions de soutien à la réalisation de logements sociaux sur le territoire communautaire en considérant que « les dispositions de l’article L. 5216-5 du CGCT prévoient que les communautés d’agglomération exercent de plein droit, sous réserve d’un intérêt communautaire, au lieu et place des communes membres, les

compétences relatives aux actions en faveur du logement social et du logement des personnes défavorisées ; que la réalisation d’aires d’accueil de gens du voyage, d’une part,

s’accompagne d’actions à caractère social, ainsi que s’exprime la loi du 5 juillet 2000, et vise à compenser le désavantage qu’ont les gens du voyage de ne pouvoir librement stationner sur le domaine public des communes ; qu’ainsi la réalisation de telles aires relève des

compétences de plein droit de la communauté d’agglomération »396.

Ainsi, comme le conclue Damien CHRSITIANY, « l’admission d’une compétence au titre de

ses effets indirects ne choque pas ». Bien évidemment, l’intercommunalité ne pourra être que

plus effective en élargissant, quelque que soit la manière, le champ de ses compétences.

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