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Une trop grande diversité fonctionnelle préjudiciable pour l’exercice des compétences transférées

DES IDEES INNOVANTES POUR UN BILAN MITIGE

A. Une trop grande diversité fonctionnelle préjudiciable pour l’exercice des compétences transférées

Le professeur BUISSON379 établie la trop grande diversité fonctionnelle de

l’intercommunalité qui reste à résoudre pour un exercice optimum des compétences devant être mises en œuvre à ce niveau. Il distingue au moins quatre sortes de communauté

présentant chacune des difficultés quant à l’exercice effectif des compétences. Il s’agit des communautés « coquilles vides », des communautés « de mission », des communautés « magasins » et des communautés « supracommunales ». Il est certain que les trois premières formes de communautés ne soient pas en adéquation avec l’esprit de l’intercommunalité voulu par le législateur.

Nous pouvons rappeler que l’un des traits caractéristiques des groupements à fiscalité propre, outre les différentes sortes de communautés que le professeur BUISSON a distingué, tient aux compétences obligatoires ou optionnelles énumérées par la loi380. La question principale qui se pose alors est celle de savoir si, au-delà des définitions légales, les compétences assignées aux communautés sont réellement exercées. En effet, l’exercice effectif des compétences justifie le pouvoir fiscal étendu et les avantages en termes de donation de l’Etat consentis aux communautés.

Dans le cadre de l’intercommunalité qualifiée de « coquille vide », nous avons vu que la communauté ne bénéficie que de moyens modestes, les compétences étant réduites au minimum légal. Cette forme d’intercommunalité concerne essentiellement les communautés de communes et d’agglomération. Elles sont dans l’obligation de passer des conventions de gestion avec les communes membres afin de pouvoir exercer leurs compétences. Les professeurs DEGOFFE et DREYFUS381 ont observé que la pratique des conventions de gestion faisait l’objet de doutes quant à la légalité de ce mode de gestion. Ils analysent une décision de la Chambres Régionale des Comptes de Champagne – Ardennes382 qui a constaté

379

Jacques BUISSION, L’intercommunalité, Paris, La documentation Française, coll. Regards sur l’actualité, n° 314, mai 2005, p. 15

380

Les groupements à fiscalité propre se distinguent ainsi des syndicats (SIVU ou SIVOM). Pour les syndicats, la loi définit seulement l’organisation et leur fonctionnement, mais ne leur assigne pas d’objet obligatoire. Celui- ci relève des statuts de ces établissements publics. Le plus souvent ces syndicats sont créés pour gérer un ou plusieurs services communs pour le compte des communes.

381

M. DEGOFFE et J.-D. DREYFUS, « Transfert de compétences et conventions dans le droit de l’intercommunalité », AJDA, 2001, p. 807

382

une telle pratique dans le fonctionnement du district de Reims. Lors de la constitution du district en 1964, il n’y a pas eu constitution d’une administration districale. Des délibérations concordantes du district et de la commune de Reims ont été adoptées prévoyant que les compétences transférées au district ont continué à être gérées par les services de la ville. Les auteurs relèvent à cette effet que toutes les dépenses devaient être remboursées par le district, y compris la quote-part des dépenses dites indirectes, notamment les frais d’administration générale et les dépenses mobilières et immobilières. Puis, à la suite d’observation du

représentant de l’Etat et de la Chambre Régionale des Comptes, a été conclue une convention entre la ville de Reims et le district pour la mise en œuvre des services communs. Dans cette perspective, les statuts du district ont été modifiés et disposent que, « sauf dispositions

particulières arrêtées par le conseil du district, les compétences du district sont mise en œuvre par les services de la ville de Reims. Cette disposition fait l’objet de compensations

financières correspondantes ». Nous avons ici un parfait exemple des difficultés de mise en œuvre des compétences par une structure intercommunale, laissant à l’une de ses communes membres le soin d’exercer à sa place des compétences lui étant normalement dévolue.

Le rapport de la Cour des Comptes en date de novembre 2005383, établissant un bilan de l’intercommunalité, relève l’absence de mise en œuvre ou la mise en œuvre partielle de certaines compétences dans ce cadre. Selon la Cour, « dans de nombreux EPCI, les

compétences statutaires prévues ne sont pas encore toutes exercées, qu’elles exigent ou pas une définition de l’intérêt communautaire. Sur l’échantillon examiné, dans plus d’une douzaine de cas (8 communautés de communes et 5 communautés d’agglomération), des compétences statutairement obligatoires n’étaient pas réellement exercées »384.

La diversité fonctionnelle de l’intercommunalité remet en cause les principes de spécialité et d’exclusivité devant la gouverner385. Ce constat est également établi par la Cour des Compte, qui relève que « le développement de l’intercommunalité est confronté à ces deux principes

dont l’application est remise en cause par la pratique et les dernières modifications législatives ».

383

Cour des Comptes, L’intercommunalité en France, 14 novembre 2005

384

Rapport précité page 147

385

Comme nous l’avons déjà vu, le statut d’établissement public des trois formes de communauté, nonobstant le nombre et l’importance de leurs compétences obligatoires ou facultatives, a pour conséquence qu’ils sont régis par le principe de spécialité et son corollaire, l’exclusivité de l’exercice des compétences transférées.

Il semblerait que les différentes lois intervenues dans le cadre de l’intercommunalité soient à l’origine de cette diversité fonctionnelle, remettant en cause les principes de spécialité et d’exclusivité des EPCI.

Le professeur BUSSION a mis en évidence une forme d’intercommunalité qualifiée de communauté « de mission ». Il explique que cette forme de communauté parait avoir été constituée pour élaborer des projets très ciblés et n’a pas vocation à faire de la gestion

s’appuyant de ce fait sur les services communaux. La Cour des Comptes a constaté l’existence de cette forme de communauté par la pratique de certain EPCI. La Cour a réalisé que certaines communautés avaient opéré un partage de compétences créant une « division inopérante ». C’est particulièrement le cas lorsque, « dans un domaine de compétence pour lequel la loi

prévoit le transfert de l’ensemble « construction, entretien et fonctionnement d’équipements » ( par exemple équipements culturels ou sportifs), la communauté et une commune se

partagent ces différentes actions de telle sorte que l’une assure la réalisation tandis que l’autre assure la gestion »386.

Pourtant, la circulaire du 15 septembre 2004 relative aux nouvelles dispositions concernant l’intercommunalité introduites par la loi du 13 août 2004, rappelle à juste titre que « quelle que soit la compétence, l’investissement et le fonctionnement doivent être exercés par la même personne publique car une scission entre les deux ne permettrait pas, dans le cadre de la mise à disposition des biens qui accompagne le transfert de toute compétence, de respecter l’article L. 1321-1 du Code général des collectivités territoriales qui prévoit que le transfert d’une compétence entraîne de plein droit la mise à disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence. En outre, l’article L. 1321-1 du Code général des collectivités territoriales précise que la collectivité bénéficiaire du transfert assume l’ensemble des obligations du propriétaire. Or, les obligations du propriétaire comprennent les dépenses d’investissement et de fonctionnement attachées aux biens transférés. La scission entre le fonctionnement et l’investissement n’est donc pas autorisée ».

En conséquence, pour la Cour des Comptes, une communauté titulaire de la compétence « construction, entretien et fonctionnement d’équipements de l’enseignement préélémentaire et élémentaire »387 ne peut pas procéder à la construction de bâtiments sans en assurer

386

Rapport de la Cour des Comptes précité, p. 160

387

également le fonctionnement des équipements. Elle peut cependant confier, par convention, l’entretien à une commune membre, celle-ci intervenant comme prestataire de services.

L’intercommunalité qualifié de « communauté de mission » trouve un autre exemple dans la compétence voirie. En effet, l’intervention communautaire ne peut pas se limiter aux grosses réparations, les communes conservant l’entretien courant. Il a été rappelé que le transfert d’une compétence à une communauté nécessite obligatoirement la transmission de l’ensemble des éléments patrimoniaux nécessaire à l’exercice effectif de cette compétence.

D’une manière générale, le rapport de la Cour des Comptes met en évidence un bilan mitigé au niveau du transfert et de l’exercice effectif des compétences dans le cadre de

l’intercommunalité. Outre la grande diversité fonctionnelle, plusieurs institutions ont pointées les améliorations pouvant être apportées pour une intercommunalité plus efficace. Par

exemple, le sénateur Philippe DALLIER a présenté « un bilan incertain du point de vue de l’organisation territoriale »388, analysant la progression des EPCI vers le statut de collectivité territoriale de plein exercice. Nous pouvons maintenant présenter l’autre enjeu pour

l’intercommunalité qui est celui de son financement.

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