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La constitutionnalisation du principe de collectivité chef de file

L’INTERDICITION DE LA TUTELLE ET L’INSTAURATION DE LA NOTION DE CHEF DE FILE

B. La constitutionnalisation du principe de collectivité chef de file

La reconnaissance de la collectivité chef de file par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 est intégrée à l’article 72 alinéa 5 de la Constitution. Nous avons vu que ce même article débute par le rappel de l’interdiction de toute tutelle250. Il se termine par l’intégration du principe de collectivité chef de file251 : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune »

La rédaction de cet article vient une nouvelle fois « monter que le pouvoir constituant n’a pas

souhaité revenir à une « théorie pure » des blocs de compétences » selon le professeur

BRISSON252. Il remarque alors que si l’idée de spécialisation des compétences autour de l’affirmation de vocation dominante pour chaque échelon reste un objectif, la Constitution prend acte de ce que la plupart des domaines de l’action locale donneront lieu, même dans le

248

Michel MERCIER, Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l’exercice des compétences locales, Sénat, n° 447, tome I, 28 juin 2000

249

J.-M. PONTIER, « Pour une reconnaissance de la notion de collectivité chef de file », Revue administrative n°328, juillet - août 2002, p. 407

250

Nicolas KADA, « L’acte II de la décentralisation et le principe d’égalité », RDP n° 5, septembre – octobre 2005, p. 668. Comme l’atteste l’auteur : « Certes, l’interdiction d’une hiérarchie entre collectivités, sans cesse proclamée par le droit positif ainsi que par une jurisprudence classique du Conseil Constitutionnel, est réaffirmée avec force par le Constituant »

251

Idem : « Certes, la notion de « collectivité chef de file » n’est pas mentionnée expressément »

252

J.-F. BRISSON, « Les nouvelles clefs constitutionnelles de répartition matérielle des compétences entre l’Etat et les collectivité locales », AJDA, 24 mars 2003, p. 538

cadre de nouveaux transferts, à l’exercice de compétences partagées. Nous retrouvons alors les développements antérieurs sur le principe de subsidiarité qui semble être le nouveau mode de répartition des compétences entre collectivités territoriales.

La lecture attentive de ce nouvel article 72 alinéa 5 de la Constitution appelle cependant quelques commentaires de la doctrine notamment dans la mise en place de ce procédé. En effet, selon Nicolas KADA, « la disposition constitutionnelle ne précise pas si la

collectivité ainsi reconnue chef de file pourra prendre, seule, des décisions (les autres collectivités n’intervenant que pour la mise en œuvre) ou devra seulement assurer un rôle de superviseur, sur le plan pratique, de la mise en œuvre » L’auteur considère qu’aux vues de

l’absence de précision et de la référence explicite « aux modalités de l’action commune », la collectivité chef de file puisse bénéficier d’un pouvoir décisionnaire important.

Il s’impose que la transposition de cette notion nécessite quelques précautions. Il conviendra alors d’éviter un détournement de procédure, qui résulterait de son application dans des domaines qui favoriseraient l’incursion d’une collectivité là où une autre collectivité locale détient une compétence exclusive. Toujours selon KADA, dans le silence du texte

constitutionnel, il est possible d’envisager la coopération ente collectivités de même niveau, dont l’une serait le chef de file. Cela signifie que la collaboration entre régions est de fait concevable, de même qu’une coopération entre communes en dehors de toute convention et de tout établissement public de coopération intercommunale. Plus généralement, comme le constate le professeur FIALAIRE, « une réflexion devrait être menée sur les limites à ne pas

franchir pour que ce procédé reste compatible avec la théorie des compétences des autorités publiques. Il conviendrait ici de reprendre les travaux visant à formuler une nouvelle théorie dite « de l’habilitation », susceptible de dégager des marges nouvelles d’action pour les collectivités locales »253

Face à ces interrogations, quelles peuvent être alors les domaines dans lesquels une collectivité pourrait être nommée chef de file ?

Cette question revient sensiblement à la distinction opérée par le professeur PONTIER quant l’utilisation de la notion de collectivités chef de file dans des domaines de compétences exclusives des collectivités ou bien des domaines partagés entre l’Etat et les collectivités territoriales254.

253

Jacques FIALAIRE, « Les nouvelles règles constitutionnelles d’encadrement des compétences », Cahiers administratifs et politistes du Ponant, Institut Français des Sciences Administratives –Section Ouest, Brest, automne hiver 2002, n° 7, p. 27

254

J.-M. PONTIER, « Pour une reconnaissance de la notion de collectivité chef de file », Revue administrative n°328, juillet - août 2002, p. 403

Concernant le recours à une collectivité chef de file dans des domaines de compétences exclusives des collectivités255, aujourd’hui possible depuis la révision constitutionnelle, nous pouvons nous interroger sur l’utilité de recourir à ce procédé. Comme le concède PONTIER, « s’agissant de compétences qui leur ont été attribuées par la loi, les collectivités locales

peuvent trouver toutes seules les moyens de s’entendre, si elles en éprouvent le besoin »

Plutôt que de recourir à la désignation d’une collectivité chef de file pour diriger une opération relevant des compétences exclusives, les collectivités disposent de deux autres modes de coordination.

La première voie est la voie contractuelle. Il est toujours possible, à plusieurs collectivités qui estiment qu’une coordination de leur action est souhaitable, de s’entendre en passant entre elles un contrat. La seconde voie consisterait pour les collectivités à créer un établissement public pour coopérer. Dans ce cas, il est évident qu’il ne s’agit pas d’un EPCI. Cependant, les collectivités recourent assez peu à cette formule, beaucoup moins souple que le contrat.

Concernant le recours à une collectivité chef de file dans des domaines de compétences partagés entre l’Etat et les collectivités locales, il est possible de rencontrer plusieurs domaines d’intervention. Il existe effectivement plusieurs domaines, énumérés de manière relativement vague par la loi où les compétences sont partagées entre l’Etat et les différentes collectivités locales. L’article L. 1111-2 alinéa 2 du Code général des collectivités

territoriales prévoit que les communes, les départements et les régions « concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire « dans leur dimension économique, sociale, sanitaire, culturelle et scientifique, ainsi qu’au développement durable » »

S’agissant du Conseil régional, l’article L. 4221-1 alinéa 3 du même code prévoit qu’ « il peut engager des actions complémentaires de celles de l’Etat, des autres collectivités territoriales et des établissements publics situés dans la région… »

Nous pensons que c’est dans le cadre des interventions partagées entre l’Etat et les collectivités locales que la notion de collectivité chef de file pourra se développer

255

Nous faisons ici référence à la clause générale de compétence qui est codifiée pour les communes à l’article L. 2121-29 du CGCT, à l’article L. 3211-1 pour les départements et à l’article L. 4221-1 du même code pour les régions

TITRE II

LES TRANSFERTS DE COMPETENCES « HORIZONTAUX » :

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