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Les conséquences de l’absence de définition de l’intérêt communautaire

LA DEFINITION DE L’INTERET COMMUNAUTAIRE

A. Les conséquences de l’absence de définition de l’intérêt communautaire

L’article 164 de la loi du 13 août 2004, modifiant les articles L. 5214-16, L. 5215-20 et L. 5216-5 du Code générale des collectivités territoriales, vient désormais encadrer dans des délais précis l’obligation de définir l’intérêt communautaire pour les trois formes de communautés. En cas de carence, les communautés seront sanctionnées par le transfert intégral et automatique des compétences figurant à leurs statuts. Fixé à un an pour les

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François BENCHENDIKH, « Les avatars de la notion d’intérêt communautaire des communautés d’agglomération », RGCT, n° 24, juillet – août 2002, p.p. 273

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Nicolas PORTIER, « Loi de 13 août 2004 : un bilan en demi-teinte pour l’intercommunalité », AJDA, 2005, p. 140

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L’intérêt communautaire est défini par les conseils municipaux pour les communautés de communes et par les conseils communautaires pour les communautés d’agglomération et urbaines.

compétences déjà inscrites au statut à la date d’entrée en vigueur de la loi, ce délai a été fixé à deux ans pour les compétences déléguées a posteriori. Cet encadrement législatif est, selon PORTIER, contesté par de nombreux acteurs intercommunaux qui estiment que le délai est trop rigide et qui lui auraient préféré d’autres principes. Il estime que « la définition

de l’intérêt communautaire aurait pu être imposée comme la condition préalable à l’exercice effectif des compétences concernées, ce qui aurait notamment permis des rythmes différenciés et progressifs de détermination de l’intérêt communautaire, compétence par compétence, au gré de la maturité de la concertation locale » rejoignant alors l’idée que la détermination de

l’intérêt communautaire est plus effective pendant la vie de la structure intercommunale qu’ à sa date de création.

L’absence de définition de l’intérêt communautaire a eu pour conséquence l’immixtion du juge administratif. Celui-ci est venu confirmer que la notion d’intérêt communautaire a pour effet de circonscrire les compétences des structures intercommunales344. Ainsi, un EPCI ne peut pas se réfugier derrière la notion d’intérêt communautaire pour tenter de justifier sa compétence dans un domaine qui ne lui a pas été transféré. Comme nous l’avons vu précédemment, la juge apprécie alors la notion d’intérêt communautaire conformément au principe de spécialité des établissements publics.

Pour François BENCHENDIKH, le juge administratif exerce un contrôle à double niveau : dans un premier temps, il vérifie si l’opération, qualifiée d’intérêt communautaire, peut être rattachée à une compétence expressément déléguée par les communes membres à l’EPCI. Dans l’affirmative, le juge pourra uniquement procéder au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Pour l’auteur, en procédant ainsi, « le juge confirme bien que l’intérêt

communautaire est une notion juridique et nullement politique » La nature même de cette

notion peut prêter à confusion. En effet, Pierre-Yves MONJAL estime pour sa part, que l’intérêt communautaire est « nécessairement politique » car constaté par les élus, conseillers communautaires qui sont eux-mêmes conseillers municipaux345.

Nous pensons que la notion d’intérêt communautaire procède effectivement d’une double nature, politique et juridique. Elle est de nature politique car il revient aux conseillers

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CAA de Lyon, 17 juin 1999 : « A défaut de texte l’habilitant à connaître de toutes les affaires d’intérêt communautaire, la Communauté urbaine…ne peut exercer d’autres compétences que celles qui lui ont été expressément transférées en vertu de la loi »

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Pour MONJAL, « Regroupés dans une communauté de communes, les élus n’ont pas d’autres choix que de rechercher l’intérêt générale de ladite communauté. Ils sont invités à transcender les intérêts communaux pour appréhender de manière globale le projet communautaire ».

municipaux de la définir (dans le cadre des communautés de communes) et il s’agit évidemment d’un exercice complexe car l’élu local est attaché à sa commune. Il doit donc préserver les intérêts financiers, industriels…Ce que MONJAL explique en déclarant que l’élu local doit composer sur deux tableaux, par le jeu d’un dédoublement fonctionnel visant les intérêts communaux et les intérêts intercommunaux. Mais l’intérêt communautaire est aussi une notion de nature juridique du fait des conséquences qu’elle emporte. Les

communautés ne peuvent avoir recours à une compétence d’intérêt communautaire si elles ne l’ont pas préalablement définie. Cette obligation a été affirmée par le Conseil d’Etat, dans l’arrêt du 26 octobre 2001, Commune de Berchères-Saint-Germain. En l’espèce, le Conseil d’Etat reconnaît la possibilité pour la communauté de commune de l’Orée de Chartres, de définir postérieurement à sa création la notion d’intérêt communautaire. En reconnaissant cette possibilité de définir une compétence d’intérêt communautaire, obligatoire ou optionnelle, après la constitution de la communauté, l’arrêt du Conseil d’Etat admet

implicitement l’impossibilité pour une structure intercommunale d’exercer une compétence qui n’a pas été préalablement définie346.

Aussi, les communautés (de communes, d’agglomération et urbaines) seraient qualifiées d’autorités incompétentes dès lors qu’elles se départissent de la définition d’intérêt communautaire dans un domaine qui l’exige. La sanction serait donc l’annulation de

l’ensemble des actes et délibérations. BENCHENDIKH remarque à cette occasion que cette irrégularité pourrait être certes être soulevée par voie d’action, mais aussi par la voie de l’exception d’illégalité. Les conséquences financières pourraient être particulièrement importantes s’il fallait revenir sur des investissements financiers réalisés à l’occasion d’un équipement sportif ou culturel (une piscine, un zénith…), ou encore de l’aménagement d’une zone d’activité, suite à l’annulation des délibérations du conseil de la communauté. De plus, les nouvelles délibérations ne pourraient en aucun cas légaliser rétroactivement le transfert de compétences mal effectué. En théorie, seul le vote d’une loi de validation par le législateur permettrait de valider à posteriori les carences de la communauté.

Pour conclure sur la nature juridique de la notion d’intérêt communautaire, François BENCHENDIKH fait référence à deux circulaires qui disposent que « la ligne de partage

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Cet arrêt du Conseil d’Etat revient sur un jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 15 novembre 2000. Le juge administratif de première instance avait exigé que les compétences d’intérêt communautaire soient définies dans les statuts pour qu’une communauté de communes puisse prétendre au bénéfice de la DGF

entre les compétences de la communauté et celle de des communes n’est toutefois

juridiquement établie qu’après la définition de l’intérêt communautaire, à l’exception des compétences dont l’obligation de transfert n’est pas liée à cette notion »

Ainsi, la loi du 13 août 2004 impose l’obligation de définir l’intérêt communautaire des EPCI à fiscalité propre pour des raisons de sécurité juridique et budgétaire. Il revient à la circulaire du 15 septembre 2004347 de rappeler l’importance de la définition de cette notion : « Certains EPCI n’ont pas défini l’intérêt communautaire dans un délai raisonnable. Or, l’absence de définition de l’intérêt communautaire ne permettrait pas le transfert effectif de la compétence. Cette situation était préjudiciable en tant qu’elle contribuerait à créer des

structures intercommunales exerçant effectivement peu de compétences, alors même qu’elles bénéficient de dotations majorées au titre de leur qualité d’EPCI à fiscalité propre »

L’obligation de définir l’intérêt communautaire dans un certain délai correspond également au fait que cette notion est une condition sine qua non de l’exercice des compétences obligatoires ainsi que pour certaines compétences facultatives, car jusqu’à la loi du 13 août 2004, aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait de délai pour adopter cette définition.

En conclusion, la circulaire du 15 septembre 2004 précise quel peut être le contenu de l’intérêt communautaire de l’EPCI en déclarant : « L’intérêt communautaire parait plutôt devoir être défini au moyen de critères objectifs permettant de fixer une ligne de partage stable entre les compétences communautaires et celles qui demeurent de nature communale, qu’il s’agisse d’opérations, zones et équipements existants ou futurs »348. Elle rappelle aussi que l’objet même des EPCI à fiscalité propre est l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet de développement et d’aménagement dépassant l’échelle communale.

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