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 3 Repères et approches méthodologiques

Prévention 20 1979-1984 12 min Post-

5.  Une étude en trois temps 

Ce constat de départ, sous forme de rapide contextualisation de la première moitié du XXème siècle, introduit quelques bases de notre travail de recherche. Il permet de mieux appréhender le contexte dans lequel se situent nos investigations. Notre thèse s’organise en trois parties successives, centrées sur chaque dispositif étudié. La première période est relative aux films de prévention des années 1960-1980. Lui succède une étude de trois dispositifs d’éducation pour la santé sous forme de triptyque au début des années 1980. Enfin, l’ultime temps d’analyse est consacré à l’observation du dernier programme de santé publique élaboré dans les années 2000.

La première partie concerne donc les grandes caractéristiques d’un dispositif inédit dans les travaux socio-historiques, constitué de films de prévention produits à partir des années 1960. Un premier chapitre engage une réflexion sur l’utilisation cinématographique en histoire, permettant d’interroger le statut de ces archives peu communes. Trois autres chapitres permettent ensuite de relater, en trois étapes, l’ordonnancement historique observé. Après avoir replacé ces créations télévisuelles dans leur contexte d’émergence, nous nous intéressons à leur processus d’élaboration, en étant attentif aux institutions et acteurs impliqués dans le fonctionnement de l’activité. Les analyses se prolongent par une étude de la réactualisation des thématiques, la reconfiguration des formes du message sanitaire diffusé,

       

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conjuguées aux conceptions évolutives de l’éducation sanitaire et des représentations culturelles et médicales de l’activité physique comme facteur de santé.

La partie centrale de notre thèse, concernant les dispositifs des années 1980, s’appuie sur des éléments caractérisant trois campagnes de promotion des activités physiques. Les données recueillies font émerger l’importance grandissante de la lutte contre la sédentarité dans cette période décisive. Le premier chapitre est l’occasion de présenter les structures institutionnelles dans la constitution de ces dispositifs médiatiques. La structuration du champ de l’éducation pour la santé et sa mise en visibilité à la fois médiatique et politique sont l’objet d’un second chapitre, dans lequel nous pointons du doigt un certain nombre d’enjeux éthiques et sociaux participant à ce processus. Le troisième temps de l’analyse présente les principales stratégies développées lors des campagnes pour favoriser la promotion des pratiques physiques comme facteurs de santé. A nouveau, différentes dimensions empruntées aux dispositifs sont présentées comme moyen de sensibilisation du grand public. Les caractéristiques des destinataires sont d’ailleurs l’objet d’un quatrième chapitre, attentif aux nouvelles cibles des campagnes. Enfin, un dernier temps de réflexion sera l’occasion d’un questionnement plus approfondi sur la problématique de la responsabilisation des populations, notamment à travers la promotion des activités physiques comme modes de prévention santé, tout en observant les stratégies d’investissement développées ainsi que les formes du discours privilégiées par les dispositifs de santé publique.

La dernière partie de cette thèse envisage de questionner, à partir des mêmes indicateurs et sous l’angle des mêmes problématiques, le double programme d’action du

PNNS (2001-2010). Le premier chapitre est l’occasion d’exposer la nouvelle place

institutionnelle accordée à l’éducation pour la santé, à travers l’officialisation d’une structure d’Etat. Puis, nous verrons comment les inquiétudes relatives à la montée mondiale de l’épidémie d’obésité suscitent un discours d’alerte renforcé face aux dangers de la sédentarité. Ce contexte favorise une mise à l’agenda de l’activité physique comme un élément favorable à la santé intégrant la nutrition perçue au sens large incluant apports et dépenses énergétiques. Ce dispositif est ensuite décomposé selon une double analyse présentée dans les deux derniers chapitres : d’une part, l’étude observe les démarches des promoteurs de l’éducation pour la santé inspirés par un certain nombre d’expériences antérieures réactualisées ; d’autre part l’analyse révèle le développement de stratégies inédites, notamment basées sur une mise à jour des référentiels scientifiques en matière de préconisations physiques.

 

 

 

 

 

PARTIE 2 

La mise à l’écran du « manque d’exercice » : l’expérience des « films de 

prévention » télévisés (1963­1988) 

Introduction 

Le premier temps que nous avons choisi d’analyser ici s’inscrit dans la continuité des films cinématographiques développés dans la première partie du XXème siècle. Des années sont passées depuis les projecteurs ambulants qui sillonnaient les campagnes à la rencontre des populations rurales. A la sortie de la seconde guerre mondiale, l’éducation sanitaire se projette, dans un contexte favorable à de nombreuses thématiques de santé, dans une nouvelle dimension grâce à l’utilisation de la télévision. Des possibilités médiatiques inédites s’offrent alors au milieu médical et préventif pour diffuser les savoirs prophylactiques auprès d’un auditoire plus conséquent.

Cette première partie s’intéresse donc à l’analyse d’un ensemble de films de prévention réalisés entre les années 1960 et 1980. Ils permettent de percevoir dès l’origine, les formidables espoirs d’une propagande humaniste à la portée de leurs efforts, mais révèlent aussi des tensions internes et des différences de conceptions scientifiques. Ce corpus conséquent, dépassant le millier de films, aborde un ensemble de sujets variés. Aux thèmes anciens, se substituent progressivement des préoccupations plus modernes, plus immédiates, traduisant les enjeux de l’information sanitaire. Les publics concernés fluctuent également et se diversifient au cours du temps. A ces éléments primaires, se cumulent au fur et à mesure des reconfigurations structurelles, relatives à la forme et au fond des productions. Ces révolutions amènent un travail de réflexivité en profondeur, mené par les responsables de l’Assurance Maladie et de l’éducation sanitaire au cours des années 1960 et 1970. Cette phase de réflexion traduit les questionnements permanents de cette discipline, longtemps en marge du champ de la Santé Publique en France. A travers une étude des stratégies d’informations, des émetteurs et récepteurs des messages, le travail présenté ici cherche à déconstruire les logiques privilégiées dès l’origine par les films de prévention.

Notre attention se portera plus particulièrement sur un ensemble d’une centaine de productions relatives aux thèmes des activités physiques et sportives.

Le graphique reconstitué ici décline la répartition temporelle (par intervalles) des différents films concernant l’activité physique entre 1963 et 1988. Il montre d’ores et déjà un accroissement significatif des productions entre le milieu des années 1970 et le début des années 1980. A partir du visionnage1, une analyse des contenus révèle un certain nombre de conceptions, de savoirs et de représentations autour de la notion de culture, d’éducation ou d’entretien physique. Ces caractéristiques accompagnent les fondements scientifiques relatifs à la période et montrent des évolutions notables dans la manière d’appréhender les finalités de la pratique physique, allant d’une conception plutôt mécanique vers une perception de l’activité comme facteur de santé et élément de mieux être, physique et social. Les conceptions de l’éducation aux modes de vie physiquement actifs prennent une place de plus en plus importante et évoluent en tentant de jouer sur la transformation des représentations populaires.

La présentation de ce premier acte s’articule en quatre temps.

Dans une première approche, un ensemble de réflexions sera mené autour des finalités et de l’épistémologie des films cinématographiques comme objets d’archive. En introduction, il nous semble essentiel de développer quelques remarques préalables autour de la question du        

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Rappelons que seuls les films relatifs aux activités physiques ont été visionnés. 6 5 1 1 1 5 2 4 6 0 5 10 15 20 25 30 1963-1967 1968-1971 1972-1975 1976-1979 1980-1983 1984-1988 Figure 3 : Répartition temporelle des films sur l'activité physique 

film comme matériau de recherche, les différentes formes qu’il peut prendre révélant différents cadres d’analyse.

Il s’agit ensuite de caractériser l’organisation du contexte sanitaire des années 1950- 60, notamment les dynamiques relatives aux pratiques physiques. La rupture qu’apporte cet instrument nouveau reconfigure le champ de la santé publique d’après-guerre et permet aux éducateurs sanitaires de se projeter sur les années 1960 avec de nouvelles ambitions.

Les trois parties suivantes, présentées sous forme périodisée, conduiront l’analyse de la première série initiée dans les années 1960 jusqu’à la disparition de ce format à la fin des années 1980, en insistant sur divers indicateurs permettant de comprendre la structuration du message : public visé, experts sollicités, savoirs mobilisés... Comme point de départ, l’étude de l’avènement de la télévision comme moyen médiatique de diffusion des préceptes hygiéniques apportera des éléments importants à l’analyse.

Nous définissons dans un premier temps, les contours de l’apparition de la première série étudiée (« Je Voudrais Savoir ») jusqu’à la reconfiguration de son institution émettrice, en 1972. Cette première étape nous permet d’observer les grandes lignes de l’éducation sanitaire, fortement influencée par les savoirs d’hygiène sociale d’avant-guerre, proche de l’influent milieu médical. Ainsi, les films s’orientent d’ores et déjà vers un ensemble de conseils à visée sociale ou administrative, et concentrent leur action sur une première série de public identifiés comme vulnérables : mères de famille, nourrisson, handicapés. Il sera ici question de relater aussi clairement que possible le processus de constitution du film, par la description des acteurs engagés.

La création du CFES en 1972 entérine la naissance du mouvement d’éducation pour la santé par la création d’une institution officielle, semi-publique, chargée de poursuivre le travail de production avec l’aide de l’Assurance Maladie. Cette nouvelle mise en visibilité permet l’apparition de formes de diffusions inédites et une actualisation des sujets abordés en priorité, qui seront étudiés dans une seconde partie. Enfin, quelques années plus tard, la réalisation est exclusivement assurée par la CNAMTS2 qui fait le choix de diversifier ses productions, en termes de contenus mais aussi dans la forme des productions. Ce dernier acte montre une diversification des séries et prolonge le processus de didactisation initié dès le début des années 1970.

       

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Chapitre 1 Introduction élémentaire aux films sanitaires 

 

1. Réflexions épistémologiques  

1.1.  Histoire et  Cinéma  :  réflexion  sur  « les  formes  cinématographiques  de 

l’histoire »3 

Avant toute autre chose, il parait heuristique de questionner le statut de l’archive cinématographique comme matériau de recherche. Le thème du cinéma et de sa place dans l’histoire, ou celui du film d’histoire dans le genre cinématographique, ont été l’objet de nombreux essais4. Le mouvement de recherche qui lie l’histoire et le cinéma nait dans les années 1950, notamment autour des travaux de Robert Mandrou5. Les décennies suivantes se sont avérées particulièrement prolifiques sur ce nouvel objet de recherche6. Les réflexions s’orientent dans deux directions, entre lesquelles il est nécessaire de faire une distinction : d’un côté le film (à base) d’archives, et de l’autre le film (étudié) comme archive. Dans ces deux cas, l’historien se trouve confronté à une problématique de l’utilisation des images d’archives face à la scénarisation subjective de leur traitement cinématographique.

En premier lieu, de nombreux travaux s’intéressent donc à la production de films à caractère historique et questionnent la représentation de l’image d’archive dans le cinéma de fiction ou de non fiction (documentaire). Laurent Véray propose, par exemple, une réflexion sur la subjectivité de la réalisation et de l’analyse, puisque selon lui, « le risque majeur est la

perte de sens de toutes ces images polysémiques, car nous n’avons plus toujours les bons référents socioculturels pour comprendre et interpréter correctement ce qu’elles représentent »7. Retenons donc que ces documents doivent être maniés et analysés avec précaution, ne serait-ce que par les difficultés qu’ils posent à l’historien : difficultés de        

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Antoine de Baecque, Les formes cinématographiques de l’histoire, 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 51 | 2007, mis en ligne le 01 mai 2010.

4

Par exemple Jérôme Bimbenet, Film et histoire, Paris, Armand Colin, 2007 ou Antoine de Baecque et Christian Delage (dir.) De l’histoire au cinéma, Paris/Bruxelles, Complexe, 1998. Voir également Pierre Sorlin et François Garçon, L’historien et les archives filmiques, Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, n°2, avril-juin 1981, pp. 344-357

5

Robert Mandrou, Histoire et Cinéma, Annales E.S.C., n° 1, janvier-mars 1950, p. 149. 6

Pascal Dupuy, Histoire et cinéma. Du cinéma à l'histoire, L'Homme et la société, 2001/4 n° 142, p. 91-107. 7

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