3 Repères et approches méthodologiques
Chapitre 1 Introduction élémentaire aux films sanitaires
14. De l’indication à l’incitation : une nouvelle philosophie des pratiques physiques
Le thème des activités physiques connaît une augmentation relative et atteint plus de 11% du total des films au début des années 1970. Rappelons que sont retenus dans cette catégorie les scénarios dont la majeure partie du contenu traite d’une pratique physique ou des méthodes de prévention voire de rééducation par l’effort corporel. La consultation effective du document audiovisuel en lui-même ou du scénario écrit est donc une condition indispensable à la validation du classement thématique. De ce fait, les réalisations abordant partiellement les pratiques physiques ou sportives comme élément de lutte contre une affection étant l’objet principal du film n’ont pas été retenues comme appartenant à cet ensemble. Par exemple, le film « Après l’infarctus », datant de 1973, évoque la rééducation par l’activité physique mais centre son message sur l’accident et la pathologie. Il ne peut donc être retenu que dans le groupe des films traitant des maladies cardio-vasculaires.
217
Marcel Sendrail, op. cit. ; Georges Vigarello, Histoire des pratiques de santé, op. cit. 218
Cette période comprend des films abordant encore l’aspect utilitaire, voire hygiénique (« Ménagez votre dos » - 1973, « La marche chez l’enfant » - 1972) mais aussi de nouvelles problématiques intégrant, désormais plus clairement, la question de la sédentarité ainsi que les prémices d’une plus grande valorisation de la pratique physique (« Le troisième âge et
l’activité physique » - 1972). On peut noter également que les publics visés se diversifient et
que davantage de films sont consacrés aux enfants, aux adolescents, ainsi qu’aux personnes âgées (« L’exercice oui mais lequel ? » - 1972) et aux femmes (« La femme et le sport » - 1972/76 n.d., « La rééducation abdominale » - 1973, qui aborde la question du renforcement abdominal après l’accouchement).
Les scénarios visionnés semblent militer pour une pratique de l’exercice physique dès le plus jeune âge (notamment dans le secteur de l’école), mais le discours reste néanmoins prudent vis à vis du modèle compétitif. D’ailleurs les films n’orientent la pratique physique ni vers la recherche du geste sportif, ni vers la performance. Les grandes caractéristiques à diffuser au sujet de cette activité chez les jeunes visent : « 1. l’influence bénéfique de
l’exercice physique sur le développement physique et psychique de l’enfant – d’où l’utilité de la gymnastique à l’école […] 2. Les enfants doivent être dirigés vers les activités sportives en rapport avec leurs goûts et leurs possibilités. Des contrôles médicaux (visites médicales, centres médicaux sportifs) permettant de juger de l’aptitude physique à l’exercice envisagé. 3. Sur le plan moral, le sport est un apprentissage de la solidarité, de l’esprit d’équipe […] »219. La majorité des films valorise l’incitation à une pratique physique régulière, qui s’impose désormais comme nécessaire face à la menace montante de la sédentarité, provoquée par la modernisation des modes de vie. Par exemple, le film « Aptitudes aux activités physiques et
sportives chez l’enfant et l’adolescent » (1973) débute par une séquence montrant un fils et
son père regardant un match à la télévision, accompagné du commentaire suivant : « En
France, le sport passionne tout le monde… Mais trop souvent on le pratique dans un fauteuil… par sportif interposé si l’on peut dire… Pourtant notre idéal n’était-il pas d’avoir « une tête bien faite dans un corps bien fait »… »220. A travers ce constat critique, voire stigmatisant, il y a clairement ici une remise en question du comportement individuel et paternel. La santé de l’enfant incombe aussi à la responsabilité du père qui doit montrer l’exemple. Par ailleurs, à une période où l’éducation physique scolaire s’est nettement
219
Compte-rendu de réunion de travail de la commission (septembre 1973) [A.N. 19850587 Art 5] 220
« sportivisée »221, les discours des experts du CFES réactivent des arguments médicaux très prudents vis à vis des effets du sport et de l’effort intense.
Toutes les précautions prises, quant à une manière de pratiquer sans excès et après contrôle du médecin, se traduisent dans le type d’activités physiques prodiguées. Les choix s’orientent prioritairement et quasi-exclusivement vers des activités physiques dites « de base » dont certaines études, notamment dans le domaine de la cardiologie, montrent qu’elles apportent un développement cardiaque et musculaire correct222. Les pratiques privilégiées, telles que la marche ou la natation, sont présentées comme favorables à l’entretien global du corps en permettant de le conserver en bonne santé, tout en limitant les risques de blessures ou d’accidents. Ces activités sont donc valorisées à partir de leur potentiel curatif et préventif. Le cyclisme mais aussi l’aviron ou le ski de fond sont particulièrement encouragés par la Fédération Française de Cardiologie, en raison du développement coronarien harmonieux qu’elles devraient permettent.
221
Jean-Paul Clément, Jacques Defrance, et Christian Pociello, Sport et pouvoirs au XXè Siècle, Grenoble,
Presses Universitaires de Grenoble, 1994. 222
Jean-Paul Broustet, La réadaptation des Coronariens, Sandoz, 1973.
TITRE ANNEE
Aptitudes aux APS chez l’enfant et l’adolescent 1973
Exercice physique adapté 1972
L’exercice oui mais lequel ? 1972
La femme et le sport 1972-76
La marche 1973
La marche chez l’enfant 1972
La rééducation abdominale 1973
Le troisième âge et l’activité physique 1972
Les jeunes et le sport 1973
Ménagez votre dos 1973
Le tableau élaboré par Jean-Paul Broustet, publié en 1973, illustre parfaitement cette perspective classificatoire sur la valeur sanitaire des pratiques physiques. Il établit a priori un rapport entre la valeur d’une pratique et ses dangers potentiels223.
Figure 13 : Document tiré du "guide du cœur et de l’effort physique" édité par la Fédération Française de Cardiologie (1986)
223
Conçu à l’origine comme un guide à l’usage de la rééducation des accidentés cardiaques224, ce support demeure l’un des seuls outils pratiques diffusés au cours des années 1970. Il postule sur l’effet sanitaire positif ou négatif des pratiques physiques en se basant sur le type d’effort qu’elles imposent. Il marque aussi la présence du champ de la cardiologie autour de cette question des bienfaits sanitaires des pratiques physiques. Cet outil reste néanmoins flou sur les modalités de pratiques et ne donne pas d’indication sur les mesures permettant d’aboutir aux appréciations présentées.