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De nouvelles préoccupations : comportements alimentaires, accidents domestiques et transmission de connaissances scientifiques 

 3 Repères et approches méthodologiques

Chapitre 1  Introduction élémentaire aux films sanitaires

13.  De nouvelles préoccupations : comportements alimentaires, accidents domestiques et transmission de connaissances scientifiques 

La nouvelle politique préventive d’ouverture conceptuelle impulsée par le CFES révèle également le souci de développer un rapport différent à la science à travers la volonté de vulgariser les savoirs, de dédramatiser le rapport à l’autorité et aux connaissances médicales207. Les contenus des films évoluent vers de nouvelles préoccupations et font rapidement émerger la notion de responsabilité des spectateurs devant être plus impliqués dans leur propre santé. Cette logique est aussi la conséquence du contexte socio-politique complexe au début des années 1970, amenant l’Etat à rationaliser ses formes de politiques publiques, dans le souci de limiter les dépenses nationales d’un budget déjà érodé. Cette problématique visant à remettre l’usager au centre du discours se manifeste par l’augmentation des sujets relatifs aux pratiques alimentaires ou aux accidents domestiques impliquant les comportements de chacun au quotidien, alertant sur les risques afférents, les conséquences pour leurs proches et à l’échelle de la communauté toute entière.

       

207

1963-1971 1972-1976

Thèmes (%) (%)

Informations sanitaires sociales 15,7 14

Accidents domestiques 6,1 13

Connaissances théoriques scientifiques/médicales - 11

Activité Physiques 4,8 11

Maladies cardio-vasculaires 3,9 7

Comportement et pratiques alimentaires 2,6 5

Tableau 8 : Evolution du volume de productions des principaux thèmes (en %) 

Ce tableau récapitulatif présente les thématiques les plus souvent abordées dans les films « Je Voudrais Savoir » des premières années et qui s’imposent comme des sujets prioritaires : les informations scientifiques vulgarisées 208 , la catégorie des pratiques physiques, ou encore celle des maladies cardio-vasculaires. Le total des cinq thèmes les plus représentés englobe plus de la moitié des films de la période (56%). Ils confirment la plus grande prise en compte des actes individuels et la connaissance des conséquences qu’ils impliquent d’un point de vue personnel, familial ou collectif. Ils symbolisent des stratégies éducatives qui évoluent à travers une plus grande responsabilisation des téléspectateurs sur la base d’apports de connaissances pouvant les aider à affronter d’éventuels risques sanitaires. L’exemple des films relatifs aux « accidents domestiques » est à ce titre particulièrement révélateur. Cette catégorie représente 13% du corpus de la période 1972-1976. Peu évoquée auparavant, elle traite pour l’essentiel de la protection à l’égard des enfants (« Attention aux

enfants » - 1972, « La sécurité de vos enfants » - 1973). Les contenus s’attardent ensuite sur

les bonnes conduites à tenir en cas d’incendie (« Les brûlures » - 1973, « Attention ça brûle » - 1976) ou face aux dangers de la nature (« Attention aux champignons » - 1972, « Les

morsures de serpent » - 1974). Les mises en garde sont multiples et s’adressent en priorité

aux parents, détenteurs de l’autorité et responsables de la protection et de la sécurité de leurs enfants.

       

208

Ce thème regroupe des films relatant des connaissances scientifiques, orientées vers la compréhension du corps humain, ou des grandes fonctions vitales et physiologiques. Par exemple : « J’ai mal au foie » (1972), « La

Ces premiers films, mettant en évidence des conseils pragmatiques, sont complétés par une somme d’informations que nous catégorisons a posteriori comme des savoirs scientifiques vulgarisés, basés sur des connaissances anatomiques ou physiologiques (11%). Les données sont censées élargir les champs de connaissances des adultes, pour prévenir d’éventuels troubles physiques déplaisants (« Le tour de rein » - 1976), ou pour mieux comprendre le fonctionnement du corps (« Qu’est ce que l’arthrose » - 1973, « Nos yeux » - 1973). Ces savoirs participent à la formation d’une culture sanitaire et pratique, une forme d’« alphabétisation »209, qui conduit indirectement à la conservation de la santé ou à la prévention de dangers élémentaires : le « B.A. BA » au sens de Philippe Lecorps210. Ils participent également à forger chez les individus un réflexe santé qui passe d’abord par la connaissance des grandes fonctions vitales (« Troubles de l’audition chez l’adulte » - 1973). La formation de cet « habitus » corporel – ou « habitus santé »211 – doit donc se construire sur le long terme, par le développement d’un ensemble de connaissances, conjugué à l’idée d’un comportement responsable pour sa santé. Ainsi, l’augmentation de la place des pratiques physiques dans les films (de 5% à 11%) montre l’importance sanitaire pour le CFES de l’entretien corporel et valorise la participation volontaire des populations en faveur de ce facteur positif.

D’autres thèmes illustrent nos arguments. Simultanément à cette impulsion générale en faveur d’une réflexion sur les actes individuels, l’augmentation des films sur les comportements alimentaires révèle le fait que la prise de conscience des populations doit se faire sur les paramètres qu’elles sont censées pouvoir maitriser. Cela suppose qu’elles doivent désormais comprendre que leur maintien en bonne santé dépend de comportements avisés. L’alimentation est un symbole révélateur de cette problématique, dans le prolongement de l’adage philosophique « je suis ce que je mange »212. Le comportement alimentaire des enfants, par exemple, est considéré comme étant de la responsabilité morale des parents et nécessite des informations utiles. C’est ainsi que nous voyons émerger au début des années 1970 des sujets comme « Poids et santé » (1972) ou « L’alimentation du jeune enfant »

       

209

Anne-Marie Saugeron, Alphabétisation et éducation pour la santé, La santé de l’homme, n° 357, janv.-fév. 2002, p. 40.

210

Un pôle, une charte pour l’action, communication de Philippe Lecorps, 18 juin 2009. [URL : http://eps- polebretagne.fr/IMG/pdf/Texte_intervention_PLecorps.pdf]

211

Sur l’origine de ce terme, voir Robert Mérand, et Raymond Dhellemmes, Education à la santé. Endurance

aérobie, contribution de l’éducation pour la santé, Paris, INRP, 1988.

212

Claude Fischler (dir.), Manger magique. Aliments, sorciers, croyances comestibles, Autrement, Coll. « Mutations/Mangeurs », n°149, Paris, 1994.

(1976) qui se présentent comme des signaux d’alerte informant sur les conséquences potentielles d’une alimentation mal équilibrée ou de la suralimentation.

Enfin, certaines thématiques présentes dans la première période de diffusion des films de prévention poursuivent leur action d’information à l’égard des usagers mais connaissent un infléchissement parfois important. Le tableau ci-dessous nous permet de visualiser les écarts les plus significatifs constatés dans les catégories dominantes des années 1960-70.

1963-1971 1972-1975 évolution Thèmes

(en %) (en %) (en %)

Accidents travail/Maladies Professionnelles 5,2 1 -81%

Epidémies/Vaccinations 6,1 3 -51%

Scolarisation 3,5 2 -43%

Handicap/Rééducation 10 6 -40%

Informations sanitaires sociales 15,7 14 -11%

Tableau 9 : Principales régressions du volume des films par thèmes sanitaires 

   

L’information à propos des dangers professionnels ou des maladies professionnelles connait une baisse de plus de trois-quarts du nombre des films traitant de ce sujet. Nous pouvons supposer que les grands principes ont été jugés comme étant acquis grâce aux campagnes d’affichage successives des années 1950-60 et que seules certaines spécificités nécessitent encore une information médiatique. D’autre part, comme le note J. Boisselier, les conditions de travail des ouvriers s’améliorent et profitent de la mise en place du système d’assurance sociale (Sécurité Sociale)213. La création de la CNAMTS en 1967214, chargée des risques professionnels (branche AT/MP215), accélère encore la prévention spécifique dans ce domaine et permet d’engager une législation plus favorable aux salariés216.

Les films relatifs aux grandes épidémies, mais aussi aux vaccinations (-51%) connaissent également une diminution importante à partir des années 1970. La mortalité due à ces maladies n’est plus aussi significative qu’auparavant, ce qui explique probablement ce        

213

Jackie Boisselier, Naissance et évolution de l'idée de prévention des risques professionnels : Petite histoire de

la réglementation en hygiène, en sécurité et en conditions de travail, Paris, INRS, 2004.

214

Ordonnance n°67/706 du 21 août 1967. 215

Accidents du Travail/ Maladies Professionnelles. 216

Arrêté du 13 octobre 1971 Mesures de prévention contre les accidents du travail et les maladies professionnelles ; Loi n°72-965 du 25 octobre 1972 relative à l'assurance des travailleurs de l'agriculture contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

choix du CFES217. L’effort sanitaire doit dorénavant se centrer sur d’autres priorités. La tuberculose devient progressivement une maladie « banale »218, comme en témoigne le film

« La tuberculose aujourd’hui » (1974) qui montre une nécessaire réactualisation de la

situation sanitaire autour de cette pathologie. Par ailleurs, la lutte contre cette maladie est relayée par des associations prophylactiques n’ayant jamais cessé leur action préventive comme le Comité National de Défense contre la Tuberculose, créé dès 1916.

Enfin, d’autres sujets disparaissent progressivement, tels que le thème de la scolarisation (-43%), des questions relatives aux formes de handicap (-40%), ou encore la Protection Maternelle et Infantile (-39%). Ces catégories ne sont quasiment plus abordées à partir de 1973, ce qui révèle une réelle réorientation dans les choix du CFES et de la CNAMTS. Cependant, les informations sanitaires et sociales perdurent à travers un renouvellement des thèmes, à propos de l’émergence de nouvelles questions comme les rapports sociaux (« Les nouvelles formes de relations familiales » - 1973), ou davantage orientées vers des renseignements institutionnels et administratifs (« Le coût de la santé » - 1973).

14.  De  l’indication  à  l’incitation :  une  nouvelle  philosophie  des 

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