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 3 Repères et approches méthodologiques

Chapitre 1  Introduction élémentaire aux films sanitaires

4.  La sous­commission de réalisation des émissions télévisées : mutualiser les compétences pour cibler les choix prioritaires 

4.2.  Les membres engagés 

Le groupe réunissant les deux acteurs précédemment exposés, formé dès le 28 décembre 1962 pour relancer la production des films sanitaires, porte un nom « évocateur » : il s’agit de la « Commission chargée de suivre la préparation des émissions télévisées Je

voudrais savoir »90. Elle compte un ensemble fluctuant de membres, composés d’agents de la CNSS, du CNESS, des mandataires des ministères concernés (Ministère du travail, Ministère de la Santé Publique et de la Population) ainsi que des représentants des sociétés de réalisation des films. Ces derniers sont invités à participer aux réunions de délibérations afin de justifier leurs choix techniques et de tenir compte des orientations souhaitées et des remarques formulées. La plupart des réunions de travail sont hebdomadaires et mobilisent environ une dizaine de personnes. Parmi les membres siégeant dans cette commission, deux d’entre eux ont un rôle pédagogique incontournable dans la réalisation des productions « Je

voudrais savoir » et nécessitent de plus amples précisions. Il s’agit du médecin conseil et du réalisateur.

Le médecin conseil est salarié du CNESS et occupe un rôle de coordination dans le cadre de l’émission. Il est responsable de nombreuses tâches qui font de lui un élément nécessaire au bon fonctionnement de cette entreprise, dont il est en quelque sorte le mortier. Cependant, à la lecture des procès-verbaux, il apparait que cette lourde charge de travail, concentrée sur un seul individu, s’avère être un frein à la bonne production des séries. Le médecin conseil est l’intermédiaire entre la commission qui avalise les choix et les réalisateurs qui produisent le film. Il est également l’intermédiaire entre le réalisateur et le ou les conseillers techniques sollicités pour produire un contenu cohérent. Il est donc l’interface entre le décisionnel et la réalisation. Les nombreuses compétences qu’il doit acquérir se cumulent aux qualités relationnelles et professionnelles qu’il doit mettre en œuvre pour concilier les attentes, les ambitions, les personnalités et mener les projets à bien. Des connaissances sont également nécessaires sur de nombreux sujets sanitaires pour orienter le        

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Dans le but d’alléger la lecture du manuscrit, nous la nommerons ici « commission » ou « commission de travail ».

réalisateur et faire en sorte que le film atteigne les objectifs fixés. Enfin, il est également responsable du courrier des téléspectateurs qui profitent quotidiennement de ce biais pour adresser leurs avis à l’égard de la série ou pour demander de plus amples précisions sur les sujets abordés.

Les réalisateurs, quant à eux recrutés dans les agences de productions, ont également un rôle important : ils sont le trait d’union entre les responsables de l’éducation sanitaire et sociale et la production télévisée grand public. Il convient donc de travailler avec eux sur le long terme, car cet exercice particulier nécessite une forme de routinisation dans le fonctionnement adopté et quelques adaptations peu communes dans le milieu cinématographique. Pour la première année (1963-1964), la commission de travail décide de relancer le réalisateur qui avait déjà œuvré pour les films « mieux vaut prévenir » de 1959- 196091. A partir de 1964, une deuxième société de production est sollicitée par la commission, afin d’apporter son concours à la réalisation de certains films et diversifier par là même le style des contenus92. Le réalisateur travaille suivant un cadre assez strict, défini par la commission et n’a donc qu’une marge de manœuvre réduite quant aux possibilités de création artistique. Grâce aux schémas élaborés et validés par la commission, il lui revient la tâche de préparer un scénario d’une dizaine de minutes93 avec l’aide d’un conseiller technique et presque constamment sous la responsabilité du médecin conseil du CNESS. En effet, il est convenu que des intervenants spécialistes (conseillers techniques) apportent au réalisateur les connaissances nécessaires d’un point de vue médical et social. De son côté, le réalisateur amène les ressources méthodologiques, purement « cinématographiques » ou scénaristiques qui font défaut aux membres de la commission sanitaire. Un rapport de 1965 explique à ce titre qu’il « parait nécessaire de faire remarquer que cette commission constituée de

personnalités compétentes et responsables au sein des ministères ou organismes intéressés […] ne comporte pas de personnes compétentes en techniques télévision ni même d’éléments représentants des téléspectateurs (il est à remarquer en effet que presque aucun des membres de cette commission ne possède de téléviseur). Très souvent, ce manque de « technicité télégénique » - assez vivement ressenti d’ailleurs par producteurs et réalisateurs – s’avère regrettable »94.

       

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« ARMOR FILMS », société de production cinématographique créée en 1948. 92

« DOVIDIS », société de production cinématographique créée en 1950. 93

L’intervalle de temps est fixé par l’ORTF à 10 minutes [A.N. 19850587 Art 1] 94

Rapport de 1964 sur la réalisation des émissions télévisées « je voudrais savoir », pp. 2-3. [A.N. 19780555 Art 10]

Il y a donc, durant les premières années de fonctionnement du système de réalisation, une triple répartition des rôles, relativement scindée : le financement par la Sécurité Sociale, l’élaboration technique des documents par la commission et la réalisation purement télévisuelle par la ou les sociétés de productions. Chacun apporte sa pierre à l’édifice et le procédé mis en place ne semble pouvoir fonctionner que par la mutualisation des compétences de chaque type d’expert. Si cette distribution permet un travail de qualité, elle entraîne en contrepartie une élaboration laborieuse et des retards réguliers dans la production, nécessitant de faire des compromis sur les contenus définitifs ou sur la qualité des bandes produites.

Indépendamment de la commission en elle-même, le rôle du conseiller technique, sollicité selon ses compétences, par thèmes, est central à la fois dans les contenus diffusés mais aussi dans la « physionomie » générale du film. En effet, le fonctionnement de la série « Je voudrais savoir » inclut la participation active d’un spécialiste référent – le conseiller technique – sur chaque tournage, parfois même face à la caméra, lui-même en action pour transmettre les informations primordiales. Ces conseillers sont des professionnels du domaine évoqué, recrutés ponctuellement dans les grandes structures de soins, essentiellement dans la Capitale. Il s’agit, la plupart du temps, de spécialistes médicaux ou paramédicaux faisant autorité, permettant alors de donner plus de poids à l’argumentaire et plus de prestige ou de légitimité à la réalisation. Ces différents experts doivent pouvoir être disponibles et attentifs pendant le tournage, ce qui n’est pas toujours évident en raison de leurs obligations institutionnelles. De fait, « le choix s’avère problématique, et nécessite parfois de privilégier

un confrère moins éminent mais plus libre. Au-delà de ces questions logistiques, il faut également que le conseiller ait la fibre pédagogique, « le sens du contact avec le grand public

»95. Il doit « savoir employer un langage accessible, avoir un visage qui retient l’attention »96 afin de pouvoir transmettre les informations de manière efficiente. Notons par exemple que pour les rares films sur les pratiques physiques, les conseillers techniques sont parfois issus du Ministère de la Jeunesse et des Sports97. Les productions d’éducation sanitaire apparaissent potentiellement comme un biais pratique et rapide pour diffuser un idéal corporel basé sur l’engagement dans les pratiques de loisirs dès le plus jeune âge.

        95 Ibid., p. 5. 96 Ibid. 97

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