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Les Premières productions « Je Voudrais Savoir » : une éducation sanitaire à tendance hygiénique et à vocation sociale

 3 Repères et approches méthodologiques

Chapitre 1  Introduction élémentaire aux films sanitaires

5.  Les Premières productions « Je Voudrais Savoir » : une éducation sanitaire à tendance hygiénique et à vocation sociale

Les principales thématiques des années soixante ne s’orientent pas principalement, comme nous l’avons vu, vers une incitation à la pratique de l’exercice physique comme facteur de santé. En revanche, d’autres priorités sanitaires sont très abondantes dans les films recensés. L’ensemble de ces thèmes laisse entrevoir une éducation sanitaire orientée prioritairement vers des questions d’ordre social et hygiénique. Ils corroborent les grandes orientations relevées dans la littérature de l’éducation sanitaire et hygiénique des années

       

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1950104. Voici un tableau récapitulatif des principaux objets d’information dans les années 1960.

Thèmes (1963-71) %

Informations sanitaires sociales 15,72

Handicap/Rééducation 10,04

PMI 6,55 Epidémies 6,11

Accidents domestiques 6,11

Vaccination/Dépistage 5,68

Accidents travail/Maladies Professionnelles 5,24

Activité Physiques 4,80

Tableau 3 : Classement décroissant des principaux thèmes sanitaires (1963‐1971) 

De nombreux films abordent des sujets qui convergent vers la sensibilisation aux nouvelles structures et droits sociaux mis à la disposition des usagers par la création de la Sécurité Sociale, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Cette logique revient alors à privilégier l’information et les renseignements administratifs dont chacun peut désormais disposer. Il s’agit d’éduquer au sens d’apporter des connaissances formelles sur l’assistance publique proposée. Dans un premier temps, on ne constate pas véritablement de mobilisation visant la responsabilisation des individus, ni de la prévention. On observe à l’inverse une insistance dans les contenus qui s’orientent vers l’apport de connaissances montrant que les pouvoirs publics agissent dans l’intérêt de tous. Cette catégorie, que nous avons qualifiée d’« informations sanitaires et sociales » et qui rassemble 36 films, représente 16% du total des productions de la période 1963-1971, ce qui en fait la plus volumineuse en termes de productions. Les différentes structures engagées dans cette campagne s’accordent quant au caractère social des premières émissions. Ainsi, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale la présente comme une « émission hebdomadaire de dix minutes consacrée à l’éducation

sanitaire et à l’information sociale »105, tandis que le CNESS évoque tout simplement des

« informations sanitaires et sociales » 106 . Ces terminologies traduisent ce versant informationnel qui cherche à éclairer plus qu’à engager ou provoquer une mise en action.

Le tableau suivant décline la répartition des films regroupés dans les thématiques de cette catégorie « informations sanitaires et sociales », et leur année de production.

       

104

Lucien Viborel (dir.), L’éducation sanitaire, op. cit. 105

Rapport d’activité CNSS 1963, p. 136. 106

Informations et actualités. Santé publique et population, juillet 1964, p1. Action éducative et radiotélévision [A.N. 19780555 Art 10]

« Examens de santé » Année

Feuille de maladie 1963

Carnet de santé 1964

Bilan du demi-siècle (Examen de santé de la cinquantaine) 1965

Certificat prénuptial 1966 Bilan de santé 1969 Animateurs socio-culturels 1970 Carnet de santé 1971 « Structures » Centres sociaux 1963

Maisons Familiales de vacances 1964

Action Sociale des CAF 1964

Foyers de Jeunes travailleurs 1965

Maisons de jeunes 1965

Sécurité Sociale a 20 ans 1966

Au service de la Batellerie (Caisse Primaire de la Batellerie) 1967

Foyer de jeunes travailleurs 1969

Clubs de prévention 1970

« Services »

Aide à domicile aux personnes âgées 1964

Adoption 1967

Aide ménagère. Sécurité Sociale et Personnes âgées 1967

Assistantes sociales 1967

Conseillères ménagères 1967

« Droits & devoirs »

Don du sang 1963

Pension vieillesse 1963

Un sang nouveau (Les besoins en sang humain pour les malades accidents) 1967

Avoir un toit 1967

Un Juste retour 1967

« Formations »

Travailleuses familiales 1963

Moniteurs de colonies 1963

Vacances - formation des cadres (Moniteurs de colonies de vacances) 1965

Un métier, une vocation (Animateurs de collectivités) 1966

Travailleuses familiales 1967

« Immigration »

Ils viennent chez nous (Les travailleurs migrants) 1965

Ils sont des nôtres (Les nomades) 1966

Bienvenue en France 1967

« Autres »

Pavillons Sécurité Sociale (Foire de paris) 1964

Pour vivre mieux (Stand de l'éducation sanitaire au Salon de l'Enfance) 1966

Tableau 4 : Liste des productions de la catégorie "informations sanitaires et sociales" par sous  catégories (1963‐1971)

Pour une plus grande clarté, nous avons regroupé les films de cette catégorie en sept sous-ensembles, construit par nos soins, incluant la totalité des 36 productions retenues. Le fonctionnement administratif des nouveaux organismes nécessite par exemple des informations relatives aux droits et devoirs des usagers et une certaine transparence dans leur gestion publique (« Action Sociale des CAF » - 1964). Les aides sociales, nouvellement mises en place, font également l’objet de films d’information, notamment à la suite de l’autonomisation de la branche des caisses familiales (« Avoir un toit » - 1967, « Foyers de

Jeunes travailleurs » - 1965). On assiste alors à un véritable foisonnement de renseignements

administratifs individuels ou collectifs, une sensibilisation vaste et pour le moins impersonnelle. En outre, différents regroupements peuvent être faits, autour de thèmes comme les formations (« Animateurs socio-culturels » - 1970), les services dont peuvent disposer certains publics « vulnérables » ou moins autonomes (« Aide à domicile aux personnes

âgées » - 1964), ou les dispositifs sociaux à destination des publics migrants (« Ils viennent chez nous (les travailleurs migrants) » - 1965). La multiplication des films voire même leur

redondance (ex : « Le carnet de santé » – 1964 et 1971, « Les travailleuses familiales » – 1963 et 1967, « Le don du sang » – 1963 et 1967), montrent clairement la volonté de propager le plus largement possible ces informations sanitaires auprès de la population.

Cette profusion de connaissances administratives peut s’expliquer de deux façons. Premièrement, cet effort d’information populaire cherche à développer le principe de couverture sociale, dont tous les français ne profitent pas encore107. Ensuite, l’Etat providence se doit à cet effet d’un objectif de protection sociale, assuré notamment par le développement de politiques sanitaires et sociales, orientées en faveur de l’aide individuelle et du bien être de tous. Cette configuration sociale spécifique implique un soutien permanent de l’Etat envers ses populations, à travers le développement d’une sécurité à la fois sociale et sanitaire, devant assurer leur protection dans tous les domaines de la vie. Ce statut implique donc une intervention politique importante, orientée vers le « maintien de la cohésion sociale » et engageant chaque individu dans un contrat social et moral destiné à assurer le maintien des formes de solidarités108. Les films « Je Voudrais Savoir » traduisent ici une première forme d’investissement politique en faveur de ce processus, généralisant du fait cette nécessité de sensibilisation médiatique.

       

107

Pierre Rosanvallon, L’Etat en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 1990, p. 187. Voir particulièrement le chapitre IV, Partie III : De la Sécurité Sociale à l’Etat-providence (pp. 184-195).

108

Il est aussi intéressant de constater que près d’un tiers des films sont réalisés en 1967, année de reconfiguration des branches de l’Assurance Maladie109, ce qui réaffirme d’une certaine manière le principe de protection sociale dont l’Etat est garant. Cela montre une deuxième impulsion dans cet exercice de renseignements sociaux et administratifs et la volonté de démocratiser un certain nombre de biens comme la santé ou le droit au logement, ce qui relève des nouvelles attributions et des nouveaux services de la Sécurité Sociale.

Le plébiscite des téléspectateurs

Selon l’étude de la correspondance, cette information à caractère social semble traduire les attentes des populations. A travers les courriers reçus, le Centre National d’Education Sanitaire et Sociale et la Caisse Nationale de Sécurité Sociale prennent la mesure des interrogations du public. Ainsi, sur les premiers mois de fonctionnement de l’émission (juillet-décembre 1963), près de 45% du courrier adressé aux responsables de l’émission vise les sujets à vocation sociale évoqués plus haut110. Sur 776 lettres reçues au 31 décembre 1963, 319 d’entres elles traitent des pensions accordées par la Sécurité Sociale (correspondant au film « Pension vieillesse »), 17 d’interrogations autour de la constitution du dossier maladie (« Feuille de maladie »), 11 à propos des centres sociaux et 8 des travailleuses familiales. Cette répartition confirme que les préoccupations sociales évoquées ci-dessus sont les sujets qui mobilisent le plus les téléspectateurs de l’émission « Je voudrais savoir ».

Il en est de même les années suivantes. Par exemple en 1965111, et malgré une nette diversification des thèmes, les informations sociales représentent encore le motif d’un quart des courriers. Pour 3048 correspondances, 740 sont réparties entre les formations de cadres (389 lettres), les foyers de jeunes travailleurs (162 lettres), les examens de santé de la cinquantaine (100 lettres), la question des travailleurs migrants (48 lettres), ou celle des maisons de jeunes (41 lettres). En outre, une partie des courriers reçus chaque année ne correspond pas aux émissions télévisées, ni même aux structures concernées. Ainsi, en 1964, un nombre important de messages sont rédigés à propos « des questions de législation du

travail ou de Sécurité Sociale […] pour des questions d’orientation scolaire ou de carrières

       

109

Ordonnance du 21 août 1967 relative à l'organisation administrative et financière de la Sécurité Sociale. 110

Rapport d’activité CNSS 1963, pp. 136-137. 111

[…] »112. La situation oblige alors la CNSS à « diriger les demandes de renseignements vers

l’administration ou l’organisme susceptible de les satisfaire »113. Cet état de fait est révélateur d’une demande supplémentaire d’information de la part des téléspectateurs. Celle- ci est liée parfois à l’ambiguïté du titre des émissions, mais également à un manque d’accompagnement de ces films. Ces courriers laissent entendre des carences d’information dans ces sujets de la vie de tous les jours, amenant ainsi les usagers à se tourner vers les responsables de l’éducation télévisée pour en compléter les contenus. Cet exemple témoigne en fait des limites du support filmé utilisé pour communiquer efficacement vers le grand public.

En somme, ces premiers films engagent d’abord une campagne d’information sur le fonctionnement de la Sécurité Sociale, de manière relativement superficielle et simplement descriptive. Il ne s’agit pas dans un premier temps de forger une conscience sanitaire impliquant les individus mais simplement de les aviser que l’Etat joue son rôle paternaliste, de solidarité. Bref, il convient d’en faire des « usagers » avertis des droits sociaux auxquels ils peuvent prétendre dans cette période.

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