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 3 Repères et approches méthodologiques

Prévention 20 1979-1984 12 min Post-

3.4.  La preuve par l’oral ? Les entretiens complémentaires 

Le choix de compléter cette étude par des entretiens relève d’une volonté de clarifier et de mieux comprendre le fonctionnement institutionnel de l’éducation pour la santé que nous        

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Luc Berlivet, De l'éducation sanitaire à la promotion de la santé. La santé publique face aux accusations de

moralisme, dans Alain Garrigou (dir.), La santé dans tous ses états, Paris, Atlantica, 2000, pp. 243-270.

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ne maitrisions pas avant le début de ce travail. Nous avons donc opté, en complément de lectures propres à ce champ, pour des entretiens de type semi-directifs, avec toutes les normes de méthodologies qu’ils impliquent, en vue de reconstituer les processus de construction des campagnes et actions en faveur de l’exercice physique. Deux groupes ont ainsi été constitués. Le premier concerne d’anciens responsables du CFES, tandis que le second regroupe des acteurs variés, appartenant au milieu de l’éducation sanitaire ou au milieu médical en relation avec la promotion sportive. Ces entretiens ont été préparés par la construction d’un guide d’entretien, catégorisé en fonction des orientations de notre problématique et destiné à rendre l’analyse plus facile et en concordance avec les thèmes dégagés dans les films ainsi que les documents écrits collectés. C’est cette « trame informelle » que nous présentons ici.

Trame d’entretien

La construction d’une grille ne doit pas être un carcan ou un frein à l’entretien et les thèmes abordés doivent être utilisés comme des jalons ou des repères et non comme des passages chronologiques dans un ordre préétablit. A l’instar des méthodes sociologiques, nous pouvons considérer cette grille comme un mémento évolutif124. Néanmoins, certaines particularités propres à notre domaine scientifique nécessitent quelques précautions préalables. L’entretien doit être correctement préparé et nécessite une base documentaire solide et une connaissance préalable des événements, en somme, une forme d’outillage mental125. Cela permet de recadrer le discours ou de vérifier la véracité des faits énoncés au regard des archives collectées 126 . Il s’agira ensuite de s’intéresser aux dimensions

synchronique et diachronique, donc replacer l’événement dans son contexte et objectiver au mieux le discours de chacun, même si « la subjectivité des sources orales ne doit pas être

perçu comme un caractère oblitérant mais comme une information sur le narrateur et sa vision des choses »127. Face à la rhétorique politique de la plupart de nos enquêtés, il convenait donc de préparer au mieux ces rencontres pour « contourner » leur propos officiel (leurs anciennes responsabilités obligent parfois à une certaine confidentialité) et éviter ainsi de recueillir un discours uniforme, un discours d’institution. En effet, le charisme et le        

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Jean-Claude Combessie, La méthode en sociologie, Paris, La découverte, Coll. « Repères », 2003. 125

Cette notion « d’outillage mental » empruntée à Lucien Febvre, qui suggère – selon Roger Chartier – « l’existence quasi objectivée d’une panoplie d’instruments intellectuels (mots, symboles, concepts, etc.) à la

disposition de la pensée ». Cf. Roger Chartier, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude,

Paris, Albin Michel, 1998, p. 36. 126

Joël Guibert, et Guy Jumel, op. cit., pp. 23-24. 127

verbiage dont ils ont fait preuve, ainsi que l’éloignement des faits pour certains d’entre eux peuvent avoir une incidence sur le discours, mettant en jeu une première forme de subjectivité, volontairement ou malgré eux. Certains passages d’entretien s’apparent ainsi à des « discours d’institution », laissant entendre une uniformité et une légitimité des actions entreprises, sans conflits et sans zones d’ombres. Or il n’en est rien. Les faits évoqués entrent parfois en contradiction avec d’autres sources (textuelles, orales). L’art de la communication dont certains enquêtés font preuve les amènent parfois retourner les questions pour mieux les esquiver. Il a donc fallu faire preuve d’attention et d’efforts cognitifs pour relancer là où les informations nous semblaient essentielles.

Le guide construit est commun aux quatre membres du premier groupe, auquel sont ajoutées quelques questions ponctuelles sur les actions engagées ou sur des faits précis. Ce guide s’articule autour de cinq catégories, qui tentent de suivre une certaine logique de pensée en relation avec la problématique de la thèse. La première thématique abordée s’intéresse à la trajectoire personnelle des individus enquêtés, en essayant de comprendre, au cours de leur formation, des différents postes professionnels occupés, quelles compétences ils ont pu acquérir pour être amenés à diriger le CFES. Nous avons souhaité, par cette voie d’entrée, saisir le champ de prédilection de chacun d’entre eux pour mieux percevoir les ressources scientifiques mobilisées et les orientations institutionnelles privilégiées sous leur mandat. Tout ceci aide ensuite à mieux comprendre, dans une deuxième catégorie, les ambitions affichées pour le CFES, les relations au pouvoir et aux institutions partenaires. Ces informations permettent d’éclairer sur la constitution du réseau de l’éducation pour la santé dans les années 1970-80 et ses évolutions dans les années 1990-2000. D’une même manière, le troisième temps aborde un versant plus politique, cherchant à comprendre les influences des gouvernements successifs sur la gestion de l’institution. Ensuite, en ciblant davantage les actions en elles-mêmes, les questions s’orientent vers la logique de construction des programmes d’action, les choix scientifiques et éducatifs effectués, les apports théoriques utilisés, les experts ou partenaires mobilisés, dans le but de faire ressortir les stratégies sous- jacentes privilégiées par cette organisation. Comprendre également, à travers l’évocation de ces stratégies, quelles en étaient les finalités ainsi que la place réservée aux individus et aux populations. C’est dans un dernier ensemble que la problématique de la sédentarité ou de la promotion des modes de vie actifs émerge précisément. Du général au plus particulier, ces points cherchent donc à orienter l’entretien d’une conception générale de l’éducation pour la santé, en dressant les fondements institutionnels du CFES, sa place au sein du dispositif

politique et les choix scientifiques prioritaires, avant de cibler plus précisément les actions réellement destinées à promouvoir l’activité physique comme facteur de santé.

Les autres entretiens, réalisés avec des acteurs sociaux aux différents statuts abordent pour leur part des questions plus précises, centrées sur les hypothèses de travail, reprenant un ou plusieurs points abordés précédemment, en fonction des trajectoires des enquêtés : ressources scientifiques ou cognitives disponibles, choix méthodologiques, fonctionnement institutionnel, collaborations professionnelles…

Statuts des enquêtés

Les entretiens réalisés ont eu pour but d’éclairer les zones d’ombres et de donner une image plus nette des orientations choisies dans les différentes campagnes proposées. Le premier objectif a été de dresser la carte des acteurs et des institutions engagés dans l’élaboration des dispositifs de santé publique. Il a donc fallu, à travers les discussions avec d’anciens responsables du CFES, tenter de reconstruire le fonctionnement de cet organisme, afin de mieux saisir le rôle de chacun et la politique générale d’élaboration d’axes de travail. Ceci explique le statut similaire des premiers enquêtés, ceux ayant occupé le poste de « délégué général ». Parmi ces quatre anciens délégués, nous avons sollicité deux femmes et deux hommes, ayant exercé leurs fonctions à différentes époques, sous différentes autorités politiques et selon des durées variables. S’il nous a semblé logique de nous entretenir avec les trois délégués généraux sous la direction desquels des dispositifs en faveur de l’activité physique avaient été menés, il nous a également apparu opportun de nous entretenir avec un quatrième, pour avoir une discussion un peu plus libre sur le fonctionnement de l’institution, mais aussi pour l’entretenir sur le fait qu’aucun dispositif en faveur des pratiques physiques n’avait été mené sous sa direction.

Quatre autres temps d’échanges ont été sollicités au cours des trois dernières années, dont deux plus récemment, auprès d’acteurs impliqués dans la conception d’actions sanitaires ou d’acteurs investis dans la promotion de l’activité physique. Nous avons essayé de varier les statuts des anciens acteurs interrogés pour obtenir des compléments d’informations et tenter de mieux reconstruire et interpréter la réalité, mais aussi pour palier aux archives manquantes.

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