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Seule la langue différencie les Flamands des Wallons ?

Les citoyens belges francophones et le fédéralisme en Belgique

D. La perception de l’autre : les Flamands/néerlandophones

1. Seule la langue différencie les Flamands des Wallons ?

Tout d’abord, selon les participants la langue différencie clairement les Flamands des Wallons. La différence linguistique est d’ailleurs à la base de la disparition de l’État unitaire en Belgique, celui-ci étant largement unilingue francophone. Plus particulièrement en ce qui concerne les participants à la Rencontre citoyenne de Liège, peu d’entre eux parlent couramment le néerlandais (11 sur 64). Si la langue différencie les Flamands des Wallons, constitue-t-elle la seule différence ? Par ailleurs, sur le terrain politique, les citoyens belges francophones réunis estiment-ils que la Flandre forme une nation distincte du reste de la Belgique ? Est-ce qu’il est normal de revendiquer plus d’autonomie pour la Flandre ? Enfin, l’affirmation d’une identité flamande est-elle compatible avec l’affirmation d’une identité belge ?

Ces questions divisent largement les participants au panel. Trois positions émergent du matériau empirique recueilli à Liège. Premièrement, il y a ceux qui ne voient pas de différences entre néerlandophones et francophones, hormis la langue. Ces personnes refusent les revendications flamandes, l’affirmation d’une identité flamande et l’existence d’une nation flamande distincte du reste de la Belgique. Le deuxième groupe est constitué des citoyens qui reconnaissent des différences entre néerlandophones et francophones mais n’acceptent guère les demandes pour plus d’autonomie. Ils se montrent toutefois moins catégoriques que ceux du premier groupe par rapport aux affirmations identitaires flamandes puisqu’ils reconnaissent la possibilité d’une complémentarité avec l’identité

440 Nuttin, « Gezindheid van Vlaamse studenten tegenover de Walen : sociaal-psychologisch onderzoek naar

het verband tussen de gezindheid en het contact » ; Nuttin, Het stereotiep beeld van Walen, Vlamingen en Brusselaars : hun kijk op zichzelf en elkaar : een empirisch onderzoek bij universitairen.

belge. Enfin, une troisième position voit à la fois la reconnaissance des différences et l’acceptation des revendications et des affirmations identitaires.

Par ailleurs, ces opinions ont connu des évolutions chez certains participants suite à la rencontre. Considérons, tout d’abord, l’indicateur « Seule la langue différencie les Flamands des Wallons ». En T1, 15 participants étaient d’accord avec cette proposition. Après une journée d’échanges, ils ne sont plus que 8 à le penser (Tableau 3.12). Si répondre à cette question repose sur un jugement de valeur qui appartient donc à chaque individu, il semble toutefois clair pour nombre d’observateurs – et de citoyens – que la différence linguistique n’est pas la seule différence entre le nord et le sud du pays441, bien que l’on puisse contester une vision par trop bipolaire de la Belgique qui néglige les similitudes entre les deux communautés et surtout les différences sur d’autres lignes de clivage442.

Tableau 3.12 Seule la langue différencie les Flamands des Wallons en T1 (lignes) et en T2 (colonnes)

(en nombres réels) Modalité de réponse Tout à fait d’accord Plutôt d’accord Plutôt pas d’accord Pas d’accord du tout Total (T1) Tout à fait d’accord 0 4 0 1 5 Plutôt d’accord 1 2 6 1 10 Plutôt pas d’accord 0 1 20 11 32 Pas d’accord du tout 0 0 7 8 15 Je ne sais pas 0 0 1 0 1 Total (T2) 1 7 34 21 63 Nombre de répondants = 63.

Pour comprendre l’évolution entre le T1 et le T2, le tableau se lit d’abord en ligne et ensuite en colonne.

Pour en revenir aux résultats du Tableau 3.12, on note ainsi un phénomène d’adaptation chez certains participants entre la réalité et la perception qu’ils ont de celle-ci. Cela ne signifie toutefois pas qu’il ne faut pas considérer la position des citoyens qui estiment que seule la langue différencie les Flamands des Wallons – cette perception sera évidemment prise en compte dans l’élaboration des types de citoyens. Un autre phénomène

441 Voyez notamment sur ce sujet Jaak Billiet et al., « Does Belgium (still) exist? Differences in political culture

between Flemings and Walloons », West European Politics 29, n°5 (2006) ; Hooghe et Sinardet, « Introduction : Is there a Belgian public opinion? ».

442 Pour un traitement plus détaillé de cette position, voyez Min Reuchamps, « La frontière linguistique : le

mur des Belges ? », in Entre les murs - Un collage, Département de Science politique de l’Université de Liège (dir.) (Liège : Les Editions de l’Université de Liège, 2009).

qui mérite d’être souligné, et que nous avons déjà remarqué pour d’autres indicateurs, est l’ajustement d’intensité, en particulier parmi ceux qui estiment que la langue n’est pas la seule différence. En effet, sept participants sont passés de « Pas d’accord du tout » à « Plutôt d’accord » tandis que 11 autres ont fait le cheminement inverse. La participation au panel citoyen a donc permis d’affiner la position individuelle de chacun.

L’indicateur « Normal de revendiquer plus d’autonomie pour la Flandre » a également connu une évolution sensible. Dans l’ensemble, à la fin du panel, ce sont 35 participants qui comprennent ou qui acceptent que certains Flamands souhaitent plus d’autonomie pour leur Région (contre 24 en T1). Toutefois, à y regarder de plus près, les évolutions sont plus multiples (Tableau 3.13).

Tableau 3.13 Normal de revendiquer plus d’autonomie pour la Flandre en T1 (lignes) et en T2 (colonnes)

(en nombres réels) Modalité de réponse Tout à fait d’accord Plutôt d’accord Plutôt pas d’accord Pas d’accord du tout Total (T1) Tout à fait d’accord 2 2 1 0 5 Plutôt d’accord 1 16 2 0 19 Plutôt pas d’accord 1 7 12 0 20 Pas d’accord du tout 1 2 4 4 11 Je ne sais pas 0 3 4 0 7 Total (T2) 5 30 23 4 62 Nombre de répondants = 62.

Pour comprendre l’évolution entre le T1 et le T2, le tableau se lit d’abord en ligne et ensuite en colonne.

Partant d’une des extrémités du continuum – ceux qui refusent les revendications – on remarque que le panel a contribué à nuancer cette position pour sept d’entre eux (sur onze) dont trois qui estiment en T2 qu’il est normal de revendiquer plus d’autonomie pour la Flandre. À l’inverse, il n’y a pas eu de mouvement en direction de la modalité « Pas d’accord du tout ». À l’autre extrémité, si en T1 comme en T2 cinq participants optent pour la modalité « Tout à fait d’accord », seuls deux d’entre eux ont conservé cette position tout au long de la journée. Enfin, c’est au centre du tableau que les évolutions les plus nombreuses sont à signaler. 12 participants soutiennent en T1 et en T2 le « Plutôt pas d’accord » mais 11 autres personnes proviennent des autres modalités et principalement de « Je ne sais pas » et de « Pas d’accord du tout ». La position « Plutôt d’accord », quant à elle,

reçoit l’assentiment de 14 nouveaux citoyens qui, pour la plupart ne reconnaissait pas en T1 qu’il soit normal de revendiquer plus d’autonomie pour la Flandre. La participation au panel a donc permis aux participants de conforter leur opinion, de la nuancer, voire de la changer sur cette thématique centrale de la dynamique fédérale.

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