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Les citoyens belges francophones et le fédéralisme en Belgique

C. L’organisation et le déroulement

II. Les perceptions fédérales des citoyens belges francophones

4. Les médias et les conflits communautaires

On l’a vu ci-dessus, les conflits communautaires sont étroitement liés aux hommes politiques (même si les participants se différencient en fonction de leur rôle exact comme responsable exclusif, responsable principal ou co-responsable). Les médias, par ailleurs, semblent participer également à cette dynamique. De quelle façon ? C’est ce que nous avons voulu savoir en analysant, comme pour chaque thématique, les réponses aux questionnaires et les discussions. D’une manière générale, la perception des médias n’est guère positive et le niveau de confiance est même légèrement inférieur à celui des hommes politiques francophones (en T2, 26 participants ont confiance en ces derniers contre 19 pour les médias). Il est également surprenant de constater que la quasi-unanimité des citoyens participant au panel de Liège estime que les médias francophones comme les néerlandophones colportent des clichés sur l’autre communauté. Ce portrait assez sombre des médias se répercute, voire s’amplifie même, lorsque l’on évoque le rôle de ces derniers dans les conflits communautaires. Toutefois, le long extrait suivant du groupe B montre que la perception des médias varie selon les participants :

A : Il y a des problèmes communautaires qu’on vit, les problèmes communautaires, ils sont le résultat de quoi ? Uniquement du comportement de la classe politique ?

B3 : Je ne sais pas si j’ai bien compris la question mais moi je pense que les problèmes qu’il y a entre Flamands et Wallons... ce ne sont pas les politiques qui sont responsables de cela mais ce sont plutôt les médias qui transforment un peu certains propos ou qui ne montrent qu’une seule chose et donc qui tournent un peu les Wallons contre les Flamands et les Flamands contre les Wallons. C’est mon avis. C’est peut être aussi le rôle des médias de faire bouger un peu le bazar, je n’en sais rien mais... Moi j’ai le sentiment en tous cas que c’est les médias qui encore une fois manipulent un peu la population.

A : Réactions des autres ? On pourra entendre un journaliste de la Libre Belgique comme prochain expert, Paul Piret...

B2 : Je crois que les médias ne jouent pas toujours un très beau rôle. Les médias exagèrent et ce n’est pas toujours favorable je crois. Ils vont d’un extrême à l’autre. Il faut être un peu plus modéré. Je ne sais pas s’ils font cela pour faire de la propagande ou quoi mais ce n’est pas la véritable réalité. À mon sens...

A : Les médias auraient une part de responsabilité dans les problèmes communautaires ? B2 : Oui, sûrement...

A : La classe politique aussi ? B2 : Oui

B5 : Par rapport aux médias, je fais très attention, je recoupe mes informations, donc, c’est vrai que... Je ne suis pas tellement influencée par les médias mais c’est vrai que monsieur tout le monde... B2 : Il y en a d’autres qui sont certainement influencés, j’imagine.

B9 : Moi j’ai envie de dire que les médias n’influencent pas dans ce sens là. Quand il y a un débat politique à la télévision, les hommes politiques sont là et c’est à eux de se défendre. Ils influencent nos discours. À part cela, je ne suis pas d’accord. Dans la presse, quand ils écrivent des mots, là, je suis d’accord.

B8 : Indirectement oui car l’homme politique, est-ce que vous croyez qu’avec ce que Gabriels est venu dire ici aujourd’hui, il va faire la une des journaux en Flandre ? Si Gabriel était venu aujourd’hui lancer une bombe incendiaire dans la salle, je suis certain qu’on en parlait lundi dans les journaux flamands. En ce qu’il s’agit de vendre son nom, il a complètement raté son après-midi, Dieu merci pour nous. Je pense qu’indirectement, les médias vivent quand même toujours de positions relativement extrémistes. L’homme modéré ne fait jamais un succès médiatique.

B9 : Ça ne décharge pas les politiques de leur responsabilité, c’est cela que je voulais dire. B8 : Ça, bien entendu. Mais je pense quand même qu’il y a une influence indirecte des médias sur eux- mêmes et le discours qu’ils tiennent. Et on peut peut-être comprendre dans le revirement, mais ça je ne sais pas, de Monsieur Gabriels, car à l’époque, il était quand même un peu flamingant, il a du faire ça pour acquérir une certaine notoriété et qu’en fait que maintenant qu’il a une notoriété, qu’il a pu devenir un grand garçon et avoir un comportement responsable.

B6 : Mais donc à la base, c’est de la faute des politiques...

B8 : Tout à fait, des politiques qui jouent le jeu d’essayer de se faire connaître et pour se faire connaître, il faut bien passer par la rampe des médias. On est dans un monde où si vous voulez être connu dans une région globale, c’est pas votre quartier, ce n’est pas juste aller serrer 3 mains dans la rue. Il faut bien qu’il y ait un relais quelque part, il faut bien jouer le jeu de ceux qui ont les clés du relais et qui ont une audience plus large.

B5 : Si on veut devenir un héros, c’est vrai qu’à ce moment-là, les médias aident. B6 : S’il faut devenir extrémiste pour être entendu, c’est un peu...

A : Effectivement, est-ce qu’il faut être extrémiste pour être entendu ? Est-ce que c’est un problème culturel, de société ? Est-ce que l’on doit avoir une présence médiatique telle que pour obtenir cette présence, on doit radicaliser son discours ?

B5 : C’est bien dans l’air du temps. Mais ça, il suffirait d’éduquer le bloc des citoyens pour qu’il ne marche pas dedans, mais enfin, c’est très cinéma, c’est dans l’air du temps.

Face à un système fédéral complexe où les relations médias-politiques sont très largement imbriquées, nombreux sont les participants qui rejettent la responsabilité des conflits communautaires sur ces deux acteurs importants de la dynamique politique que sont les médias et les hommes politiques. Ils le font toutefois de manière différenciée. Il y a ceux comme B2 qui voient les hommes politiques et les médias comme les responsables exclusifs des conflits communautaires. D’autres, par exemple B5 et B9, estiment que ces deux acteurs portent une responsabilité importante dans les tensions communautaires, mais qu’il appartient également aux citoyens de se forger leur propre opinion et d’accepter ou non cette logique conflictuelle. Enfin, certains participants, comme B8, mettent en avant

une co-responsabilité des hommes politiques, des médias et des citoyens dans la dynamique fédérale belge actuelle.

Finalement, cette section sur le rôle des médias dans les conflits communautaires montre que l’analyse de la perception politique des participants ne peut s’arrêter à des impressions globales ; elle mérite d’être portée à tous les niveaux et dans toutes les thématiques. On comprend dès lors mieux pourquoi plusieurs dimensions sont distinguées dans l’analyse ; et ce afin de pouvoir identifier les positions saillantes pour chacune d’elles en vue de dégager des idéaux types qui serviront à la double comparaison au sein et entre les terrains. Avant de conclure l’exploration des perceptions politiques des citoyens belges francophones, la présence d’une éventuelle culture fédérale doit être étudiée.

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