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Les citoyens belges francophones et le fédéralisme en Belgique

C. L’organisation et le déroulement

II. Les perceptions fédérales des citoyens belges francophones

2. La confiance dans les institutions

En complément à l’étude de la perception du système fédéral, on peut se pencher sur la confiance dans les institutions afin de déceler d’éventuelles différences d’appréciation entre celles-ci. Dans le questionnaire, sur base d’une échelle allant de « Beaucoup » à « Pas du tout » en passant par « Assez » et « Peu », la question de la confiance était posée pour cinq institutions : l’État fédéral, la Région wallonne, la Communauté française, la Monarchie et la Cour constitutionnelle. Une lecture individualisée des résultats, c’est-à-dire en considérant séparément les réponses de chaque individu, révèle deux grandes positions, en début de journée : d’une part, les participants qui font généralement confiance aux institutions quelles qu’elles soient et, d’autre part, les participants qui ne font généralement pas confiance aux institutions.

Les résultats en T2, par contre, offrent une plus grande diversité et montrent des évolutions chez certains participants. Tout d’abord, la confiance dans la Monarchie reste stable tout au long de la journée. Il y a donc une confirmation en T2 de la position adoptée en T1. Le panel n’a donc pas eu d’impact sur la position des individus eu égard à l’institution monarchique ; ce qui ne surprend guère puisque ce thème est suffisamment récurrent et présent dans la vie sociale pour que les citoyens puissent se forger une opinion sans processus d’information particulier. C’est également un sentiment de nature différente, moins directement politique. Par contre, pour les quatre autres institutions (l’État fédéral, la Région wallonne, la Communauté française et la Cour constitutionnelle), des évolutions importantes positives et négatives (pour la Région wallonne) ont eu lieu chez certains participants. Dans l’analyse, il est utile de distinguer la confiance accordée aux institutions politiques et la confiance à l’endroit de la Cour constitutionnelle. Pour cette dernière, l’évolution s’explique principalement par le nombre (13 personnes) relativement élevé de « Je ne sais pas » en T1 ; ces participants ont dû se positionner en T2 et l’ont fait généralement en faveur de la Cour constitutionnelle.

Pour les trois autres institutions, les changements ne sont pas liés au positionnement des « Je ne sais pas » mais bien à des évolutions en termes de perceptions. Ainsi, la confiance dans l’État fédéral et dans la Communauté française est en hausse suite au panel, alors que celle pour la Région wallonne diminue fortement. Dans les discussions en focus groupe, on trouve plusieurs explications à cette différence de confiance entre l’État fédéral et la Communauté, d’une part, et la Région, d’autre part. Un premier aspect est l’opposition entre le fait régional (la Wallonie ou la Flandre) et le fait national (Belgique) ; ce dernier domine largement chez certains participants comme B2 :

B2 : On a eu un débat télévisé il y a 15 jours je pense à la RTB je crois et on parlait justement si la Flandre devait prendre son indépendance, qu’est-ce qu’elle va représenter sur l’ensemble du monde ? Elle ne représente quasi rien et pour la Wallonie, ce serait exactement la même chose mais seulement l’État belge en lui-même, il est connu dans le monde entier, alors pourquoi vouloir faire une séparation, cela ne rime strictement à rien.

Le second élément est, quant à lui, de nature identitaire et oppose cette fois l’identité francophone à l’identité wallonne :

B3 : Maintenant, je vais essayer de répondre à la question que vous avez posée, si on se sent plus wallon ou francophone. Je me sens plus francophone que wallon. C’est vraiment parce que francophone, je le suis, de fait, je parle français, par contre, wallon, c’est quelque chose que nous avons inventé, ici en Belgique, au lieu de dire que la Belgique est un État unitaire, on a créé la Flandre et la Wallonie, c’est pour ça que je me sens plus francophone que wallon. A : La francophonie est une richesse et la Wallonie un appauvrissement ?

B5 : Finalement, la Wallonie c’est effectivement plus politique. Je me sens francophone aussi, je parle le français, j’ai étudié la culture française, et le wallon, c’est du français, c’est un dialecte. La Wallonie, ça me semble effectivement plus politique et on l’a peut être construite effectivement par réaction à la Flandre, à cette Flandre qui prenait de plus en plus de place ou de pouvoir.

Ainsi, la Wallonie serait une construction politique, détachée d’une véritable identité et s’inscrivant dans une logique conflictuelle avec la Flandre, alors que le fait francophone transcende le cadre strict de la Communauté française et serait lui enraciné plus profondément. À propos des entités fédérées, Kris DESCHOUWER confirme que celles-ci « ne sont pas des entités historiques, elles n’ont pas d’histoire antérieure à l’État fédéral. Les Régions et Communautés belges sont uniquement le résultat de la façon dont la Belgique a été créée en 1830 par une élite plutôt francophone »414. Certains participants font ainsi une distinction entre la Région wallonne et la Communauté française au sens d’entités juridiques politiquement construites et la communauté francophone au sens de groupement humain historiquement établi.

À l’inverse, l’augmentation de la confiance à l’endroit de l’État fédéral correspond aux vœux des personnes qui souhaiteraient un renforcement de celui-ci. L’Autorité fédérale est vue par ces participants comme la seule solution pour la sauvegarde de la Belgique, bien que (ou justement parce que) le fonctionnement du système fédéral est considéré comme insatisfaisant par ces mêmes citoyens. Finalement, de l’analyse du corpus de données sous l’angle de la confiance dans les institutions ressortent trois grandes positions individuelles : confiance dans les institutions politiques, peu de confiance dans les institutions politiques, confiance dans l’État fédéral (voire également la Communauté française) mais pas dans la Région wallonne. Ces éléments serviront à la construction des idéaux types à la fin de ce chapitre.

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