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Des panels citoyens délibératifs sur l’avenir du fédéralisme

B. Les trois outils de collecte de données

2. Les cartes du fédéralisme

Le deuxième outil de recueil des données est un peu inhabituel, particulièrement dans son application en sciences politiques. Les cartes du fédéralisme constituent une application concrète de ce que l’on qualifie en sciences sociales de cartes mentales329. Cette

technique de collecte des données consiste à demander « à des individus d’un groupe donné de dessiner ou d’écrire spontanément leur représentation d’un objet ou d’un espace spécifique sous certaines conditions »330. Si les géographes et les psychologues ont souvent

eu recours à cette technique331, les politologues, à de rares exceptions près332, ignorent largement cette possibilité méthodologique. Pourtant, à la suite de Sandra BREUX, on peut avancer que « l’analyse des représentations qu’un individu détient d’un territoire spécifique

Jeffery J. Mondak et Belinda Creel Davis, « Asked and Answered : Knowledge Levels When We Won’t Take ‘Don’t Know’ for an Answer », Political Behavior 23, n°3 (2001) ; Jeffery J. Mondak et Mary R. Anderson, « A Knowledge Gap or a Guessing Game? Gender and Political Knowledge », Public perspective 14, n°2 (2003) ; Jeffery J. Mondak et Mary R. Anderson, « The Knowledge Gap : A Reexamination of Gender-Based Differences in Political Knowledge », The Journal of Politics 66, n°2 (2004) ; Jeffery J. Mondak et Damarys Canache, « Knowledge Variables in Cross-National Social Inquiry », Social Science Quarterly 85, n°3 (2004).

329 Valérie HAAS rappelle que le concept de carte mentale peut être entendu de plusieurs façons ; elle précise :

« bien que la terminologie reste la même, ce terme prend plusieurs sens, selon que l’on s’intéresse au processus ou au produit de la représentation mentale de l’espace. De plus, il peut être, aussi, attribué à la méthode utilisée pour faire extérioriser ce produit spatial par les sujets », Valérie Haas, « Les cartes cognitives : un outil pour étudier la ville sous ses dimensions socio-historiques et affectives », Bulletin de psychologie 57, n°6 (2004) : 621.

330 Sandra Breux et al., « Apports et potentialités de l’utilisation de la carte mentale en science politique »,

Transeo Review, n°2 (2010).

331 Pour des exemples classiques, on pourra consulter notamment : Donald Appleyard, « Styles and Methods

of Structuring a City », Environment and Behavior 2, n°1 (1970) ; Roger Downs et David Stea, Maps in mind : reflections on cognitive mapping (New York : Harper & Row, 1977) ; Peter Gould et Rodney White, Cartes mentales (Fribourg : Éditions Universitaires de Fribourg, 1984) ; Anne Fourmand, « Images d’une cité. Cartes mentales et représentations spatiales des adolescents de Garges-lès-Gonesse », Annales de géographie 112, n°633 (2003).

332 On pense à l’étude de Jean LAPONCE sur le centre du monde et dans une moindre mesure aux études de

Gary FULLER et Murray CHAPMAN et de Alan K. HENRIKSON ; voyez, Gary Fuller et Murray Chapman, « On the Role of Mental Maps in Migration Research », International Migration Review 8, n°4 (1974) ; Alan K. Henrikson, « The Geographical “Mental Maps” of American Foreign Policy Makers », International Political Science Review/Revue internationale de science politique 1, n°4 (1980) ; Jean Laponce, « Le centre du monde : icône ou carrefour ? », International Review of Sociology/Revue Internationale de Sociologie 11, n°3 (2001).

est un moyen d’accéder au sens politique que l’individu lui attribue »333 ; dans cette perspective la carte mentale semble l’outil adéquat. En effet,

[…] la carte mentale est un outil qui permet de recueillir des informations à la fois originales et immédiates. L’utilisation de cet outil n’en demeure pas moins délicate en raison des conditions de réalisation qu’il convient de respecter afin de s’assurer de la viabilité des données recueillies334.

L’objet d’étude qu’est le fédéralisme se prête particulièrement bien à l’utilisation de la carte mentale pour appréhender les différentes perceptions qui se trouvent derrière celui- ci. Si dans une autre étude, menée avec Geoffrey GRANDJEAN et Élodie FLABA, la carte mentale sous forme de dessin a été mobilisée pour étudier le fédéralisme belge335, dans cette recherche, nous avons opté pour une carte mentale sous la forme d’un nuage de mots (la Figure 2.2 montre le modèle utilisé au Québec).

Figure 2.2 Carte du fédéralisme, modèle du Québec

333 Sandra Breux, « Représentations territoriales et engagement public individuel : premières explorations »,

Politique et Sociétés 27, n°3 (2008) : 187.

334 Breux et al., « Apports et potentialités de l’utilisation de la carte mentale en science politique ».

335 Min Reuchamps et al., « Dessinez la Belgique » : Comment de jeunes Belges francophones voient le fédéralisme (Liège :

Concrètement, au début de la première séance en focus groupes, il a été demandé aux participants de compléter une « carte du fédéralisme ». Cette feuille blanche de format lettre ou A4, selon le contexte, présente en son centre le mot « fédéralisme » (ou « federalism » à Kingston et « federalisme » à Anvers) entouré de quatre ovales concentriques tracés en pointillés s’éloignant de plus en plus du centre. Pour compléter cette carte du fédéralisme alors vierge, les participants recevaient, pour consigne principale, la question suivante : « à quoi/que vous fait penser le mot « fédéralisme » ? ».

Il s’agit donc que chaque participant, individuellement, écrive des mots, des concepts, voire des réflexions ou des sentiments qui viennent à son esprit quand il pense au mot de fédéralisme dans son pays – aucune définition du mot fédéralisme n’étant donnée. Outre la question générale, une précision est apportée : plus le mot ou le concept est placé dans un ovale proche du centre, plus c’est un élément auquel le participant associe le fédéralisme, que cela soit positivement ou négativement. Un laps de temps de trois, quatre minutes est donné pour cet exercice ; aucun seuil minimum ou maximum n’est fixé et aucune liste de mots ou de concepts n’est proposée – c’est donc un exercice spontané. Il n’y a évidemment pas de bonne ou de mauvaise réponse. Enfin, les données récoltées par cet outil peuvent être interprétées et combinées avec les autres données – nous reviendrons sur l’analyse des cartes du fédéralisme dans la section suivante – puisque sur chaque carte se trouve le code du répondant ; il est dès lors possible de « suivre » chaque répondant tout au long du panel.

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