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Des panels citoyens délibératifs sur l’avenir du fédéralisme

I. Les perceptions et les préférences fédérales

1. La connaissance politique

La connaissance politique constitue la première facette des perceptions193. Bien que la connaissance politique ne correspond pas à ce que l’on entend généralement par perception, elle entre en ligne de compte, comme une variable intermédiaire, dans la perception des trois autres dimensions. Il est d’autant plus important de la prendre en compte que la connaissance politique est généralement peu élevée, nous l’avons mentionné précédemment, mais également varie fortement entre individus194. Le premier constat – d’une connaissance politique généralement faible – vaut particulièrement pour les contextes fédéraux comme la Belgique et le Canada. Sur base d’une vaste enquête auprès d’un échantillon représentatif de 1000 Canadiens, Patrick FAFARD, François ROCHER et Catherine CÔTÉ commentent ainsi :

[w]e should not assume that citizens know how the federation works and are able to make an informed judgement about the behaviour and the choices of different orders of government. For many Canadians, indeed for the citizens of most countries, what matters is that ‘the government’ does something to solve a given problem or that ‘government’ is remote and

Press, 2001). Pour des exemples concrets d’études des perceptions issues de différents domaines de la science politique, voyez notamment : David Denver et Gordon Hands, « Does Studying Politics Make a Difference? The Political Knowledge, Attitudes and Perceptions of School Students », British Journal of Political Science 20, n°2 (1990) ; Samantha Laycock, « Experience versus Perceptions : Accounting for the NHS “Perception Gap” », Journal of Elections, Public Opinion & Parties 19, n°4 (2009) ; Éric Bélanger et François Gélineau, « Does Perceived Competence Matter? Political Parties and Economic Voting in Canadian Federal Elections », Journal of Elections, Public Opinion & Parties 20, n°1 (2010).

192 Sandrine DEPEAU écrit ainsi : « [l]a notion de représentation constitue sans doute une des notions les plus

polysémiques en Sciences Humaines et sociales et donc une des plus polémiques. Mais elle est surtout une des plus riche, complexe et donc souvent risquée à exposer de manière générale dans un seul article. Il n’y a qu’à recenser le nombre de volumineux ouvrages sous le titre des représentations, qu’elles soient sociales, cognitives ou encore spatiales », Sandrine Depeau, « De la représentation sociale à la cognition spatiale et environnementale : La notion de « représentation » en psychologie sociale et environnementale », Éso, Travaux et documents, n°25 (2006) : 7.

193 Dans cette recherche, nous nous intéressons principalement à la connaissance politique, en d’autres termes

à la connaissance du système fédéral et du fédéralisme. Cependant, dans l’analyse des comportements politiques, la compétence politique est souvent étudiée en complément de la connaissance politique. Dans cette perspective, on pourra consulter, par exemple, Henry Milner, Civic literacy in comparative context : why Canadians should be concerned (Montréal : IRPP, 2001) ; Loïc Blondiaux, « Faut-il se débarrasser de la notion de compétence politique ? », Revue française de science politique 57, n°6 (2007) ; Daniel Gaxie, « Cognitions, auto- habilitation et pouvoirs des « citoyens » », Revue française de science politique 57, n°6 (2007).

194 Philip E. Converse, « Assessing the capacity of mass electorates », Annual Review of Political Science 3, n°1

unresponsive. Most Canadian citizens are only vaguely aware of the fact that Canada is a federation where authority to act is constitutionally divided between the federal and provincial governments and further divided by statute between provincial governments and local governments. On this account, the strength of the political culture of federalism is tied to understanding. Federalism literacy is thus a critical part of a political culture of federalism195.

Quant au second constat – la connaissance politique varie fortement –, il convient dans le cadre de notre recherche d’évaluer la différence de connaissance politique entre les participants car celle-ci peut emporter certaines conséquences sur les préférences. En effet, si l’on en croit John R. ZALLER, l’information influence la perception196. En outre, les études sur l’impact de l’information politique révèlent que les préférences partisanes peuvent influencer la perception des faits dits objectifs. Ainsi, pour Charles S. TABER et Milton LODGE, les citoyens sélectionnent les informations qu’ils reçoivent selon leurs croyances antérieures et se montrent trop « têtus »197 pour changer leurs perceptions et jugements198. D’autres chercheurs, par contre, montrent que les citoyens sont capables

d’adapter leur évaluation des politiques publiques au fur et à mesure qu’ils reçoivent de l’information199. Ce point de vue est toutefois contesté par Larry M. BARTELS qui voit un véritable effet « pénétrant » de l’attachement partisan sur les perceptions politiques200,

confirmant ainsi le cœur de la démonstration des auteurs du célèbre livre The American Voter, « the role of enduring partisan commitments in shaping attitudes toward political objects »201. Faisant la synthèse de ces études, André B

LAIS et ses collègues confirment la thèse de John R. ZALLER, « [t]o be sure, information does play a role »202, et ajoutent que l’identification partisane influence les jugements et opinions politiques. Ces enseignements offrent le cadre général dans lequel s’inscrit le processus d’information que les citoyens

195 Fafard et al., « The Presence (or the Lack Thereof) of a Federal Culture in Canada : The Views of

Canadians » : 25.

196 John R. Zaller, The nature and origins of mass opinion (Cambridge ; New York : Cambridge University Press,

1992).

197 En 1973, David O. SEARS et Robert E. WHITNEY avaient déjà montré cette « stubborn adherence to prior

attitudes » : David O. Sears et Robert E. Whitney, Political Persuasion (Morristown : General Learning Press, 1973).

198 Charles S. Taber et Milton Lodge, « Motivated Skepticism in the Evaluation of Political Beliefs », American

Journal of Political Science 50, n°3 (2006). Voyez également Charles S. Taber et al., « The Motivated Construction of Political Judgments », in Citizens and Politics : Perspectives from Political Psychology, James H. Kuklinski (dir.), Cambridge Studies in Public Opinion and Political Psychology (New York : Cambridge University Press, 2001).

199 Alan Gerber et Donald P. Green, « Rational Learning and Partisan Attitudes », American Journal of Political

Science 42, n°3 (1998) ; Alan Gerber et Donald P. Green, « Misperceptions about Perceptual Bias », Annual Review of Political Science 2, n°1 (1999).

200 Larry M. Bartels, « Beyond the Running Tally : Partisan Bias in Political Perceptions », Political Behavior 24,

n°2 (2002).

201 Angus Campbell et al., The American voter (New York : Wiley, 1960), 135.

202 André Blais et al., « Political judgments, perceptions of facts, and partisan effects », Electoral Studies 29, n°1

vivront au cours des panels citoyens. Leurs préférences envers le fédéralisme réagiront-elles de la même manière dans un contexte délibératif ? En d’autres termes, sans pour autant chercher à comprendre les mécanismes psychologiques, on peut étudier l’impact de l’information politique sur leurs perceptions et leurs préférences en termes de changements ou non-changements d’opinons.

En conclusion, le dispositif méthodologique mis en place devra, d’une part, permettre aux participants de s’informer sur le fédéralisme et le système fédéral de leur pays et, d’autre part, mesurer leur connaissance politique afin d’étudier l’éventuel impact de celle-ci sur les autres dimensions des perceptions ainsi que sur leurs préférences. D’un point de vue analytique, à la suite de Kimmo ELO et Lauri RAPELI, il faudra distinguer l’information politique – la connaissance politique au sens strict, c’est-à-dire les informations factuelles telles que le nom des personnalités politiques, par exemple – de la connaissance structurelle – la connaissance politique au sens large, c’est-à-dire la compréhension du système fédéral et de sa dynamique203. La première pourra être mesurée par des questions

de connaissance politique classiques204, via le questionnaire, tandis que la seconde sera appréhendée au travers des discussions en focus groupes et des cartes du fédéralisme.

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