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Le rôle clef du juge administratif dans la mise en cohérence du droit de la santé publique

LA DIVERSITÉ DES MODALITÉS DU MAINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE

L A DIVERSITÉ MATÉRIELLE DES MESURES DE PROTECTION DE LA SANTÉ PUBLIQUE

A.- L’ EMPIRISME DE L ’ ENGAGEMENT SANITAIRE DE L ’É TAT

2) Le rôle clef du juge administratif dans la mise en cohérence du droit de la santé publique

239 En raison même de la parcellisation du droit de la protection de la santé publique,

le juge administratif assure un rôle déterminant dans sa mise en cohérence par le règlement des conflits de police sanitaire. Bien que nuancée, sa jurisprudence témoigne d’un souci manifeste du juge d’assurer au mieux les intérêts de la santé publique, même si subsistent encore quelques zones d’ombre.

240 Il est utile de distinguer ici deux hypothèses distinctes, selon que le concours de

polices intéresse des polices superposées ou juxtaposées7. Il y a superposition de polices

1Art. L. 1331-26 à L. 1331-31.

2Art. L. 1331-22 à L. 1331-25.

3Art. L. 1334-1 à L. 1334-13.

4Art. L. 1331-1 à L. 1331-17.

5Art. L. 1332-1 à L. 1332-4.

6C.E., 4 déc. 1995,Chbre d’agriculture de la Mayenne, n° 128057,Rec. tables p. 1076 (infran° 244).

7Sur cette distinction,cf.notamment G. LIET-VEAUX, À propos de santé publique : polices générales et polices spéciales, note sous C.E., 17 oct. 1952,Synd. climatique de Briançon, sieur Dominique et a.,

lorsque celles-ci sont exercées par des autorités différentes, dans des circonscriptions administratives différentes, mais sont liées entre elles par une identité de buts, de motifs et/ou de moyens selon un schéma pyramidal hiérarchisé. Cette situation concerne principalement les pouvoirs de police générale et les pouvoirs de réglementation sanitaire dont disposent le gouvernement, le préfet du département et le maire. Le concours des polices superposées conduit à leur hiérarchisation, ce qui suppose d’une part, que la police inférieure subsiste à l’exercice de la police supérieure, et d’autre part, qu’elle lui soit subordonnée. Ce double principe de permanence et de subordination a été dégagé par

les arrêts Commune de Néris-les-Bains1 et Labonne2 pour le concours des pouvoirs de

police générale. Il est notamment rappelé à l’article L. 1311-2 du Code de la santé publique relatif aux règlements sanitaires3.

La mise enœuvre de la police inférieure est donc soumise à certaines conditions. En premier lieu, l’existence d’une mesure édictée par une autorité supérieure interdit aux autorités inférieures de se saisir de la question concernée en dehors de circonstances locales particulières. Les mesures supplémentaires qu’elles édictent ne peuvent donc reposer sur des motifs identiques à ceux de la disposition supérieure, mais doivent être commandées par l’existence d’un trouble ou d’un risque de trouble menaçant particulièrement les intérêts de la collectivité dont elles ont la charge4.

En second lieu, la mesure édictée au niveau supérieur s’impose à l’autorité inférieure dans tous ses éléments. Les polices inférieures subsistent mais la police supérieure domine. Cette solution est à la fois évidente et nécessaire tant du point de vue de la légalité que des exigences concrètes de l’ordre public. Les impératifs de la légalité

1 C.E., 18 avr. 1902, Cne de Néris-les-Bains, n° 04749, Rec. p. 275 ; G.A.J.A.n° 10 ; S. 1902, 3, p. 81, note M. HAURIOU;Rev. gén. d’adm.1902, p. 297, note LEGOUIX, à propos de l’exercice concur-rent des compétences du maire et du préfet du département.

2C.E., 8 août 1919,Labonne, n° 56377,Rec. p. 737 ;G.A.J.A. n° 36 à propos de la combinaison de la police générale nationale et des pouvoirs de police générale relevant des autorités départementales et municipales : «Si les autorités départementales et municipales sont chargées [de veiller au maintien de l’ordre public], il appartient au chef de l’État, en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer celles des mesures de police qui doivent en tout état de cause être appliquées à l’ensemble du territoire, étant entendu que les autorités susmentionnées conservent, chacune en ce qui la concerne, compétence pleine et entière pour ajouter à la réglementation générale édictée par le chef de l’État toutes les prescriptions règlementaires supplémentaires que l’intérêt public peut commander dans la localité».

3Cf. également l’avis du Conseil d’État du 8 nov. 1988, préc. Sur la compétence du maire pour édic-ter un règlement sanitaire municipal plus sévère que le règlement départemental,cf. C.E., Sect., 11 oct. 1963,Assoc. « Des amis du site de Clagny», n° 54.097,Rec. p. 480. Sur la compétence du préfet pour prendre un règlement sanitaire départemental renforçant le règlement sanitaire national : C.E., 12 juin 1998, Cne de Chessy et a., préc. Dans ce cas, les autorités concernées doivent respecter les éléments de forme et de procédure prévus pour l’édiction de ces règlements (C.E., 14 mars 1952,

Sieurs Rodier et Olivier, n° 3.337,Rec. p. 163), ce qui impose de bien distinguer entre les dispositions prises par l’autorité inférieure pour l’application du règlement sanitaire édicté au niveau supérieur et celles qui ajoutent à ce règlement et constituent donc un nouveau règlement sanitaire : C.E., 7 mars 1947,Sieur Harang, n° 74752,Rec. p. 102 ;28 avr. 1950,Dame Vve Millou, n° 92.214,Rec. p. 245.

4C.E., 18 avr. 1902,Cne de Néris-les-Bains,préc. ;8 août 1919,Labonne,préc. ;Sect., 18 déc. 1959, Soc. Les films Lutetia et Synd. français des producteurs et exportateurs de films, nos36385 et 36428, Rec. p. 694 ; G.A.J.A. n° 79 ; S. 1960, p. 94, concl. H. MAYRAS; D. 1960, p. 171, note P. WEIL;A.J.D.A. 1960, p. 21, chron. M. COMBARNOUSet J.-M. GALABERT;Rev. adm. 1960, p. 31, note JURET;J.C.P.1961, II, 11898, note MIMIN.

imposent en effet que les autorités administratives veillent au respect de la règle de droit,

a fortiorisi celle-ci intéresse l’ordre public. Les autorités de police doivent donc assurer l’application des mesures définies par une autorité qui leur est supérieure au même titre que leurs propres décisions ; la possibilité qui leur est offerte de compléter ces prescriptions ne saurait les exonérer de cette obligation1. Elles sont de la sorte soumises à un principe de non-contradiction des dispositions supérieures qu’elles peuvent compléter, préciser ou aggraver, mais en aucun cas alléger, sauf autorisation expresse2.

Ces règles de combinaison des polices superposées permettent notamment d’adapter l’exigence d’une certaine égalité dans les règles de protection à l’inévitable spécialité du risque, particulièrement manifeste dans le domaine sanitaire. La domination de la police supérieure, en particulier nationale, autorise en effet la définition d’un fonds commun de protection par l’édiction de mesures qui, selon la formule de l’arrêtLabonne, «doivent en tout état de cause être appliquées à l’ensemble du territoire»3. Ce fonds commun est particulièrement important en matière de santé publique. Il est en effet évident que les processus de contamination et de contagion ignorent tout des frontières administratives. Il ne servirait à rien d’assurer la protection de la santé publique sur une partie du territoire si la population était menacée de l’extérieur en raison de la carence des autorités de la circonscription voisine. Dans le même temps, la permanence de la police locale empêche tout glissement vers une égalité aveugle, absolue et détachée des particularismes qui serait aussi dangereuse. La fluidité du risque sanitaire exige une adaptation permanente des règles de protection de la santé publique qui, en garantissant cette protection dans la circonscription locale, participe du même coup à la sécurité de l’ensemble de la population.

241 Ce même souci d’assurer au mieux la protection de la santé publique se retrouve

dans les règles jurisprudentielles de combinaison des polices juxtaposées, bien que celles-ci se révèlent souvent plus complexes. Il arrive fréquemment, en particulier dans le domaine de l’hygiène publique, que des polices différentes et indépendantes portent sur des éléments sécants intéressant leur finalité et/ou leur objet.

242 Ce concours peut intéresser une police générale et une police spéciale. S’il n’est

pas besoin de s’appesantir sur cette question qui a déjà fait l’objet de développements4, il

1Sur ce principe,cf. supranos178 s.

2C.E., Sect., 17 juill. 1953,Sieur Constantin, préc. ;Sect., 11 oct. 1963, Assoc. « Des amis du site de Clagny», préc. (la publication d’un règlement sanitaire départemental abroge toutes les disposi-tions des règlements sanitaires municipaux qui prévoient des normes moins rigoureuses que celles exigées par le règlement sanitaire départemental. En revanche, subsistent les dispositions qui contiennent des normes plus sévères que le règlement sanitaire départemental). Pour un exemple de dérogation prévue par un arrêté préfectoral relatif à la lutte contre les nuisances sonores dans le département : C.A.A. de Marseille, 4 avr. 2005,Assoc. PLUCE, n° 01MA02513,B.J.C.L.2005, n° 6, p. 384, concl. J.-J. LOUIS.

3C.E., 8 août 1919,Labonne,précité.

importe néanmoins de rappeler que le juge administratif s’emploie, dans un tel cas, à faire respecter la sphère de compétence dévolue à chaque autorité tout en acceptant les empiètements de la police générale sur la police spéciale lorsque l’ordre public sanitaire l’impose.

243 La situation est plus délicate, en revanche, lorsqu’il s’agit de combiner des polices

spéciales entre elles. Les conflits entre polices spéciales posent en effet des problèmes spécifiques dont la résolution dépend en grande partie des textes d’habilitation. La question ne saurait donc se prêter à l’élaboration de règles de principe pouvant s’appliquer à toute situation, mais il appartient au juge de trancher au coup par coup les cas d’espèce qui lui sont présentés. Ce pragmatisme nécessaire explique dans une large mesure la complexité de la matière et la diversité des solutions retenues, souvent particulières. La jurisprudence laisse toutefois percevoir un effort constant du juge pour garantir l’indépendance des polices et des autorités qui en sont dépositaires tout en favorisant une prise en charge efficace des intérêts qui leurs sont confiés1.

Le souci du juge de préserver l’indépendance des législations spéciales s’observe en particulier dans son refus d’établir des liens entre les polices dès lors qu’ils n’ont pas été expressément prévus par la loi. Ce principe jurisprudentiel fut posé par le Conseil d’État dès les premières applications de la loi du 15 février 1902, à l’occasion d’un arrêt

Marc et syndicat des propriétés immobilières de Paris du 5 juin 19082. Il s’agissait en l’espèce de savoir si le règlement sanitaire édicté par les maires sur le fondement de l’article 1erde la loi du 15 février 1902 pouvait imposer une nature déterminée de travaux à effectuer sur les immeubles et prescrire l’emploi de moyens exclusivement obligatoires pour assurer leur salubrité. Les requérants considéraient que de telles mesures ne pouvaient être imposées qu’en suivant la procédure des articles 12 à 14 de la loi relatifs à la résorption de l’habitat insalubre. Le Conseil d’État rejeta cette argumentation pour considérer que le droit, pour l’autorité municipale, de préciser les conditions générales de salubrité des habitations devait être conçu indépendamment de la procédure spécifique aux immeubles insalubres. L’indépendance de ces deux polices fut également précisée dans un arrêt du 9 décembre 1910, par lequel le Conseil d’État décida que l’application de

1En ce sens,cf.G. LIET-VEAUX, À propos de santé publique…,op. cit., p. 597. Pour une étude géné-rale et approfondie de la question : M.-F. DELHOSTE, Les polices administratives spéciales et le principe d’indépendance des législations, Paris, L.G.D.J., 2001, 290 p., coll. Bibl. de droit public, t. 214.

2 C.E., 5 juin 1908,Marc et Synd. des propriétés immobilières de Paris, préc. Il a, plus récemment, été rappelé par un arrêtNouquedu 7 janvier 2004 s’agissant de l’indépendance de la réglementation sanitaire et de la règlementation de l’urbanisme (n° 229101, Rec. tables p. 905 ; A.J.D.A. 2004, p. 1099, note N. CHAUVIN;B.J.D.U.2003, n° 6, p. 408, concl. E. GLASER). V.infran° 244.

l’article 12 de la loi du 15 février 1902 ne pouvait être limitée aux cas où l’administration poursuit l’exécution du règlement sanitaire1.

Du principe d’indépendance des polices spéciales résulte logiquement celui du respect de la sphère de compétences dévolue à chaque autorité2. L’intégrité des pouvoirs de police doit être préservée, ce qui empêche tout empiètement d’une police spéciale sur une autre3. Cependant, lorsqu’une même situation permet la mise en œuvre de plusieurs d’entre elles, peu importe que l’une ou l’autre soit exercée tant que la loi n’a pas prévu d’ordre d’intervention prioritaire. Un maire peut ainsi s’appuyer sur les dispositions de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux pour ordonner la suppression d’un dépôt d’ordures, alors que le préfet aurait lui même pu intervenir au titre de la législation sur les installations classées4. Le respect de la sphère de compétence dévolue à chaque autorité n’interdit pas non plus un exercice combiné de leurs pouvoirs. Ce principe a été clairement affirmé par l’arrêt d’AssembléeNungesserdu 7 octobre 1977, s’agissant de la combinaison de la police des animaux errants confiée aux maires et de la police relative à la lutte contre la rage exercée par le Premier ministre5. On le trouve également dans la jurisprudence antérieure qui a, par exemple, considéré que les pouvoirs du préfet sur les établissements dangereux, incommodes et insalubres ne pouvaient faire obstacle à l’exercice par le gouvernement de son pouvoir réglementaire relatif à la protection des travailleurs, qui s’impose également

dans ces établissements6. Il en va de même de la combinaison de la police des

1C.E., 9 déc. 1910, Min. de l’Intérieur, n° 38.074,Rec. p. 889. Dans le même sens : C.E., 27 févr. 1925,Soc. immo. des héritiers Boyart-Deprès,Rec. tables p. 1161 ; – Sect., 21 févr. 1947,Sieur Varlet, préc. et – Sect., 16 févr. 1962,Cts Bertholet, n° 46.985,Rec. p. 109.Cf. également, s’agissant de la distinction entre les différentes polices relatives à l’habitat insalubre, C.E., Sect., 13 déc. 1968,Min. des Aff sociales c. dame Milcent, n° 73-893,Rec. p. 648 ; – 7 avr. 1973,Épx Bourgeois, n° 96.367,

Rec. tables p. 1141 ; – 28 mars 1980, Min. de la Santé c. Belloc, n° 06.575, Rec. tables p. 822 et C.A.A. de Nancy, 22 avr. 1993,Mlle Lefèvre et Mlle Massin, préc.

2C.E., 30 nov. 2007,Luneaut, n° 294768,J.C.P.A 2007, act. 1077, obs. M.-C. ROUAULT(sera men-tionné aux tables duRec.Lebon).

3 C.E., 23 déc. 1941, Soc. « La Brasserie de Vézelise, Moreau et Cie », n° 64.649, Rec. p. 240. Cf.

également sur l’indépendance de la police des installations classées à l’égard d’autres législations : C.E., 8 juin 1956,Sieur Desaulty, n° 32.678, Rec. p. 241 ; – 11 oct. 1963, Min. de la Construction c. cts Le Moing, n° 60.018,Rec. p. 481 ; – 15 mars 1968,Cne de Cassis et sieur Bodin et a., n° 69312, n° 69315 et nos69326 à 69334, Rec. p. 189 ; – 6 juin 1973,Sieurs Verne et Beaugier,nos82.207 et 82.208, Rec.p. 402 ; – 26 mai 1995,Union des industries chimiques et a., n° 146668,Rec. p. 212. V. encore C.E., 13 nov. 1968, Sieur Brulet, n° 71.409, Rec. tables p. 877 et – 12 juin 1989,

Latchague, n° 78512, inédit, par lesquels le juge précise que, malgré leurs similitudes, la police de l’habitat insalubre et celle des immeubles menaçant ruine ne se confondent pas et ne sont donc pas interchangeables. L’erreur dans les visas est toutefois sans incidence sur la légalité de la décision. Le fait d’invoquer à tort la procédure des art. L. 26 à L. 31 C.S.P. [art. L. 1331-26 à L. 1331-31] n’est donc pas de nature à empêcher l’administration de mener à son terme la procédure légalement enga-gée sur le fondement de l’art. L. 42 C.S.P. [art. L. 1331-23] : C.E., 16 avr. 1975, Sieur Boisson, n° 95.072,Rec. p. 233.

4C.E., 18 nov. 1998,Jaeger, précité. Pour un autre exemple : C.A.A. de Bordeaux, 18 mars 1999,

Soc. Tonnellerie Ludonnaise, n° 96BX01194 ;R.J.E.1999, p. 622, note R. SCHNEIDER. On peut voir ici une garantie supplémentaire du maintien de l’ordre public sanitaire puisqu’une telle solution permet

a prioride multiplier les possibilités d’action.

5 C.E., Ass., 7 oct. 1977, Nungesser, n° 5.064, Rec. p. 378 ; A.J.D.A. 1977, p. 624, note M. NAUWELAERSet O. DUTHEILLET DELAMOTHE.

établissements classés avec celle relative au traitement des sous-produits de la pêche1. Cette solution est encore retenue s’agissant de l’articulation de la police de l’habitat insalubre et de la police des immeubles menaçant ruine. Si ces polices ne peuvent être confondues2, le Conseil d’État admet, en revanche, leur usage cumulé. L’existence d’un arrêté du préfet portant interdiction d’habiter un immeuble pris en application de la police des immeubles insalubres n’empêche donc pas la mise enœuvre de la procédure relative aux immeubles menaçant ruine et vice-versa3. Par ailleurs, la vétusté d’un bâtiment et le mauvais état du gros œuvre et des toitures, qui relèvent normalement de la police des édifices menaçant ruine, peuvent être retenus dans les critères d’insalubrité motivant une interdiction d’habiter4. Tout en veillant au respect de l’indépendance des législations, la jurisprudence administrative tend ainsi à favoriser l’action des autorités de police, en vue, très certainement, de garantir au mieux la protection de la santé publique.

244 C’est dans le même esprit que sont aujourd’hui traités les conflits de règles édictées

sur le fondement de législations distinctes. L’exemple type de ce genre de situation concerne le droit de la construction, qui intéresse non seulement les règles contenues dans les documents d’urbanisme, mais aussi certaines dispositions des règlements sanitaires5. Chargées de la salubrité des habitations et des agglomérations, les autorités titulaires du pouvoir de réglementation sanitaire peuvent en effet être amenées à adopter des mesures générales applicables aux immeubles à construire6 ou déjà construits7. Ces prescriptions sont légales tant qu’elles n’empiètent pas sur d’autres réglementations, dont celle relative à l’octroi des permis de construire8.

1C.E., 20 mars 1953,Jodet, n° 99.229,Rec. p. 140.

2C.E., 13 nov. 1968,Sieur Brulet, préc.

3 C.E., Sect., 18 févr. 1955, Villes de Nanterre, n° 26.133, Rec. p. 95 ; ― 12 juill. 1955, Sieur Chudant, n° 15.424,Rec. p. 409.

4C.E., 3 mars 1976,Min. de la Santé c. Dame Bidegain, n° 98.265,Rec. tables p. 1038 ;D.A.1976, n° 122.

5Cf. l’art. L. 111-5 C. constr. et habitation (art. 74 de la L. n° 2000-1208 du 13 déc. 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « S.R.U. », J.O.du 14 janv., p. 19777) : « Conformé-ment aux articles L. 1er et L. 2 (sic.) du code de la santé publique, dans chaque départeConformé-ment un règle-ment sanitaire établi par le représentant de l’État dans le départerègle-ment détermine les prescriptions relatives à la salubrité des maisons et de leurs dépendances. Conformément aux articles L. 33 à L. 35-4 dudit code (sic.), les immeubles d’habitation doivent être obligatoirement raccordés aux égouts desti-nés à recevoir les eaux usées domestiques».

6C.E., 24 déc. 1915,Serve (règlement sanitaire de la ville de Lyon), n° 39.998,Rec. p. 369 ;22 mai 1953, Dame Vve Foucault, n° 14.279, Rec. tables p. 786 ; 5 janv. 1979, Zaender, nos 06.785 et 06.797, Rec. p. 10 ;D.A. 1979, n° 76 ;19 oct. 1983,M. Arthur Colin, n° 22.961, inédit. À la diffé-rence des règles relatives aux installations classées : C.E., 18 mai 1984, Min. de l’Urbanisme et du Logement c. M. Robert Gourrat et a., n° 50.090,Dr. et Ville1984, n° 18, note F. BOUYSSOU. De la sorte, l’irrégularité d’un permis de construire est sans influence sur celle de l’autorisation accordée (C.E., 20 nov. 1963,Nicolas, n° 60.187, Rec. tables p. 903) et réciproquement (C.E., 6 juin 1973,Sieurs Verne et Beaugier,préc.)

7C.E., 23 avr. 1997,S.C.I. Jade, n° 155586,Rec. tables p. 1076 ;D.1997, IR, p. 128. On doit noter que les pouvoirs de l’autorité réglementaire sont moins étendus pour les immeubles déjà construits : C.E., 15 janv. 1909,Vial, Guillotel et a., préc. ;13 mars 1914,Tenand, Le Courtois et Auvray, préc.

8 C.E., 30 mai 1986,Assoc. de défense de l’environnement de la Cne de Courcoue et a., n° 62.647,

D.A. 1986, n° 365. Les règlements sanitaires ne peuvent en effet comporter que des mesures de salubrité. Doit ainsi être annulée la disposition d’un tel règlement qui impose la création d’emplois

Lorsque les dispositions d’un règlement sanitaire ne sont pas compatibles avec les règles générales de la construction, la solution pose peu de difficultés : celles-ci sont, en application de l’article L. 111-3 du Code de la construction, substituées de plein droit aux

dispositions contraires ou divergentes des règlements sanitaires1. L’hypothèse d’un

conflit entre les dispositions d’un règlement sanitaire et les règles générales d’urbanisme a, en revanche, soulevé davantage de difficultés, le Code de l’urbanisme n’ayant pas repris ce principe. Dans un arrêt Nouquedu 7 janvier 2004, le Conseil d’État a précisé que «le règlement sanitaire départemental n’est pas au nombre des règles dont le respect s’impose aux auteurs d’un plan d’occupation des sols»2. Ce dernier peut toutefois comprendre des règles et des servitudes identiques par leur objet à celles qui sont édictées en application de l’article L. 1311-1 du Code de la santé publique3. En cas de conflit, la priorité est donnée, semble-t-il, aux règles les plus restrictives. Cette solution a

notamment été retenue par l’arrêt Nouque de 2004, qui indique qu’«un permis de

construire doit être conforme tant aux dispositions du plan d’occupation des sols de la commune qu’à celle du règlement sanitaire départemental qui portent sur les projets de construction»4. À moins que le règlement ne prévoit expressément qu’il ne s’applique qu’à défaut des prescriptions du plan d’urbanisme5, les permis de construire doivent donc être en conformité avec ses dispositions et peuvent être refusés sur ce fondement6. Partant de ce principe, un permis de construire délivré en application d’un plan d’occupation des sols qui rend possible une situation que le règlement sanitaire départemental cherche à empêcher est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation7. Réciproquement, doit être annulé le permis de construire qui, bien que conforme au règlement sanitaire, est en

de concierge, cette mesure n’intéressant pas la salubrité publique : C.E., 22 mai 1912,D’Andoque de Sérièges, n° 37.565,Rec. p. 592.Cf. également C.E., 9 nov. 1935,Sieurs Botteloup et a., préc.

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