• Aucun résultat trouvé

La définition large de la carence fautive

b) L’interdiction de méconnaître la portée des règles de protection de la santé publique : l’exemple des dérogations

A.- L E DÉVELOPPEMENT DE LA RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE POUR CARENCE FAUTIVE

1) La définition large de la carence fautive

189 Le juge administratif a développé une définition large de la carence fautive en

précisant au fil de sa jurisprudence les obligations imparties à la puissance publique dans le cadre du maintien de l’ordre en général et de la protection de la santé publique en particulier. La carence fautive englobe tout d’abord les situations de carence absolue. 1Cf. C.E., 24 janv. 1990, M. Painot, préc. ; ― 30 juill. 1997, Soc. « John Breheny Developments limi-tes », n° 148108, inédit (a contrario, la mesure contestée n’étant pas jugée insuffisante) ; ― 12 juin

1998,Cne de Chessy et a., préc.

Cette hypothèse, qui pose peu de difficultés, correspond à l’attitude passive de l’autorité de police qui, face à une situation de désordre, méconnaît son obligation d’agir. Il peut s’agir soit d’un refus d’intervention, acte décisoire constitutif d’une illégalité fautive1, soit d’une abstention pure et simple que le juge sanctionne dans le cadre du contentieux de la responsabilité2. La notion de carence fautive a en outre été étendue à des situations de carence partielle correspondant à des hypothèses où l’autorité de police a bien agi, mais de façon non conforme à ce qui aurait dû être. Le contrôle et la sanction de telles situations ont permis au juge administratif de dépasser la seule affirmation de l’obligation d’agir des autorités administratives pour en préciser davantage les contours et lui donner un contenu.

190 Le juge a d’une part, dégagé l’existence d’une obligation de diligence pesant sur

les autorités de police en sanctionnant toute intervention anormalement tardive. C’est ainsi le retard de l’administration à interdire l’utilisation de produits sanguins non chauffés pour la transfusion sanguine qui fut reproché à l’État par la Haute juridiction

administrative dans ses arrêts d’Assemblée du 9 avril 19933. Dans le même sens,

l’Assemblée du Conseil d’État a, dans deux arrêts du 3 mars 2004, retenu comme fautif, et de nature à engager sa responsabilité, le retard pris par l’État pour renforcer la réglementation permettant la protection des salariés contre les risques liés aux poussières

1Cf. les exemples citéssupran° 185.

2Outre les espèces précitées, cf. C.E., 13 févr. 1948, C.G.E. c. Cne de Caluire-et-Cuire, n° 71.155,

Rec. p. 80 (négligences des autorités communales en matière d’hygiène ayant favorisé l’émergence

d’une épidémie de fièvre typhoïde) ; ― 26 oct. 1962, Ville de Toulouse, n° 51.538,Rec. p. 573 (abs-tention fautive d’une commune qui n’a pas exécuté les travaux exigés pour la salubrité d’un fossé à

l’usage d’égout) ; ― Sect., 4 mai 1979, Min. de la Santé c. de Gail, préc. (carence de l’administration à modifier, au vu d’un nombre anormalement élevé de complications neurologiques, les instructions administratives concernant l’emploi d’un vaccin antirabique lyophilisé dont le ministre avait imposé

l’usage) ; ― 15 juin 1987, Soc. navale des Chargeurs Delmas-Vieljeux et a., nos 39250, 39291 et 39308, Rec. p. 216 ; R.F.D.A. 1988, p. 508, concl. O. SCHRAMECK(passivité des pouvoirs publics avertis de l’imminence du blocage d’un port sans qu’aucune raison ne puisse justifier cette absten-tion) ; T.A. de Rennes, 3 févr. 1983,Gourronc, cité sous l’art. L. 512-12 duCode de l’Environnement

2007 des éd. Dalloz, n° 5 (le fait qu’un chenil a fonctionné près de deux ans en dépit des plaintes de tiers avant que ne soient imposées les mesures qui convenaient est constitutif d’une faute de nature

à engager la responsabilité de l’administration) ; ― 6 nov. 1996, M. Monnerais, n° 924-940, Petites affiches1996, n° 143, p. 4, concl. L. GROS(carence du maire à empêcher la divagation d’animaux dangereux). Cf. également C.A.A. de Bordeaux, 25 févr. 1993, Secrétaire d’État chargé de l’Environnement et Cne de Saint-Pée-sur-Nivelle, n° 90BX00281 et n° 90BX00349,Rec. tables p. 897 ; C.E., Ass., 9 avr. 1993,M. G.,M. D.etM. et Mme B.(3 esp.), n° 138652, n° 138653 et n° 138663,

Rec. p. 110, concl. H. LEGAL;D.1993, p. 312, concl. ;R.F.D.A.1993, p. 583, concl. ;A.J.D.A.1993, p. 344, chron. Ch. MAUGÜÉet L. TOUVET; D. 1994, SC, p. 63, obs. P. BONet Ph. TERNEYRE;J.C.P.

1993, II, 22110, note C. DEBOUY;Rev. adm.1993, p. 561, note P. FRAISSEX;Quot. jur.du 15 juill. 1993, p. 6, note M. DEGUERGUE ; ― Ass., 3 mars 2004, Min. de l’Emploi et de la Solidarité…(4 esp.), préc.; ― 5 juill. 2004, Lescure, n° 243801, Rec. tables p. 838 ; A.J.D.A. 2005, p. 66, obs. F.-G. TRÉBULLE; Envir. 2004, n° 119, obs. D. GILLIG. Toutefois la faute de la victime peut partiellement exonérer l’administration de sa responsabilité : cf. C.A.A. de Versailles, 8 mars 2006, Cne de Taverny, préc.

3C.E., Ass., 9 avr. 1993, M. G.,M. D.etM. et Mme B.(3 esp.), préc. De même que le retard fautif de l’État à mettre en place des tests de dépistage du VIH sur les dons de sang engage sa responsabilité pour les contaminations provoquées par des transfusions réalisées entre le 2 mars 1985 et le 1eraoût 1985, soit entre la date à laquelle le test de F. Abott a été autorisé aux État-Unis et celle où il a été rendu obligatoire en France : T.A. de Paris, 21 juin 2000, Beaumer et a., n° 9412460,Rec. tables p. 1224.

d’amiante1. En assimilant de tels retards à une faute d’abstention, le juge a soumis les autorités de police à une obligation de diligence : il ne suffit pas que l’administration informée d’une situation de désordres intervienne pour y remédier, il faut encore que son intervention soit assez rapide pour que le trouble soit immédiatement pris en charge2.

Il reste à savoir quel est le point de départ de cette obligation d’action. Cette question délicate a fait l’objet d’évolutions importantes depuis les arrêts d’Assemblée du 9 avril 1993. Une certitude existe : l’obligation d’agir n’est pas seulement une obligation de réagir. La police administrative se caractérisant par sa fonction préventive, les autorités compétentes doivent, dans la mesure du possible, intervenir dès que le trouble est constitué et avant que le dommage ne se réalise3. La jurisprudence traditionnelle ne retient d’obligation pour l’autorité de police sanitaire qu’à une double condition : qu’elle soit pleinement avertie de la situation de trouble et que le danger soit établi4. Sans être remises en cause, ces deux conditions ont récemment fait l’objet d’importantes précisions. D’une part, il ne suffit pas que l’administration attende d’être avertie de risques éventuels pour la santé publique, il lui appartient encore, a précisé le Conseil d’État, de se «tenir informée des dangers» que peuvent courir les personnes5. D’autre part, il est aujourd’hui admis que l’obligation d’agir de l’administration est constituée dès lors qu’existe «un risque sérieux» pour la santé publique et la possibilité d’y parer. C’est ainsi que le Conseil d’État a, dans « l’affaire du sang contaminé », retenu que l’État avait l’obligation d’interdire l’utilisation thérapeutique de produits sanguins non chauffés dès le 22 novembre 1984, date à laquelle l’administration était informée de l’existence d’un risque établi par la communauté scientifique et des moyens permettant d’empêcher la contamination par voie transfusionnelle6.

1C.E., Ass., 3 mars 2004,Min. de l’Emploi et de la Solidarité c. Csts BourdignonetMin. de l’Emploi et de la Solidarité c. Csts Thomas (2 esp.), préc. Des développements plus importants seront consacrés à cette question,infranos476 et 555.

2Cf. également C.A.A. de Bordeaux, 16 avr. 1992,Mme D. Brunet, préc. ; T.A. de Paris, 21 juin 2000,

Beaumer et a., préc. oude Lille, 20 avr. 2006,Didier Marsal c. Mangin, n° 0400118,R.D. rur. juin-juill. 2006, p. 37, note B. BERNABEU. Sur cette question,cf.notamment J.-Ph. PAPIN,op. cit., p. 371-374 ; G. MARTIN, La responsabilité de la puissance publique pour retard, Petites affiches 1999, n° 174, p. 4-9 (1èrepartie) et n° 175, p. 4-11 (2epartie) et Ph. MOREAU, La responsabilité de l’État du fait des mesures de police phytosanitaire, note sous C.A.A. de Marseille, 10 janv. 2005, Min. de l’Agriculture et de la Pêche c. Soc. Durance Crau, n° 00MA01810,A.J.D.A. 2005, p. 1249.

3Cf. C.E., 15 juin 1987,Soc. navale des Chargeurs Delmas-Vieljeux et a., préc. et les conclusions de M. SCHRAMECK,R.F.D.A.1988, p. 508 : Les autorités compétentes averties de l’imminence du mouve-ment syndical auraient dû intervenir avant le déclenchemouve-ment de cette action.

4Cf.par exemple C.E., 16 oct. 1987,Cts Piallat c. Cne d’Uzès, n° 58465, inédit.

5C.E., Ass., 3 mars 2004, Min. de l’Emploi et de la Solidarité(4 esp.), préc. Ce point sera développé

infranos476 et 545.

6C.E., Ass., 9 avr. 1993,M. G.,M. D.etM. et Mme B.(3 esp.), préc. Il a, sur ce point, annulé l’arrêt de la C.A.A. de Paris qui n’avait retenu la faute d’inaction qu’à compter du 12 mars 1985 (Plén., 16 juin 1992, M. X., Min. des Affaires sociales et de l’Intégration c. M. Z. et M. M. Y. (3 esp.), n° 92PA00050, n° 92PA00156 et n° 92PA00098,Rec. p. 541 ;A.J.D.A.1992, p. 678, note L. RICHER). Comme l’a bien résumé le commissaire du Gouvernement LEGALdans ses conclusions sur ces arrêts, l’obligation d’agir existe à partir du moment où est révélé «un risque suffisamment manifeste pour interdire l’inaction» (op. cit., p. 596). La question est aujourd’hui de savoir si la responsabilité pour faute de l’administration pourrait être engagée pour « défaut de précaution »,cf. infranos604 s.

191 En plus de cette obligation de diligence, le juge a d’autre part, défini une obligation de suffisance de l’intervention des autorités publiques. Cette obligation, déjà révélée par l’arrêt du 9 avril 1993 qui indique incidemment la mesure qu’auraient dû adopter les autorités sanitaires1, a été consacrée avec éclat par les arrêts d’Assemblée du 3 mars 2004 qui vont jusqu’à définir une obligation d’efficacité maximale des mesures de protection de la santé publique2.

Quoique substantiellement renforcée par ces arrêts3, l’obligation d’efficacité n’est toutefois pas nouvelle. Même s’il est parfois difficile de la repérer sur le terrain de la responsabilité où le juge distingue rarement l’action insuffisante de l’abstention4, cette obligation, qui se situe dans la logique du droit du maintien de l’ordre public, a pris racine bien avant les affaires de santé publique qui ont émaillé l’actualité de ces dernières

années. Outre l’arrêt Marabout5, l’arrêt de Section Commune de Merfy du 28 octobre

1977 en fournit une bonne illustration6. En l’espèce, la responsabilité de la commune était était mise en cause à propos de deux incendies qui, ayant pris naissance dans un dépôt d’ordures non autorisé situé sur une propriété privée, avaient ravagé une partie des peupleraies situées aux alentours. Les habitants du voisinage et la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales avaient auparavant attiré plusieurs fois l’attention du maire sur les dangers que faisait courir ce dépôt sauvage à la sécurité et à la salubrité publiques. Alerté, le service des ponts et chaussées avait mis en place une signalisation interdisant la décharge d’immondices. À sa demande, des procès-verbaux avaient par ailleurs été dressés à l’encontre de plusieurs récalcitrants. Pour le Conseil d’État, toutefois, ces mesures ne pouvaient suffisamment répondre à l’obligation

incombant au maire de faire cesser ces causes d’insalubrité et d’insécurité. «Devant

[leur] inefficacité […],précise l’arrêt, il lui appartenait d’user des pouvoirs qu’il tenait

1Il s’agissait en l’espère de l’interdiction d’emploi des produits non chauffés.Cf. infranos559 s.

2C.E., Ass., 3 mars 2004, Min. de l’Emploi et de la Solidarité c. Xueref etMin. de l’Emploi et de la Solidarité c. Botella(2 esp.) préc.

3Cf. infranos546 s.

4Les arrêts du 9 avr. 1993 fournissent un exemple remarquable de cette assimilation. On sait en effet qu’avant d’interdire l’usage de produits sanguins non chauffés, le ministre chargé de la Santé avait par un arrêté du 23 juill. 1985 supprimé le remboursement de ces produits à compter du 1er

octobre suivant. En première instance, le tribunal administratif de Paris, suivant les conclusions de Mme STAHLBERGER, avait considéré que cette intervention suffisait pour satisfaire à l’obligation d’agir de l’administration (T.A. de Paris, 30 déc. 1991,R.F.D.A. 1992, p. 552, concl. STAHLBERGER). Ni la Cour administrative d’appel, ni le Conseil d’État ne se rangeront à cette opinion, ce dernier relevant que l’obligation d’agir consistait en l’occurrence en une obligation d’interdire. Le non-remboursement des produits sanguins non chauffés ne pouvait donc être considéré comme une mesure suffisante (C.E., Ass., 9 avr. 1993,M. G.,M. D.etM. et Mme B.(3 esp.), préc.).

5C.E., Ass., 20 oct. 1972,Marabout, préc.

6C.E., Sect., 28 oct. 1977,Cne de Merfy, nos95.537 et 01.493,Rec. p. 406.Cf.également, C.E., 27 nov. 1974,Cne de Villenave-d’Ornon c. Sieur Bayens, n° 89.872, Rec. p. 586 (où le juge examine précisément l’efficacité des mesures de police adoptées) ;24 janv. 1990,M. Painot, préc. ; C.A.A. de Nancy, 25 juin 1992,Cne de Tombelaine, préc. et de Bordeaux, 19 mai 1993,M. et Mme Hébert Néis, n° 91BX00503,Petites affiches1996, n° 92, p. 46, note J.-P. AMADÉI. Sur ce point,cf.la note de M. CABANESet M. LÉGERsous C.E., Ass., 20 oct. 1972, Marabout, A.J.D.A. 1972, p. 583 ; J.-Ph. PAPIN, op. cit., p. 370-371 et M. PAILLET, La faute du service public en droit administratif français, L.G.D.J., 1980, Bibl. de droit public, p. 313 s.

des dispositions de l’article 101 du Code de l’administration communale pour faire exécuter sur les propriétés privées les travaux nécessaires pour mettre fin au danger. […] En s’abstenant d’agir eten se bornant à quelques démarches administratives, le maire de Merfy [avait], par son inaction, commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune»1.

On doit en déduire que si l’administration peut disposer d’une certaine marge de

manœuvre dans le choix de ses moyens d’action, cette liberté est limitée par son

obligation d’employer celui ou ceux qui sont réellement adaptés à la situation, sans négliger aucune possibilité. L’obligation qui pèse sur les autorités de police administrative est, selon les formules jurisprudentielles, une obligation de prendre les

mesures «nécessaires» ou «propres» à prévenir ou faire cesser le trouble, ce qui

suppose qu’elles soient suffisantes et efficaces.

192 Certains auteurs ont pu voir ici l’affirmation par le juge d’une obligation de résultat

incombant à la puissance publique dans le maintien de l’ordre2. Effectivement, cette jurisprudence souligne la tendance du juge à prendre de plus en plus en compte

l’efficacité de l’action administrative3. Cependant, si de telles solutions tendent

évidemment à renforcer l’obligation d’agir qui pèse sur les autorités de police administrative, celle-ci ne peut être autrement définie que comme une obligation de moyens au sens où l’entend le droit civil.

Une intervention insuffisante n’est en effet constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration qu’à une triple condition. Premièrement, il faut que les mesures édictées ou les actes réalisés soient manifestement insuffisants pour prévenir ou faire cesser le trouble. Autrement dit, l’action de l’autorité de police ne sera insuffisante que si le trouble lui subsiste4. Deuxièmement, l’action de police ne doit pas se heurter à des obstacles d’ordre juridique ou circonstanciel empêchant son action5. Troisièmement, et ce point est essentiel, il doit être établi que l’autorité dont on recherche la responsabilité disposait, au moment où elle est intervenue, de moyens légaux plus vigoureux que ceux qu’elle a employés pour remédier à la situation de désordre. Dans le cas contraire, l’inefficacité de ses mesures ne peut être assimilée à une carence fautive6.

1Mots soulignés par nous.

2 Cf., entre autres, R. ROMI, La responsabilité pour carence des autorités de police administrative,

Petites affiches1986, n° 148, p. 28-36.

3Cf.infranos546 s.

4C.E., 6 juin 1984,Artaud, n° 4385,Rec. tables p. 860 ;D.1986, IR, 28, obs. MODERNEet BON.

5Cf. C.E., Ass., 7 mai 1971,Min. de l’Economie et des Finances et Ville de Bordeaux c. Sastre, préc. ;

― Ass., 20 mars 1974, Min. de l’Aménagement du Territoire… c. Navarra, préc. et les concl. de M. ROUGEVIN-BAVILLE. Se reporter également aux arrêts d’AssembléeM. G.,M. D.etM. et Mme B.du 9 avril 1993, préc. Il est manifeste en effet que la carence fautive de l’État n’aurait pas été retenue s’il n’avait pas existé une possibilité de parer à la contamination des malades hémophiles.

6C.E., 19 févr. 1982, Cté de défense du quartier Saint-Paul, n° 09899,Rec. tables p. 539 ;D. 1983, IR, 318, obs. P. BONet F. MODERNE.

L’autorité de police ne peut être tenue pour responsable de la survenance d’un dommage dès lors qu’elle a mis enœuvre tous les moyens légaux dont elle dispose ; il s’agit bien d’une obligation de moyens.

C’est notamment ce qu’il ressort de l’arrêt du Conseil d’État, Commune de

Montmorot, en date du 14 décembre 19811. En l’espèce, était reprochée à la commune la pollution des sources d’un particulier par les eaux usées émanant de porcheries voisines. Pour éviter cette situation, le maire avait à plusieurs reprises enjoint aux propriétaires des fonds de se conformer aux dispositions du règlement sanitaire et avait averti les autorités compétentes pour que soient constatées les infractions commises par eux. Malgré l’inefficacité de cette action, le juge a refusé de considérer l’existence d’une faute dans la mesure où le maire ne disposait pas d’autre moyen d’intervention et qu’il ne pouvait légalement, en dehors d’un péril imminent, se substituer au préfet dans l’exercice de la police des établissements insalubres2.

Il n’est donc pas question ici d’obliger les autorités de police administrative à parvenir à un résultat. Une telle obligation serait absurde et très certainement dangereuse : le risque zéro n’existe ni en matière d’ordre public ni en matière sanitaire. Ce que le juge recherche, c’est que l’administration mette réellement enœuvre tous les moyens dont elle dispose pour assurer la sécurité. Il ne s’agit donc pas de lui reprocher de ne pas être parvenu à maintenir l’ordre, mais bien de l’obliger à agir au mieux pour y parvenir3. C’est dans ce contexte qu’il faut alors resituer le recul constant de la faute lourde qui, notamment, permet au juge de préciser les contours et le contenu des obligations de sécurité imparties à l’administration.

Outline

Documents relatifs