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Les dérogations aux exigences normales de la légalité

L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE, SOURCE D’UN « DROIT DE LA NÉCESSITÉ SANITAIRE »

L’ APPLICATION D ’ UN RÉGIME DÉROGATOIRE DE PUISSANCE PUBLIQUE

A.- U N MÉCANISME D ’ ÉVICTION DE LA RÈGLE NORMALE DE DROIT

1) Les dérogations aux exigences normales de la légalité

125 Ces dérogations concernent tant la légalité externe que la légalité interne des actes

que l’administration édicte pour la protection de la santé publique. Les exceptions aux règles de la légalité externe touchent celle-ci dans ses trois éléments de procédure, de forme et de compétence. En ce qui concerne les deux premiers, on notera que si le droit de la police administrative est traditionnellement peu formaliste2, ses effets dérogatoires 1Ibid., p. 31.

2Ainsi, le juge administratif a toujours refusé d’imposer aux autorités administratives des conditions de forme ou de procédure supplémentaires à celles exigées par la loi dès lors qu’elles agissent pour la sauvegarde de la santé publique. Cf. par exemple, C.E., Sect., 25 avr. 1958, Soc. « Laboratoires Geigey », n° 26.481, Rec. p. 236, concl. L. HEUMANN; A.J.D.A.1958, p. 227, chron. J. FOURNIERet M. COMBARNOUS; J.C.P. 1958, 10747, note F. G. et ― 5 oct. 1962, Soc. des Laboratoires Lambert, nos54.997 à 54.999, Rec. p. 516 («Eu égard à la nature que présente une mesure de retrait de visa

[d’une spécialité pharmaceutique] prise par le ministre dans l’intérêt de la sauvegarde de la santé publique, aucun principe général du droit, applicable même en l’absence d’un texte, n’impose à l’autorité administrative l’obligation de provoquer les observations de l’établissement intéressé sur les

ont été très largement atténués par le législateur. La règle demeure qu’aucun principe général du droit n’impose à l’administration le respect de formes ou de procédure qui n’ont pas été prévues par la loi1. Celle-ci a toutefois assujetti l’action « normale » des autorités de police à des exigences renforcées de forme et de procédure2de telle sorte que les exceptions aux règles de la légalité externe autorisées par l’ordre public sont aujourd’hui limitées aux cas où celui-ci est associé à ces autres notions dérogatoires que sont l’urgence et les circonstances exceptionnelles3. La nécessité de l’intervention est alors de nature à couvrir les illégalités de forme ou de procédure qui entachent son action4.

motifs retenus par le comité technique des spécialités, avant de se prononcer sur la proposition de retrait formulée par ledit comité»). Dans le même sens, C.E., Sect., 12 juin 1959, Min. de la Santé publique c. sieur Prat-Flottes et Soc. des Instituts de plein air, n° 45.331,Rec. p. 361 ;A.J.D.A.1960, p. 96, concl. H. MAYRAS;R.D.P. 1959, p. 1032 (fermeture d’un établissement de cure) ; ― 27 janv.

1982,M. Joseph Bardin et a., n° 34.203,R.D.P.1982, p. 1707 (fermeture d’urgence d’une maison de

retraite) ; ― Ass., 11 juill. 1984, Blat, n° 21.733, Rec. p. 260 (suspension temporaire du droit d’exercer la médecine prononcée par le conseil régional de l’Ordre des médecins de Paris en raison de l’état de santé du praticien). Le Conseil d’État n’a pas davantage exigé la motivation des décisions en dehors des cas définis par la loi :cf. C.E., 22 févr. 1952,Soc. des Laboratoires Conan, nos 94.441, 98.516 et 99.170,Rec. p. 133 ;D. 1952, p. 133 ; ― 16 mars 1955, Laboratoires Sareins, n° 16.044,

Rec. tables p. 807 ;D.1955, p. 277.

1Pour le rappel du principe,cf. C.E., 12 mai 1989,Min. des Départements et des Territoires d’Outre-mer c. Mme Piermont, n° 85851, Rec. p. 444. Pour son rappel en matière sanitaire : C.E., 17 févr. 1992, Synd. des marchands forains de Carcassonne et env., n° 126222, Rec. tables p. 1159 ; ― 6

févr. 1998,Epx Georges, n° 154394,Rec. tables, p. 735. De la sorte, n’ont pas à être motivées les autorisations de mise sur le marché de médicaments qui n’entrent pas dans le cadre de la loi du 11 juill. 1979 (C.E., Ass., 21 déc. 1990,Conféd. nat. des assoc. familiales catholiques, préc. etAss., 21 déc. 1990,Assoc. pour l’objection de conscience à toute participation à l’avortement Assoc. des mé-decins pour le respect de la vie, n° 111417,A.J.D.A. 1991, p. 157 et p. 91, étude C.M., F.D. et Y.A. ;

R.F.D.A.1990, p. 1076), ni les refus décidés en vertu de l’article L. 356 C.S.P. (art. L. 4111-1) du droit d’exercer la médecine qui n’est pas un refus d’autorisation ni une mesure restrictive de liberté au sens de la loi du 11 juill. 1979 (C.E., 18 févr. 1998, Min. délégué à la Santé c. Mme Meyer, n° 167386,Rec. tables, p. 693), ni même les refus de prendre une mesure de police qui n’apparaît pas comme une décision défavorable (C.E., 12 mars 1986,Préfet de Police de Paris c. M. Metzler, Coll et Engel, n° 52101,Rec. p. 70 ;D.1986, p. 422, note Ph. TERNEYRE).

2 D’une part, de nombreuses polices sanitaires spéciales soumettent l’administration au respect d’exigences de forme et de procédure particulières. C’est le cas, par exemple, de la police des im-meubles insalubres qui subordonne la légalité des arrêtés préfectoraux au respect de formalités substantielles visant à garantir l’information et l’expression des intéressés (cf.par exemple C.A.A. de Bordeaux, 1erjuill. 1993, Min. de la Santé et de l’Action humanitaire c. Sarrazy, n° 92BX00371,Rec. tables p. 921). D’autre part, le droit de la police administrative a évolué sous l’effet des législations protectrices des droits des administrés intervenues depuis la fin des années 1970 et de nouvelles contraintes sont apparues lors de l’édiction des actes qui alourdissent notablement les conditions de leur légalité externe. Il n’est pas besoin de s’appesantir sur cet aspect connu du droit administratif. Il suffit de rappeler que la loi du 11 juillet 1979 a soumis l’administration à l’obligation de motiver certaines de ses décisions. Sur son application en matière sanitaire, cf. par exemple C.E., 7 juin 1985, Soc. ACOPA S.A., n° 62.196, Rec. p. 177 ; D.A. 1985, n° 344 ; R.F.D.A. 1986, p. 57, concl. LATOURNERIE ; ― 7 mai 1993, Min. de l’Agriculture c. S.A.R.L. Cevlot, n° 107221,Rec. tables p. 920 ;

― 29 déc. 1995, Mlle Cabrera, n° 147685,Rec. tables p. 623 ; C.A.A. de Lyon, 8 mars 1994,Soc. Elf France, n° 92LY00635, inédit. Cette obligation s’applique en particulier aux décisions individuelles défavorables, notamment celles qui restreignent l’exercice d’une liberté publique, et, depuis la loi du 17 janvier 1986, aux décisions de refus d’une autorisation. L’article 8 du décr. n° 83-1025 du 28 novembre 1983, repris et généralisé par l’art. 24 de la L. n° 2000-321 du 12 avr. 2000 préc., a par ailleurs complété l’obligation de motivation en exigeant que l’auteur de telles décisions suive une procédure contradictoire.Cf. par exemple T.A. de Lille, 7 août 1995,Thellier, n° 93-1177,Rec. tables p. 647.

3Par exemple, C.A.A. de Paris, 29 nov. 2006,A.R.H. d’Île-de-France c. S.A.R.L. Clinique Victor Hugo Spontini, n° 02PA02090, inédit : aucun principe général du droit n’impose qu’une mesure de suspen-sion d’une autorisation de fonctionner d’un établissement de santé prise en urgence à la suite de multiples et graves manquements révélés par plusieurs inspections soient précédée d’une procédure contradictoire. Sur l’urgence sanitaire, v.infran° 273.

4 Ce cas ne fait toutefois pas obstacle à une régularisation ultérieure lorsqu’elle est possible. Un intéressé est ainsi en droit d’obtenir communication des motifs de la décision dans le délai d’un mois

126 En revanche, l’ordre public garde toute sa force créatrice d’une légalité particulière s’agissant de la répartition des compétences d’action. La nécessité de sauvegarder la santé publique peut en effet autoriser la modification de la répartition normale des compétences qui est pourtant l’une des garanties fondamentales de l’État de droit. Cet effet perturbateur est parfois prévu par un texte. Le pouvoir de substitution accordé au préfet en cas de négligence d’un maire à faire usage de ses prérogatives de police générale constitue l’exemple type de ce genre de dérogations1. Un autre exemple, plus spécifique, peut être trouvé dans le pouvoir de substitution directement accordé au juge administratif en matière d’installations classées2.

En dehors même de ces hypothèses particulières, l’ordre public sanitaire agit comme une norme directe et implicite d’habilitation des autorités de police générale qui peuvent intervenir proprio motu, y compris dans des matières régies par une législation spécifique. L’exemple le plus significatif est très certainement celui de la police générale nationale. Ce pouvoir, consacré par la jurisprudence, déroge à la répartition matérielle des compétences entre les autorités réglementaires et législative établie par les articles 34 et 37 de la Constitution puisqu’il permet aux dépositaires du pouvoir réglementaire de limiter l’exercice d’une liberté publique sans autorisation ni habilitation législative3. Il faut par ailleurs noter que ce type de raisonnement se retrouve aujourd’hui en dehors du cadre strict de la police administrative. Par un arrêt du 30 juillet 1997, le Conseil d’État a

notamment considéré «qu’il appartient au ministre chargé de la Santé, même en

l’absence de texte l’y autorisant expressément, de prendre les mesures permettant de mettre en garde le public contre des produits dont la consommation présente un risque

suivant sa demande, si celle-ci est présentée dans le délai du recours contentieux. L’insuffisance de cette motivationa posterioriest alors de nature à entraîner l’annulation de la décision initiale : C.E., 7 mai 1993,Min. de l’Agriculture c. S.A.R.L. Cevlot, préc.

1Art. L. 2215-1 1° C.G.C.T. : «Le représentant de l’État dans le département peut prendre, pour tou-tes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l’État dans le département à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultat».

2Le contentieux des installations classées, contentieux de pleine juridiction, accorde en effet au juge administratif les compétences nécessaires pour garantir les intérêts mentionnés à l’art. 1er de la L. n° 76-663 du 19 juill. 1976 préc. (art. L. 511-1 C. envir.) : C.E., Sect., 14 mai 1948,Min.de la Pro-duction industrielle c. Sieur Courtial, n° 76.265, Rec. p. 210. Le juge peut notamment modifier les mesures techniques prescrites par le préfet pour faire cesser les inconvénients dus à l’ouverture ou au fonctionnement de l’installation en les complétant (C.E., 11 avr. 1986 et 27 mai 1988,Soc. indus-trielle armoricaine de légumes (S.I.A.L.E.) (2 esp.), n° 57.894, Rec. p. 90 (1ère esp.), tables p. 22 (2e

esp.) ; D.A. 1988, n° 381), en les aggravant (C.E., 27 nov. 1957, Ville de Meudon, n° 21.847, Rec. tables p. 924 ; 11 déc. 1987, SODERAPOR, n° 73570, inédit) ou en les atténuant (C.E., 27 mai 1988, Soc. industrielle armoricaine de légumes, préc.). Il peut également décider du classement des activités exercées dans l’établissement (C.E., 7 févr. 1968, Épx Cherest, nos 53.963 et 56.249, Rec. tables p. 969), de leur changement de catégorie (C.E., 30 janv. 1974,Min. délégué auprès du Premier ministre chargé de la Protection de la nature et de l’Environnement, n° 89.956, Rec. p. 72) ou du déplacement de l’établissement (C.E., 19 déc. 1934, Min. du Commerce et de l’Industrie c. Scherly, n° 39.910,Rec. p. 1201). Sur l’incompétence du juge judiciaire en la matière : Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2007,Fare sud et a. c. Soc. Evere, n° 06-21.054,J.C.P.A 2007, n° 2344, note O. RENARD-PAYEN.

3Cf. C.E., 2 mai 1973,Assoc. cultuelle des Israélites nord-africains de Paris, n° 81.861,Rec. p. 313 ;

R.D. rur.1974, p. 13, note J. MOREAU;21 juill. 1989,Assoc. des médecins pour le respect de la vie, préc. ; 19 mars 2007,Mme Le Gac et a., préc.

grave pour la santé»1. La santé publique offre ainsi une certaine autonomie à l’administration qui doit pouvoir agir directement dès lors que sa sauvegarde l’exige.

127 Les dérogations autorisées par les nécessités de la santé publique concernent

également les règles de fond qui gouvernent normalement l’action de l’administration. Ce mécanisme d’exception au droit commun est particulièrement bien illustré en matière de police générale. La jurisprudence a en effet défini un certain nombre d’exigences qui s’imposent normalement aux autorités titulaires de ce pouvoir. Parmi ces règles figurent notamment le principe du libre choix des moyens qui interdit à l’autorité de police de prescrire les moyens de parvenir au but qu’elle a fixé2 et la prohibition des mesures générales et absolues3. Or, les nécessités de la santé publique justifient qu’il puisse être dérogé à chacune de ces règles. Le principe du libre choix des moyens cède toutes les fois où le moyen prescrit par l’autorité de police est le seul concrètement envisageable pour parvenir au but recherché4ou lorsqu’il est prévu au règlement sanitaire5. De même, une mesure générale et absolue peut légalement être édictée lorsque les nécessités de la santé publique l’imposent6. Il faut enfin remarquer que ces dérogations au droit commun ne concernent pas seulement les activités de police. Ainsi, par exception à la jurisprudence

Chambre syndicale du commerce en détail de NeversetOrdre des avocats au Barreau de Paris7, la création de services publics locaux peut être affranchie du respect du principe 1C.E., 30 juill. 1997,M. Lucien Boudin, préc.

2 Sur l’origine de ce principe, cf. supra nos 59 et 81 et infran° 158. Pour des exemples de son application,cf. C.E., 9 mai 1913,Sieur Rouard, n° 49.648,Rec. p. 520 ;4 juin 1935,Soc. Georges Vincent et fils, n° 41.867, Rec. p. 650 ; ― Sect., 21 févr. 1947, Sieur Barsi, préc. ; ― Ass., 16 mai

1947,Sieur Gourlet, préc. ; ― 30 sept. 1955, Loizement, n° 21.824,Rec. tables p. 807 ; ― Sect., 5 févr.

1960,Cne de Mougins, n° 42.735,Rec. p. 83 ; Cass. crim., 19 janv. 1968,Zaegel,D.1968, p. 549.

3Cette prohibition concerne tout particulièrement les interdictions, v.supran° 81. Elle a été étendue aux mesures qui, trop restrictives, sont assimilées à des interdictions générales et absolues : C.E., Sect., 27 mars 1936, Assoc. cultuelle israélite de Valenciennes, préc. ; ― 17 févr. 1937, Sieur Combeau, préc. ; Cass. crim., 2 févr. 1955,Bouget,D.1955, p. 275 ; C.E., Sect., 4 mai 1984,Préfet de Police c. Guez, n° 49.153,Rec. p. 164,A.J.D.A.1984, p. 393, concl. O. DUTHEILLET DELAMOTHE.

4 C.E., 28 mars 1885,Languellier, n° 62.338,Rec. p. 388, concl. GOMEL ; ― 23 janv. 1887, Pral,

D. 1888, 3, p. 54 ; ― Ass., 4 janv. 1935, Dame Baron, n° 37.911,Rec. p. 16 ; D. H.1935, p. 150 ;

― 28 mai 1935, Dame Vve Fauvel, n° 29.850,Rec. p. 607 ; – Sect., 21 févr. 1947,Sieur Varlet, préc. ;

― 4 nov. 1959, Mantouche, n° 14.956,Rec. tables p. 935 ; ― 27 juill. 1990, Cne d’Azillé c. M. Andorra, n° 85741, inédit.

5Cf. C.E., 19 mai 1954, Sieur Legrand, préc. ; ― Sect., 28 avr. 1961, Cne de Cormeilles-en-Parisis, préc.

6C.E., 6 août 1910, Sieur Levavasseur, préc. (Le maire peut valablement prescrire que serait seul autorisé sur le territoire de la commune l’épandage des matières de vidange extraites des fosses d’habitation de cette commune, une pareille mesure, en raison des conditions particulières à cette

commune, étant justifiée par des nécessités supérieures d’hygiène) ; ― Sect., 6 janv. 1933, Sieur Mesnil-Guichard, n° 20.673, Rec. p. 15 (légalité de plusieurs arrêtés municipaux interdisant à un entrepreneur la vente de la viande de cheval sur les marchés et par colportage qui sont justifiés par les précautions spéciales de surveillance sanitaire nécessitées par la manipulation et la

consomma-tion de cette viande) ; ― 17 févr. 1937, Sieur Combeau, préc. (légalité des dispositions d’un arrêté municipal faisant obligation aux propriétaires de pigeons de tenir leurs oiseaux enfermés, cette me-sure étant indispensable dans l’espèce pour éviter la contamination des eaux des citernes).Cf. éga-lement, C.E., 19 mai 1954,Sieur Lagrèze, préc. ; ― Sect., 2 nov. 1956, Soc. coopérative laitière de Hermes, préc. ; ― Sect., 2 nov. 1956, Sieur Biberon, préc. ; ― 10 juill. 1957, Feltin, nos 8.157 et 11.409,Rec. tables p. 873 ; ― Sect., 28 nov. 1980, Cne d’Ardres, préc. D’autres exemples sont don-nés,supran° 81.

7C.E., Sect., 30 mai 1930, Chbre synd. du commerce en détail de Nevers, n° 06.781, Rec.p. 583 ;

G.A.J.A.n° 44 ;R.D.P.1930, p. 530, concl. P.-L. JOSSE;S.1930, 3, p. 73, concl. et note R. ALIBERTet

de la liberté du commerce et de l’industrie dès lors que ces services concourent à la salubrité et à l’hygiène publiques1.

128 En somme, les intérêts de la santé publique permettent la mise en œuvre de ce

«mécanisme d’éviction»2 consacré par l’ordre public et jouent un rôle de dérogation, d’exception, de restriction ou de neutralisation du droit normalement applicable. Cette caractéristique propre à l’ordre public offre dès lors, au-delà de la diversité des polices de la santé publique, un critère fonctionnel, tangible et unitaire d’identification de l’ordre public sanitaire. Nonobstant cette pluralité, il faut en effet considérer qu’il y a ordre public sanitaire dès lors qu’un impératif éminent de santé publique est valablement invoqué pour justifier que l’on écarte l’application d’un principe ou d’une règle « normale » du droit, que la notion d’ordre public soit ou non expressément utilisée en tant que telle3.

À ce stade, toutefois, une remarque s’impose. Elle tient à la portée réelle du mécanisme d’éviction de la règle de droit mis en œuvre par l’ordre public sanitaire. Il s’agit très certainement d’un élément essentiel d’identification de l’ordre public mais il ne peut être entendu commelecritère de définition de la notion. Car, si l’ordre public joue un rôle apparent de dérogation à la légalité, il ne peut, par nature, être compris comme faisant exception à la légalité à laquelle il demeure toujours conditionné.

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