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a) L’obligation d’appliquer les règles de protection de la santé publique

178 L’obligation de l’administration d’appliquer les règles de protection de la santé

publique résulte du principe général du droit administratif qui exige des autorités administratives qu’elles assurent l’exécution des règles édictées par elles ou par des autorités qui leurs sont supérieures. Cette obligation se traduit en particulier par l’illégalité des refus des autorités compétentes de prendre les mesures juridiques ou matérielles propres à en assurer l’effectivité. Elle peut également justifier que leur responsabilité soit engagée pour faute dans le cas où elles auraient manqué à leur obligation1.

179 En premier lieu, l’autorité de police administrative doit assurer l’exécution de ses

propres décisions et règlements. Cette obligation, dont on trouve les prémices dans la jurisprudence de la fin du XIXesiècle2, a notamment été affirmée par le célèbre arrêt de Section du Conseil d’État du 14 décembre 1962, Sieur Doublet, s’agissant de la carence d’un préfet à faire assurer le respect de sa réglementation en matière de camping3 et le

non moins connu arrêt d’AssembléeMaraboutdu 20 octobre 1972 relatif à la négligence

du Préfet de Police de Paris à faire respecter une interdiction de stationnement qu’il avait

1Cf.notamment C.E., Ass. 3 mars 2004,Min. de l’Emploi et de la Solidarité(4 esp.), préc.

2 Cf. C.E., 10 janv. 1890,Lorin c. Ville d’Angers, n° 67734,Rec. p. 4, bien que l’espèce concerne le cas particulier de l’indemnisation d’un entrepreneur chargé, par contrat, du nettoiement de la voie publique du fait de l’inexécution des prescriptions contenues par les règlements de police auxquels sont astreints les habitants annexés au cahier des charges.Cf.également C.E., Sect., 17 mai 1957,

Sieur Boyer, préc.

3C.E., Sect., 14 déc. 1962,Doublet, n° 50.114,Rec. p. 680 ;A.J.D.A.1963, p. 85, chron. Y. GENTOT

édictée1. Elle s’impose bien entendu aux autorités chargées de la police sanitaire. Par exemple, est entaché d’illégalité le refus d’un maire de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect d’un règlement municipal interdisant la sortie des boîtes à ordures pendant la nuit2. Est encore illégal l’arrêté du préfet du département de Finistère qui, nonobstant la lettre d’un précédent arrêté prévoyant que toute porcherie doit être implantée à plus de 100 mètres de tout immeuble habité par des tiers, autorise l’extension

d’une telle exploitation située à 36 mètres d’une maison d’habitation3. De même, la

carence des services de police à faire respecter les règlements municipaux relatifs au bruit et à la salubrité publique est-elle susceptible d’engager la responsabilité d’une commune4.

180 En second lieu, l’autorité compétente est tenue de prendre les mesures nécessaires

à l’application des règles édictées à un niveau plus élevé. Cette obligation intéresse tout d’abord l’exécution des mesures législatives (ou des normes de droit communautaire5) par l’autorité réglementaire6. Le Conseil d’État a depuis longtemps affirmé l’obligation des autorités compétentes de prendre les règlements nécessaires à l’application de la loi7et, comme l’illustrent bien ses arrêts d’Assemblée du 3 mars 2004 à propos de la contamination professionnelle par les poussières d’amiante8, sanctionne toute carence à 1 C.E., Ass., 20 oct. 1972, Marabout, n° 80068, Rec. p. 664 ; A.J.D.A. 1972, p. 581, chron. P. CABANES et D. LÉGER et p. 625, concl. G. GUILLAUME; Gaz. Pal. 1973, 1, p. 265, note J. ROUGEAUX;J.C.P.1973, II, 17373, obs. B. ODENT;R.D.P.1973, p. 832, note M. WALINE.

2C.E., 3 avr. 1968,Sieur Jardin, n° 72.861,Rec. p. 233 ;A.J.D.A.1968, p. 480.

3C.E., 20 janv. 1988,M. André Le Saint, n° 82157,Rec. tables p. 910.

4C.E., 4 oct. 1968,Sieur et dame Pascal, nos68.871 et 68.872,Rec. tables p. 875 (responsabilité non engagée en l’espèce, dans la mesure où, bien qu’établie, la carence des services de police n’a pas eu le caractère d’une faute lourde). Pour un autre exemple : C.E., 2 oct. 1953, Ville de Marseille c. Vinciléoni, nos8.867 et 10.747,Rec. p. 447 (la carence de la ville de Marseille à assurer le respect des prescriptions d’un arrêté municipal réglementant la tenue du marché au poisson constitue une faute de nature à engager sa responsabilité). V. encore T.A. de Strasbourg, 19 juin 1990, Assoc. Lindenkuppel c. Préfet du Hait-Rhin,R.J.E.1991, p. 221.

5 C.E., 12 mai 2004, Soc. Gillot, préc. Sur cette question, notamment réactualisée par l’arrêt d’Assemblée du Conseil d’État,Soc. Arcelor Atlantique et Lorraine et a., du 8 févr. 2007 (n° 287110,

Rec. p. 56, concl. M. GUYOMAR; G.A.J.A. n° 118 ; Petites affiches 2007, n° 157, p. 11, note Ph. CHRESTIA; D.A. 2007, n° 5, p. 9, note M. GAUTIER et F. MELLERAY; R.F.D.A. 2007, p. 5, note X. AGNON, p. 348, note M. GUYOMARet p. 564, étude A. LEVADE;R.D.P.2007, p. 1031, note J. ROUX;

D.2007, p. 2273, note M. VERPEAUXet p. 2742, note P. DEUMIER),cf.G. ALBERTON, L’applicabilité des normes communautaires en droit interne. Les autorités administratives françaises : obligation de faire et de ne pas faire,R.F.D.A.2002, p. 1-19 et S. LECLERCet X. MONDÉSERT, Vers une responsabi-lité des collectivités territoriales en cas de violation du droit communautaire,A.J.D.A.2002, p. 201-209 et F. CHALTIEL, Le juge administratif, juge européen, A.J.D.A. 2008, n° 6, p. 283-290, spéc. p. 287-288.

6Sur ce chapitre classique du droit administratif, se reporter notamment à J.-M. AUBY, L’obligation gouvernementale d’assurer l’exécution des lois,J.C.P.1953, I, 1080 ; M. GUIBAL, Le retard des textes d’application des lois, R.D.P. 1974, p. 1039 ; R. HANICOTTE, Le juge face au retard des textes d’application,R.D.P. 1986, p. 1667. Cf. également P. BONet D.DE BÉCHILLON, Responsabilité de la puissance publique, obs. sous C.E., 29 nov. 1999,Polyclinique des Alpilles, n° 177140,D.2000, SC, p. 253.

7C.E., Sect., 13 juill. 1951,Union des anciens militaires titulaires d’emplois réservés à la S.N.C.F. et aux chemins de fer algériens, n° 95.629,Rec. p. 403 ;Ass., 26 févr. 1962,Sieur Kervers-Pascalis, nos45.891 et 45.892,Rec. p. 475 ;D. 1963, p. 606, note J.-M. AUBY ; ― Ass., 27 nov. 1964, Min. des Finances et des Affaires économiques c. Dame vve Renard, n° 59.068,Rec. p. 590, concl. Y. GALMOT;

R.D.P. 1965, p. 716, concl. ; A.J.D.A. 1964, p. 678, chron. M. PUYBASSETet J.-P. PUISSOCHET; D. 1965, J., p. 632, note J.-M. AUBYetAss., 28 juin 2002, M. Villemain, nos220361 et 228325,Rec. p. 229 ; D.A. 2002 (10), n° 162, p. 21 ; note R.S. ; A.J.D.A. 2002, p. 586, chron. F. DONNAT et D. CASAS;R.F.D.A.2002, p. 723, concl. S. BOISSARD.

ce niveau. L’obligation d’exécution s’impose également aux autorités de police pour la mise enœuvre des réglementations édictées au niveau supérieur1. Commet ainsi une faute le maire qui, négligeant la lettre de l’article L. 33 (L. 1331-1) du Code de la santé publique et les dispositions du règlement sanitaire départemental, ne réalise pas la partie publique du branchement permettant de relier un immeuble privé au réseau public et d’assainissement et n’oblige pas les propriétaires d’immeubles à se raccorder au réseau d’évacuation des eaux usées2. L’abstention du maire à faire appliquer les dispositions du règlement sanitaire départemental relève de même d’une carence fautive de la police municipale3.

Il convient toutefois de préciser que cette obligation générale d’application des règles préétablies n’est pas absolue. En particulier, il peut arriver que le refus ou la carence de l’autorité administrative soient justifiés par des obstacles juridiques ou circonstanciels à l’application de la loi ou du règlement4. C’est le cas notamment lorsque une telle application conduirait l’autorité administrative à commettre une illégalité5. C’est C’est également le cas lorsque l’obligation d’application de la loi se heurte à un principe juridique qui ne peut être sacrifié à l’espèce6. Le principe n’en demeure pas moins celui de l’obligation d’assurer l’application de la loi.

1 Cf. par exemple, C.E., 10 juill. 1957, Ville de Rueil-Malmaison c. Sieur Tournier, nos 31.634 et 31.635,Rec. p. 457 (en s’abstenant d’adresser une mise en demeure de respecter les réglementations de police supérieures relatives à la police municipale, le maire commet une faute de nature à engager

la responsabilité de la commune) ; ― Sect., 14 déc. 1962, Doublet, préc. ; ― Sect., 20 déc. 1963,

Dame et Delle Morvan-Clavenna, préc. ; T.A. de Caen, 3 nov. 1998, Assoc. pour la protection de la Chapelle-sur-Vive, R.J.E. 1999, p. 634 (est illégale l’autorisation d’exploitation d’une carrière alors que les seuils définis par arrêté ministériel pour les limites les bruits et assurer la protection des immeubles d’habitation voisins sont insusceptibles d’être respectés).

2C.A.A. de Bordeaux, 16 avr. 1992,Mme D. Brunet, préc.

3 C.E., Sect., 29 juill. 1943, Cie des sablières de la Seine, préc. Cf. également C.E., 4 févr. 1981,

Gabas, n° 9428, inédit : Le maire commet une faute lourde en s’abstenant de prendre les mesures nécessaires pour faire assurer l’interdiction faite par le règlement sanitaire départemental de rejeter des eaux usées non assainies dans les ouvrages destinés à l’écoulement des eaux pluviales et les cours d’eau.

4 Il faut en outre préciser que l’obligation faite à l’autorité réglementaire d’édicter les mesures pro-pres à assurer l’application de la loi n’existe que si l’absence de telles mesures rend impossible son exécution : C.E., Sect., 13 juill. 1951,Union des anciens militaires titulaires d’emplois réservés à la S.N.C.F…, préc. ; ― 30 déc. 1998, Portejoie et a., nos183827 à 183831 et 184105,Rec. p. 510 ;D.A.

1999, n° 31, obs. L. T.

5Cf. par exemple C.A.A. de Lyon, 13 mars 1990,Cne de la Ciotat, n° 89LY01084,Rec. p. 421 ;J.C.P.

1990, IV, 224 (le maire ne commet aucune faute en n’assurant pas l’exécution d’une réglementation illégale). L’administration est en effet tenue de s’abstenir d’appliquer une réglementation illégale : C.E., Sect., 14 nov. 1958,Sieur Ponard, n° 35.399,Rec. p. 554 ; ― Sect., 8 janv. 1960, Laiterie Saint-Cyprien, n° 39.760, Rec. p. 10 ; – Sect., 8 nov. 1968, Min. des Finances c. Sieur Merez,n° 72.371, Rec.p. 557. La même solution est retenue s’agissant de l’application des lois :cf. C.E., 24 févr. 1999,

Assoc. des patients de la médecine d’orientation anthroposophique et a., n° 195354,A.J.D.A. 1999, p. 823, note R. RICCI(hypothèse où les dispositions législatives sont incompatibles avec une directive communautaire). En revanche, l’illégalité supposée de la mesure supérieure n’est pas de nature à habiliter l’autorité inférieure à agir : C.A.A. de Bordeaux, 26 juin 2007,Cne de Montgeard, préc.

6 Cf. C.E., Ass., 7 mai 1971, Min. de l’Économie et des Finances et Ville de Bordeaux c. Sastre, nos74.669 et 74.977,Rec. p. 334, concl. GENTOT;R.D.P.1972, p. 443 etAss., 20 mars 1974,Min. de l’Aménagement du territoire, de l’Équipement, du Logement et du Tourisme c. Navarra, n° 90547,

Rec. p. 200, concl. M. ROUGEVIN-BAVILLE (à propos de la négligence d’un préfet à faire assurer les règles relatives au permis de construire. Le Conseil d’État se place ici sur le terrain de la respon-sabilité sans faute, dès lors que, comme l’avait souligné le commissaire du Gouvernement, la

qua-À cette obligation d’assurer l’application des règles établies s’ajoute l’interdiction faite aux autorités administratives d’y apporter des dérogations excessives ou non prévues par le texte initial.

b) L’interdiction de méconnaître la portée des règles de protection de la santé

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