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L'Ordre public sanitaire (Étude de droit public interne)

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-01525379

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Copyright

Stéphanie Renard

To cite this version:

Stéphanie Renard. L’Ordre public sanitaire (Étude de droit public interne). Droit. Université de Rennes I, 2008. Français. �tel-01525379�

(2)

Faculté de Droit et de Science politique

THÈSE

pour le

Doctorat de l’Université de Rennes I mention « Droit »

École doctorale « Droit, Science politique et Philosophie » Laboratoire d’Étude du Droit Public

Présentée et soutenue publiquement le 24 juin 2008 par

Stéphanie R

ENARD

L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE (Étude de droit public interne)

Thèse dirigée par : Madame Marie-Laure M

OQUET

-A

NGER

Professeur à l’Université de Rennes I

Membres du jury : Monsieur Francis C

HAUVIN

Professeur à l’Université de Rennes I

Madame Maryse D

EGUERGUE

Professeur à l’Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne Rapporteur

Monsieur Jean-Michel L

EMOYNE DE

F

ORGES

Professeur à l’Université de Paris II – Panthéon-Assas

Madame Marie-Laure M

OQUET

-A

NGER

Professeur à l’Université de Rennes I

Madame Aude R

OUYÈRE

Professeur à l’Université de Bordeaux IV – Montesquieu

Rapporteur

(3)

être considérées comme propres à leur auteur.

(4)

d’une renaissance.

Sa naissance doit beaucoup au Recteur Jacques GEORGEL, à M. le Professeur Jean DHOMMEAUX et à mon ‟ tuteur ”, M. le Professeur Francis CHAUVIN.

Avec une pensée, lointaine mais fidèle, à Antoine VION et à Didier JEAN-PIERRE et, toujours, le souvenir d’Édouard TILLET.

Sa renaissance n’aurait pu être sans la présence de Nathalie PERRET-LAUNAY et de Monique PHAN, l’aide et l’amitié d’Hélène RANNOU-BOUCHER, ni les encouragements de Servane CARPI-PETITet de Camille BROYELLE. Qu’elles soient sûres de ma gratitude.

À chacune de ces périodes, le soutien de mes parents fut sans réserve ; l’amitié de Nolwenn JOLIF-MARC, un trésor inestimable.

Rien n’aurait été, cependant, sans Mme le Professeur Marie-Laure MOQUET-ANGER.

(5)
(6)

Et pour que les papillons reprennent leur vol.

(7)
(8)

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

Adm. Administratif

Aff. Affaire(s)

A.N.A.E.S. Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé A.N.D.E.M. Agence Nationale pour le Développement de l’Évaluation

Médicale

A.F.D.I. Annuaire Français de Droit International A.F.D.S. Association Française de Droit de la Santé

A.F.S. Agence Française du Sang

A.F.S.S.A. Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments

A.F.S.S.A.P.S. Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé A.F.S.S.E. Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement A.F.S.S.E.T. Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du

Travail

A.J.D.A. Actualité Juridique. Droit Administratif.

Al. Alinéa

A.L.I.S. Association « Liberté, Information, Santé » A.R.H. Agence(s) Régionale(s) de Santé

Arr. Arrêté

Art. Article

A.S.N. Autorité de Sûreté Nucléaire

Ass. Assemblée

Assoc. Association

B.D.E.I. Bulletin du Droit de l’Environnement Industriel B.E.H. Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire

Bibl. Bibliothèque

B.I.C.C. Bulletin d’Information de la Cour de cassation B.J.C.L. Bulletin Juridique des Collectivités Locales B.J.C.P. Bulletin Juridique des Contrats Publics

B.J.D.U. Bulletin de Jurisprudence de Droit de l’Urbanisme B.J.S.P. Bulletin Juridique de la Santé Publique

B.O. Bulletin officiel (ministère)

Bull. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de

cassation

c. Contre

C.A. Cour d’Appel

C.A.A. Cour Administrative d’Appel

C.A.S.F. Code de l’Action Sociale et des Familles

Cass. Cour de Cassation

C. assurances Code des assurances

(9)

C.C. Conseil Constitutionnel

C-C.L.I.N. Centre(s) de coordination des Comités de Lutte contre les Infections Nosocomiales

C.C.N.E. Comité Consultatif National d’Éthique pour les sciences de la vie et de la santé

C. civ. Code civil

C. cons. Code de la consommation C.D.H. Conseil Départemental d’Hygiène C.D.M. Code de Déontologie Médicale

C.E. Conseil d'État

C.E.D.H. Cour Européenne des Droits de l’Homme C. envir. Code de l’environnement

C.E.R.D.E.S. Centre d’Études et de Recherches en Droit Européen de la Santé C.G.C.T. Code Général des Collectivités Territoriales

Circ. Circulaire

C.I.R.E. Cellules InterRégionales d’Épidémiologie

Civ. Civil

Chron. Chronique

C.J.A. Code de la Justice Administrative

C.J.C.E. Cour de Justice des Communautés Européennes C.J.E.G. Cahiers Juridiques de l’Électricité et du Gaz C.J.R. Cour de Justice de la République

C.L.I.N. Centre(s) de Lutte contre les Infections Nosocomiales

Conv.E.D.H. Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme

Cne Commune

C.N.O.M. Conseil National de l’Ordre des Médecins C.N.R. Centre Nationale de Référence

C.N.R.S. Centre National de la Recherche Scientifique C.N.S.P. Conseil Nationale de Santé Publique

C.N.T.S. Centre National de la Transfusion Sanguine

Coll. Collection.

Comm. Commentaire

Comp. Comparez

Concl. Conclusions du commissaire du Gouvernement

C.P. Code Pénal

C.P.A.M. Caisse(s) Primaire(s) d’Assurance Malade C.R.A.M. Caisse(s) Régionale(s) d’Assurance Maladie

C. rur. Code rural

C.S.H.P.F. Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France C.S.P. Code de la Santé Publique

C.S.S. Code de la Sécurité Sociale

Crim. Criminel(le)

C.T. Code du Travail

C.T.I.N. Comité Technique des Infections Nosocomiales

C. urb. Code de l’urbanisme

D. Recueil Dalloz

(10)

D.A. Droit Administratif

Dactyl. Dactylographié

D.D.A.S.S. Direction(s) Départementale(s) des Affaires Sanitaires et Sociales

Décr. Décret

Décr.-L. Décret-Loi

D.G.S. Direction Générale de la Santé

D.H. Recueil hebdomadaire de jurisprudence Dalloz(antérieur à 1941) D.H.O.S. Direction des Hôpitaux et de l’Organisation des Soins

Dir. Directive (ou direction pour les ouvrages)

Dr. Droit

D.R.A.S.S. Direction(s) Régionale(s) des Affaires Sanitaires et Sociales Dr. envir. Droit de l’environnement

Dr. fisc. Droit fiscal

Dr. rur. Droit rural

Dr. soc. Droit social

Éd. Édition

E.D.C.E. Études et Documents du Conseil d’État E.F.G. Établissement français des Greffes E.F.S. Établissement français du Sang

Envir. Environnement

E.P.R.U.S. Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires

E.S.B. Encéphalite Spongiforme Bovine

Féd. Fédération

F.I.V.A. Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante G.A.C.E. Les Grands Avis du Conseil d’État

G.A.D.U. Les Grands Arrêts de Droit de l’Urbanisme

G.A.J.A. Les Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative

Gaz. Pal. Gazette du Palais

G.D.C.C. Les Grandes Décisions du Conseil constitutionnel H.A.S. Haute Autorité de Santé

H.C.S.P. Haut Conseil de la Santé Publique

Ibid. Ibidem(au même endroit).

I.E.P. Institut d’Études Politiques

I.G.A.S. Inspection Générale des Affaires Sociales Info. Pharma. Informations pharmaceutiques

I.N.P.E.S. Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé I.N.S.E.R.M. Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale InVs Institution national de Veille sanitaire

I.P.P. Incapacité Physique Permanente

IR Information Rapide duRecueil Dalloz

I.R.S.N. Institution de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire.

J. Jurisprudence

J.C.P. La Semaine juridique. Éd. Générale (Juris-Classeur Périodique) J.C.P. A La Semaine juridique. Éd. Administrations et collectivités

territoriales (Juris-Classeur Périodique)

(11)

J.C.P. E La Semaine juridique. Éd. Entreprise (Juris-Classeur Périodique)

J.O. Journal Officiel

J.O.C.E. Journal Officiel des Communautés Européennes J.O.U.E. Journal Officiel de l’Union Européenne

L. Loi

L.G.D.J. Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence Loc. cit. Loco citato(à l’endroit cité)

Nouv. Pharma. Nouvelles Pharmaceutiques

Obs. Observations

O.G.M. Organisme(s) Génétiquement Modifié(s) O.M.S. Organisation Mondiale de la Santé

O.N.I.A.M. Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

Op. cit. Opus citatum(œuvre cité)

O.P.E.C.S.T. Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques O.P.E.P.S Office Parlementaire d’Évaluation des Politiques de Santé O.P.R.I. Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants

Ord. Ordonnance

Pan. Panorama

Plén. Assemblée Plénière de la Cour de cassation P.M.I. Protection Maternelle et Infantile

Préc. Précité(es)

Priv. Privé

P.R.S.P. Plan Régional de Santé Publique P.U.A.M. Presses Universitaires d’Aix-Marseille

Pub. Public

P.U.F. Presses Universitaires de France Quot. Juri. Le Quotidien Juridique

Rapp. Rapprochez

R.D. immo. Revue de Droit immobilier.

R.D. rur. Revue de Droit rural.

R.D.S.S. Revue de Droit Sanitaire et Social(anciennementRevue trimestrielle du Droit Sanitaire et Social)

R.D.P. Revue du Droit Public et de la science politique en France et à l’étranger

Rec. Recueil

Rectif. Rectificatif

Règl. Règlement

Resp. civ. et assur. Responsabilité civile et assurances

Rev. Revue

Rev. adm. Revue Administrative.

Rev. Dr. Inter. Priv. Revue de Droit International Privé

R.F.A.P. Revue Française d’Administration Publique R.F.A.S. Revue Française des Affaires Sanitaires et sociales R.F.D.A. Revue Française de Droit Administratif

R.F.D.C. Revue Française de Droit Constitutionnel

(12)

R.F.D.Comp. Revue Française de Droit Comparé R.G.D.I. Revue Générale de Droit International R.G.D.M. Revue Générale de Droit Médical

R.H.M.C. Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine R.I.D.C. Revue Internationale de Droit Comparé R.J.C. Recueil de Jurisprudence Constitutionnelle R.J.E. Revue Juridique de l’environnement

R.J.F. Revue Juridique Fiscale.

R.N.S.P. Réseau National de Santé Publique

R.R.J. Revue de la Recherche Juridique. Droit prospectif R.S.I. Règlement Sanitaire International

R.T.D.Civ. Revue Trimestrielle de Droit Civil R.T.D.E. Revue Trimestrielle de Droit Européen R.T.D.H. Revue Trimestrielle des Droits de l’Homme R.U.D.H. Revue Universelle des Droits de l’Homme

S. Recueil Sirey

SC Sommaires Commentés duRecueil Dalloz

Sect. Section

Somm. Sommaire

Spéc. Spécial ou spécialement

Soc. Social

S.R.A.S. Syndrome Respiratoire Aigu Sévère

Synd. Syndicat

T. Tome.

Th. Thèse

T.A. Tribunal Administratif

T.C. Tribunal des Conflits

CE Communauté européenne

T.G.I. Tribunal de Grande Instance

T.I. Tribunal d’Instance

T.P.I.C.E. Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes

Trib. Tribunal

Trib. corr. Tribunal correctionnel

U.R.C.A.M. Union Régionale des Caisses d’Assurances Maladies U.S.P.P.I. Urgence de Santé Publique de Portée Internationale

V. Voyez

V.I.H. Virus de l’Immunodéficience Humaine

Vol. Volume

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SOMMAIRE

PREMIÈRE PARTIE.- LA RÉCEPTION DE LA SANTÉ PUBLIQUE PAR L’ORDRE PUBLIC

TITRE 1.- LA DIMENSION SANITAIRE DE L’ORDRE PUBLIC

CHAPITRE 1.- LA SANTÉ PUBLIQUE, COMPOSANTE DE L’ORDRE PUBLIC CHAPITRE 2.- L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE, SOURCE D’UN « DROIT DE LA NÉCESSITÉ SANITAIRE »

TITRE 2.- LA COMPLEXITÉ DU DROIT DE L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE CHAPITRE 1.- LA DIVERSITÉ DES MODALITÉS DU MAINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE

CHAPITRE 2.- LA DISPERSION DE L’ADMINISTRATION CHARGÉE DU MAINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE

SECONDE PARTIE.- LA CONTRIBUTION DE LA SANTÉ PUBLIQUE À LA REDÉFINITION DE L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE

TITRE 1.- LA SÉCURITÉ SANITAIRE, FERMENT DE LA RENAISSANCE DE L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE

CHAPITRE 1.- LA RÉNOVATION DE L’ORDRE PUBLIC SANITAIRE CHAPITRE 2.- LA TRANSFORMATION DE LA NORME D’ORDRE PUBLIC SANITAIRE

TITRE 2.- L’ÉMERGENCE DU PATERNALISME SANITAIRE DE L’ÉTAT CHAPITRE 1.- L’APPROFONDISSEMENT DE L’OBLIGATION D’AGIR POUR LA PROTECTION DE LA SANTÉ PUBLIQUE

CHAPITRE 2.- L’EXTENSION CONTINUE DE L’EMPRISE SANITAIRE DE L’ÉTAT

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(16)

1 Apparenter la santé à l’ordre public relève tout à la fois de l’évidence et de la gageure. De l’évidence, car la notion d’ordre public comporte indiscutablement une part de sanitaire. La portion est congrue si l’on s’en tient à la définition générale traditionnelle de l’ordre public, telle qu’elle apparaît aujourd’hui à l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales. La dimension sanitaire de l’ordre public se réduit alors à la préservation de la salubrité publique, ce qui comprend le nettoiement des rues, quais, places et voies publiques, l’interdiction de rien jeter qui puisse causer des exhalaisons nuisibles, la répression des dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la propreté des voies susmentionnées, l’inspection sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente ainsi que le soin de prévenir, par des précautions convenables, ou de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux, dont relèvent les maladies épidémiques ou contagieuses et les pollutions de toute nature.

Le volet sanitaire de l’ordre public est en revanche beaucoup plus important dès lors que l’on se penche sur l’ensemble des mesures impératives intervenant dans le domaine de la santé. La santé publique emprunte fréquemment les instruments de l’ordre public, et particulièrement la réglementation et la contrainte individuelle de police, destinées à prévenir ou à faire cesser des situations préjudiciables à la santé des personnes par la régulation des droits et des libertés publiques. Ces prescriptions peuvent être législatives ou administratives, générales ou spéciales, collectives ou individuelles.

Toutes ont un effet limitatif ou privatif de liberté et se caractérisent par l’impérativité.

L’exemple le plus illustre est celui des obligations vaccinales : imposées par les textes, ces mesures de soins font partie de la police de la santé publique1et, comme le remarquait le commissaire du Gouvernement Marceau LONG en 1958, ont «au plus haut point le caractère de mesures d’ordre public»2.

1En ce sens,cf.notamment C.E., 26 nov. 2001,A.L.I.S. et a., nos222741, 223639, 224342, 224358, 224384 et 224428,R.F.D.A. 2002, p. 65, concl. S. BOISSARD; R.D.S.S.2002, p. 471, comm. J.-S.

CAYLA;Jurisprudence de la santé2001-2002, p. 64.

2M. LONG, concl. sur C.E., 4 juill. 1958,Sieur Graff et Époux Reyes(2 esp.),R.D.P.1959, p. 315-332 (également publiées auJ.C.P.1959, II, 117).

(17)

Quoique la santé publique ne soit guère présente dans les définitions générales et classiques de l’ordre public, il existe ainsi tout un ensemble de prescriptions impératives de faire ou de ne pas faire, d’origine législative ou administrative, « dont la justification, note Mme HENNETTE-VAUCHEZ, semble reposer sur quelque chose comme un ordre public sanitaire»1. Ce « quelque chose » résume à lui seul toute la gageure du sujet.

2 L’idée d’un ordre public sanitaire n’est en soi pas contestée, même si la notion n’apparaît guère dans les études doctrinales. Or malgré la rareté de ces références d’auteurs, il est déjà possible d’en distinguer deux approches radicalement différentes2.

Pour les uns, l’ordre public sanitaire, fondamentalement distinct de l’ordre public traditionnel au sens de la police générale, serait la résultante des politiques volontaristes de régulation menées depuis quelques décennies dans le domaine sanitaire (en particulier, celui de la sécurité sanitaire). De «création» récente, l’ordre public sanitaire serait en fait révélé par «la variété et l’apparition régulière de nouvelles polices spéciales» en cette matière3. Dans cette perspective, l’ordre public sanitaire renvoie alors à un instrument de la puissance publique visant à assurer la mission constitutionnelle de protection de la santé confiée à la Nation par l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Pour d’autres, au premier rang desquels le doyen Jean-Marie AUBY, l’ordre public sanitaire ne relève pas, ou pas seulement, de l’affirmation de la puissance publique dans le domaine de la santé, mais il dérive de la norme générale d’ordre public dont il traduit les exigences sanitaires. L’ordre public sanitaire désigne ici cet élément premier du droit de la santé qui permet «à l’État de protéger la société contre les désordres ayant leur origine dans des facteurs sanitaires»4.

Quoique très éloignées, ces deux approches de l’ordre public sanitaire ne sont pas incompatibles si l’on considère que l’ordre public sanitaire est une notion ancienne (Section 1) qui, influencée par les évolutions contemporaines de la santé publique (Section 2), a récemment acquis une dimension nouvelle (Section 3).

1S. HENNETTE-VAUCHEZ,Disposer de soi ? Une analyse du discours juridique sur les droits de la per- sonne sur son corps, Paris, L’Harmattan, 2004, coll. Logiques Juridiques, Préface de É. PICARD, p. 227.

2Nous n’évoquons ici que les approches radicalement opposées en délaissant volontairement les conceptions intermédiaires de l’ordre public sanitaire retenues, par exemple, par M. LINOTTE(L’unité fondamentale de l’action administrative ou l’inexistence de la police administrative en tant que catégorie juridique autonome, in La police administrative existe-t-elle ?, sous la dir. de D. LINOTTE, Paris/Aix-en-Provence, Economica/P.U.A.M., 1985, coll. Droit public positif, p. 11-28, spéc. p. 12- 13), M. LEMOYNE DE FORGES (Le droit de la santé, Paris, P.U.F., 2007, 6e éd., coll. Que sais-je ?, p. 81-123) ou encore Mme DEGUERGUE(Droit des malades et qualité du système de santé,A.J.D.A.

2002, n° 6, p. 510).

3M. CORMIER, Les interventions de la puissance publique en matière sanitaire et sociale, in Droit administratif et administration, sous la dir. de J. PETIT, Paris, La Documentation Française, 1998, coll. Les notices, Notice 24, p. 122. Dans le même sens, cf. Ph. MOREAU, La sécurité sanitaire et l’ordre public, Th. Paris I, 2004, dactyl., 995 p.

4J.-M. AUBY, Droits de l’homme et droit de la santé en particulier dans le régime juridique des servi- ces publics sanitaires, inService public et libertés. Mélanges Robert-Édouard CHARLIER, Paris, Éditions de l’Université et de l’enseignement moderne, 1981, p. 673.

(18)

S

ECTION

1

L’

ORDRE PUBLIC SANITAIRE

,

ÉLÉMENT PREMIER DE L

INTERVENTION SANITAIRE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

3 Selon une proposition simple, au moins en apparence, l’ordre public désigne «un ensemble de principes, écrits ou non, qui sont, au moment où l’on raisonne, considérés, dans un ordre juridique, comme fondamentaux et qui, pour cette raison, imposent d’écarter l’effet, dans cet ordre juridique, non seulement de la volonté privée mais aussi des lois étrangères et des actes des autorités étrangères»1.

L’ordre public, souligne Mme BLET-PFISTER, emporte trois types de relations : une relation d’exclusion (l’absence de troubles), une relation d’implication (la protection d’un intérêt social dominant) et une relation de restriction (l’exception à la règle normalement applicable)2. Il s’exprime comme un instrument essentiel de la puissance publique qui permet à ses dépositaires d’imposer la discipline nécessaire au bon fonctionnement de la société et à la préservation de ses valeurs fondamentales. En droit administratif, l’ordre public s’impose ainsi comme le concept qui constitue la police en fonction, celle-ci, remarquant M. PICARD, ne pouvant légitimement se concevoir en dehors de lui3.

1G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, Assoc. Henri CAPITANT, Paris, P.U.F., 8e éd., 2007, coll.

Quadrige,verbo« ordre public ». Dans le même sens, cf. entre autres P. BERNARD,La notion d’ordre public en droit administratif,Th. Droit, 1959, Paris, L.G.D.J., 1962, 286 p., coll. Bibl. de droit public, Préface de G. PÉQUIGNOT, p. 252 et les obs. de Ph. ARDANTsous cette thèse, R.D.P. 1964, p. 754 ; J.-L. COSTA,Liberté, ordre public et justice en France, Cours à l’Institut d’études politiques, Paris, Les Cours du droit, 1964-1965, p. 173 ; É. PICARD,La notion de police administrative, Th. Droit, Paris, L.G.D.J., 1984, 2 t., 926 p., L’influence du droit communautaire sur la notion d’ordre public, A.J.D.A. 1996, n° spéc. annuel : « Droit administratif et droit communautaire », p. 58 et La fonction de l’ordre public dans l’ordre juridique. Introduction générale, in L’Ordre public : Ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, Actes du colloque du Centre de recherche sur les droits fondamentaux de Caen des 11 et 12 mai 2000, sous la dir. de M.-J. REDOR, Bruxelles, éd.

Bruylant, 2001, coll. Droit et Justice, n° 29, p. 17-61, spéc. p. 56-57 ; J.-F. ROMAIN, L’ordre public et les droits de l’Homme, inL’Ordre public. Concept et applications, Bruxelles, 1995, éd. Bruylant, coll.

de la Faculté de droit-ULB, Les conférences du centre de droit privé et de droit économique, vol. III, p. 9-12 ; Ch. VIMBERT, L’ordre public dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel,R.D.P.1994, p. 694 ou encore M.-C. VINCENT-LEGOUX, L’Ordre public. Étude de droit comparé interne, Th. Droit, Dijon, 1996, dactyl., p. 3-5. Telle était déjà l’approche de Léon DUGUIT(L’État, le droit objectif et la loi positive, Paris, A. Fontemoing, 1901, p. 566) et de Georges VEDEL qui, dans ses Cours de droit ad- ministratif, notait que l’ordre public «est un ensemble de conditions extérieures permettant à la vie en société de se dérouler normalement» (Les cours de droit, 1967-1968, p. 20). V. encore G. VEDEL et P. DELVOLVÉ, Droit administratif, Paris, P.U.F., 1992, p. 31 et Ch. EISENMANN, Cours de droit administratif, Paris, L.G.D.J., 1982, t. 1, p. 354. C’est cette approche que retient la Cour de Justice des Communautés européennes pour laquelle le recours à la notion d’ordre public «suppose l’existence en dehors du trouble pour l’ordre public que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société» (27 oct. 1977, Bouchereau, aff. 30-77,Rec. p. 1999).

2V. BLET-PFISTER, L’ordre public (Fragments pour une étude sur l’appareil d’État), in Mélanges dé- diés à la mémoire de Jacques TENEUR, Lille, Université de Droit et de la Santé de Lille, 1977, coll. des travaux de la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Lille, t. I, p. 68.

3É. PICARD,La notion de police administrative,op. cit., t. 2, p. 529. Réciproquement, la police doit être définie comme «la fonction qui consiste à établir une discipline sociale en vue de l’ordre public» : D. MAILLARDDESGRÉES DUL,Police générale et police spéciale, Th. Droit, Rennes I, 1988, 2 vol., dactyl., vol. 1, p. 1. Contra: Y. CHÉROT, La notion d’ordre public dans la théorie de l’action administrative, inLa police administrative existe-t-elle ?, op. cit., p. 31, pour lequel la doctrine de l’État-providence a rompu ce «lien nécessaire entre police et ordre public», et D. LINOTTE, L’unité fondamentale de l’action administrative…,op. cit., p. 11-28.

(19)

Envisager une notion d’ordre public sanitaire revient de la sorte à examiner la participation de la santé publique à cette fonction de protection d’un ou de plusieurs intérêts sociaux fondamentaux qui justifie que les autorités de puissance publique écartent l’application de la règle de droit normalement applicable pour des motifs d’ordre sanitaire.

4 Encore faut-il savoir à quel niveau et à quel degré se situe la participation de la santé publique à l’ordre public et, plus particulièrement, déterminer si la santé publique doit plutôt être conçue comme uneconditionou un objectifà part entière du maintien de l’ordre. La différence est ici essentielle. Dans le premier cas, l’ordre public sanitaire aura pour fonction d’assurer les conditions sanitaires de la sécurité et de la paix sociales. Il s’agira ainsi de garantir la sûreté par la santé. Dans la seconde hypothèse, la santé publique constitue en elle-même un objectif de l’ordre public dont la dimension sanitaire sert alors au minimum à maintenir et/ou à créer les conditions collectives de la santé, soit à protéger la sécuritépourla santé. À cette question, il nous faudra répondre en gardant à l’esprit l’avertissement de Prosper WEIL: derrière les controverses nouées autour de l’ordre public, se cache une question éminemment politique qui est celle du rapport de l’autorité et de la liberté, soit celle de l’État de droit1.

5 L’imbrication est étroite entre l’ordre public et la santé publique. Historiquement et aujourd’hui encore, la santé publique participe au maintien de l’ordre public, au moins en ce qu’elle permet d’assurer la protection de la collectivité contre les facteurs sanitaires de désordre. Inversement, les instruments de l’ordre public, et plus spécialement la réglementation et la police sanitaires, viennent depuis toujours au soutien de la santé publique, même si les finalités et les moyens de celle-ci dépassent évidemment le champ de l’ordre public2. D’un côté, le maintien de l’ordre public justifie des mesures de santé publique. De l’autre, la santé publique requiert l’usage des instruments de l’ordre public.

6 De la sorte, force est déjà d’admettre que les origines de l’ordre public sanitaire sont au moins aussi anciennes que celles de la santé publique. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à la loi fondatrice du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique qui a institué les règlements sanitaires, prescrit de nombreuses règles

1P. WEIL, Le Conseil d’État statuant au contentieux : politique jurisprudentielle ou jurisprudence politique ?,Annales de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence1959, p. 285.

2L’ordre public et la santé publique, rappelle Mme MOQUET-ANGER, ne sont pas superposables. La protection de la santé constitue aussi un droit individuel et «assigne à la santé publique des finalités particulières qui se distinguent de celles reconnues par l’ordre public sanitaire» (Ordre public et santé publique, inL’Ordre public : Ordre public ou ordres publics ? …,op. cit., p. 199-212, spéc. p. 200 et p. 208). Au-delà des réglementations préventives et répressives qui visent à préserver l’ordre public sanitaire, la santé publique couvre donc la gestion et le fonctionnement des services et des institu- tions sanitaires qui sont, ou non, placés sous la tutelle des pouvoirs publics. V. notamment J.-M. LEMOYNE DEFORGES,Le droit de la santé,op. cit., 128 p.

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d’hygiène des habitations, posé le principe de la déclaration obligatoire de certaines maladies et définit une obligation générale de vaccination contre la variole1.

En réalité, si la police de la santé publique a pris son véritable essor à l’époque de l’hygiénisme2, c’est bien avant la Révolution que la prévention sanitaire s’est constituée comme une branche des pouvoirs de police attachés à l’exercice de l’autorité publique3. Lèpre et pestes, variole et grippes ont, même aux temps reculés de l’obscurantisme moyenâgeux4, tour à tour justifié le recours à la contrainte dans l’idée d’assurer la protection collective de la santé des personnes. Sur ce point, la remarque d’Étienne Junius BRUTUS, théoricien monarchomaque du XVIe siècle, est tout à fait instructive : «En voulant pourvoir à ma liberté et bonne santé, je me rends esclave moy-mesme, je m’assujettis de mon bon gré, je m’expose à la licence d’un homme, je me mets les fers aux pieds»5.

Ces premières formes de police sanitaire intègrent l’hygiène et la salubrité publiques et sont inscrites dans les textes. On en trouve ainsi la trace dans des lettres de LOUISXI datées de 1461 et donnant «pouvoir aux maires et échevins de contraindre les habitans à retirer leurs immondices chez eux ou à paver devant leur maison et à punir d’amende ou autrement les délinquans, lesquelles amendes seront recouvrées pour lesdits objets»6. Dès la fin du XVIIesiècle, la lutte contre les maladies contagieuses, jusqu’alors

1L. du 15 févr. 1902 relative à la protection de la santé publique,J.O.du 19 févr., p. 1173.

2Sur ce point,cf.notamment L. MURARDet P. ZYLBERMAN,L’hygiène de la République. La santé publi- que en France, ou l’utopie contrariée 1870-1918, Paris, Fayard, 1996, 805 p. (avec les réserves sou- levées par P. BOURDELAIS dans son compte-rendu d’ouvrage publié aux Annales de démographie historique1997, n° spéc. « Épidémies et populations », p. 211-212).

3Conseil d’État, Rapport public 1998. Réflexions sur le droit de la santé, Paris, La documentation française, 1999, E.D.C.E. n° 49, p. 233.

4Cf.notamment J. RUFFIÉet J.-C. SOURNIA,Les épidémies dans l’histoire de l’homme. De la peste au sida. Essai d’anthropologie médicale, 2e éd., Paris, Flammarion, 1984, coll. Champs, 302 p. ; J.-P. BARDET, P. BOURDELAISet alii.,Peurs et Terreurs face à la contagion. Choléra, tuberculose, syphi- lis. XIXe-XXesiècles, Paris, Fayard, 1988, 442 p., Préface par F. LEBRUN; J. DELUMEAU,La peur en Occident (XIVe-XVIIIesiècle). Une cité assiégée, Paris, Fayard, 1978, coll. Pluriel, éd. Hachette, 1996, notamment, p. 132-187 ; É. HEILMANN(textes réunis par),Sida et libertés. La régulation d’une épidé- mie dans un État de droit, Arles, Actes Sud, 1991, 334 p., Avant-propos de D. CHAVRET, Préface de F. HÉRITIER-AUGÉ.

5E. J. BRUTUS,De la puissance légitime du Prince sur le peuple, et du peuple sur le Prince, 1581, p. 163-164.

6Ord. de LOUIS XI portant établissement d’un corps de ville à Tours en février 1461, Rec. Gl. des anciennes lois françaises (ISAMBERT, JOURDAN et DECRUSY), oct. 1828, t. X, p. 441-442). Pour un autre exemple, v. la réglementation des ateliers qui provoquent des exhalaisons nuisibles, qui est l’ancêtre lointaine de la législation relative aux installations classées : en 1533, une ordonnance royale impose aux «baudroïeurs, corroyeurs, tanneurs, pelletiers, mégissiers [et] teinturiers de cesser leur ouvrage» (citée par Ch. BOURGUIGNON, Des attributions de l’autorité municipale en matière d’hygiène, Th. Droit, Bordeaux, Y. Cadoret imprimeur, 1910, p. 29). Elle est confirmée en 1567 par des lettres patentes interdisant, selon les vœux des États Généraux de 1560, l’exerciceintra muros, de ces «métiers qui portent puanteur ou mauvais air». La sévérité des sanctions encourues montre l’importance accordée à la question : les contrevenants s’exposent en effet à la confiscation de leur exploitation et à l’expulsion de la ville ainsi qu’à d’importantes amendes dont les particuliers lésés perçoivent le quart (citées par G. PICOT, Histoire des États Généraux considérés au point de vue de leur influence sur le Gouvernement de la France de 1355 à 1614, Genève, Mégariotis Reprints, 1979, t. 2, p. 220).

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essentiellement laissée à la compétence des cités, rejoint la police générale du Royaume1. À la Révolution, le décret du 14 décembre 1789 et la loi des 16-24 août 1790 confirment cette dimension sanitaire de l’ordre public en confiant la salubrité et la lutte contre les fléaux épidémiques aux autorités de police municipale2.

7 Même après la reconnaissance du droit de l’individu à la protection de la santé par l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, cette dimension collective et contraignante de la santé publique n’a guère été remise en cause. Le premier Code de la santé publique de 19533, qui, pour les auteurs les plus avertis, constitue le véritable acte de naissance du droit de la santé4, le montre bien : sa première Partie législative s’ouvre sur trois Livres (Protection générale de la santé publique – Protection sanitaire de la famille et de l’enfance – Lutte contre les fléaux sociaux) largement consacrés aux intérêts sociaux de la santé et contenant de nombreuses dispositions de police sanitaire.

8 Il faut dès lors considérer qu’il y a toujours eu (ou presque) une part de sanitaire dans la sécurité collective qui est au cœur et au fondement de la construction de la société, de l’État et de l’ordre public5. Principe premier de l’action publique de santé, la lutte contre les facteurs sanitaires de désordre est une dimension essentielle de l’ordre public, qui comme le souligna HAURIOUen son temps, est l’«âme et le règlement de la Cité»6.

1Cette centralisation est amorcée le 23 août 1683 par un règlement qui, à l’initiative de COLBERT, précise les «précautions à prendre pour empêcher l’introduction de la peste» (Rec. Isambert., t. XIX, p. 431). Ce règlement est complété le 25 juill. 1708 par une ordonnance déterminant les mesures propres à empêcher «la communication des maladies contagieuses» (ibid., t. XX, p. 533) puis, le 28 août 1713, par des dispositions destinées à «éviter la communication d’un mal contagieux existant dans un pays voisin» (ibid., t. XX, p. 605). Les quarantaines dans les ports, expérimentées à Marseille depuis 1663, sont rendues obligatoires à Marseille et Toulon le 14 oct. 1762 (ibid., t. XXII, p. 387). Le dispositif de protection est renforcé en 1786 par un arrêt du Conseil d’État du 27 août qui interdit «l’approche des lieux destinés à la quarantaine à Marseille, à ceux qui ne sont pas dans le cas de le faire» (ibid., t. XXVIII, p. 226), puis achevé par arrêt du 10 déc. définissant les «mesures à prendre contre la maladie de la lèpre» (ibid., t. XXVIII, p. 272).

2Art. 50 du décr. du 14 déc. 1789 sur la constitution des municipalités,Rec. des lois et ordonnances juin 1789-1790, t. 1, p. 24, n° 44 et art. 3, titre XI, de la loi des 16-24 août 1790, ibid., p. 221, n° 248.

3Décr. n° 53-1001 du 5 oct. 1953 portant codification des textes législatifs concernant la santé publique, J.O.du 7 oct., p. 8833 (rectif. p. 10068) pris en application de la L. n° 51-518 du 8 mai 1951 relative à la procédure de codification des textes législatifs concernant la pharmacie et la santé publique (J.O.du 9 mai, p. 4829).

4V. notamment M.-L. MOQUET-ANGER, Droit de la santé, unité ou dualité de l’ordre juridique, in Le Dualisme juridictionnel : limites et mérites, sous la dir. d’A. VANLANG, Paris, Dalloz, 2007, coll. thè- mes et commentaires, p. 115.

5Comme l’a noté M. BRAUD, «dès l’apparition de formes embryonnaires de pouvoir politique, s’impose l’articulation étroite entre la lutte contre les épidémies et le renforcement de l’autorité coercitive et réglementaire» (Science politique et santé publique, inÉtudes de droit et d’économie de la santé, sous la dir. de D. TRUCHET, Paris, Economica, 1982, coll. « Travaux et Recherches » - Série Faculté de sciences juridiques de Rennes, p. 74).

6V. notamment son Précis de droit administratif et de droit public général, Paris, L. Larose, 4e éd., 1900-1901, p. 533 s. C’est ce que note Mme LUSSIERlorsqu’elle souligne que «le maintien de la paix et de la sécurité sociales comportent indéniablement une dimension protectrice qui s’étend à la santé publique comme facteur contribuant à cet objectif» (L’ordre public et la police sanitaire au Québec, in Études offertes à Jean-Marie AUBY, Paris, Dalloz, 1992, p. 610).

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Quoiqu’ancienne, parfois négligée et nettement concurrencée par des aspirations plus individuelles à la santé, cette branche de la santé publique et de l’action sanitaire de l’État est toujours d’actualité. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, largement dominée par des considérations d’ordre public, ne permet sur ce point aucune hésitation1. C’est encore ce qu’illustre un décret du 26 septembre 2007 adopté en application de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui a modifié, dans le sens d’une plus grande sévérité, les articles R. 632-1 et R. 635-8 du Code pénal réprimant certaines atteintes portées à la salubrité publique2. 9 Encore faut-il être conscient que l’ordre public sanitaire, partout nécessaire, variera

selon le contexte dans lequel il intervient. Notion «stable à contenu variable»3, l’ordre public se caractérise en effet par sa contingence qui en fait une notion axiologique et circonstancielle4. Il se rattache de la sorte à un standard, au sens où l’a entendu M. RIALS5, et se présente donc à la fois comme un instrument de mesure de la normalité et une norme juridique, source de légalité.

1L. n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, J.O. du 11 août, p. 14277. Les questions relatives à la protection collective de la population et le rôle régalien exercé sur ce point par l’État ont d’ailleurs abondamment nourri les travaux parlementaires sur cette loi.

Cf. notamment les diverses interventions de M. MATTÉI, alors ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes en commission (V. par exemple le compte-rendu n° 55 du 10 sept. 2003 de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale) ou en séance publique (V. les 1èreet 2eséances de travaux de l’Assemblée nationale du 2 oct. 2003).

2Décr. n° 2007-1388 du 26 sept. 2007 pris pour l’application de la L. n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et modifiant le C.P. et le C.P.P.,J.O.du 28 sept., p. 15850.

3P. WEIL, Le Conseil d’État statuant au contentieux : politique jurisprudentielle ou jurisprudence politique ?,op. cit., p. 285 et note sous C.E., Sect., 18 déc. 1959,Soc. Les films Lutetia,D.1960, 2, p. 174. Sur le thème général des notions juridiques stables à contenu variable, cf. notamment C. PERELMANet R. VANDERELST(dir.),Les notions à contenu variable en droit, Bruxelles, éd. Bruylant, 1984, coll. Travaux du Centre national de recherche de logique, 377 p., spéc. Ch. PERELMAN, Les notions à contenu variable en droit, essai de synthèse, p. 363-374.

4V. notamment J. BREILLAT, Ordre public, ordre social, ordre politique : quelles interactions ?, in L’Ordre public : Ordre public ou ordres publics ?...,op. cit., p. 247-283 et É. PICARD,La notion de police administrative,op. cit., spéc. t. 2, p. 540-544, L’influence du droit communautaire sur la no- tion d’ordre public,op. cit., p. 58 et La fonction de l’ordre public dans l’ordre juridique,op. cit., p. 17- 61, spéc. p. 56-57. Pour le même constat s’agissant de l’ordre public en droit privé,cf. J. GHESTIN, Ordre public, notion à contenu variable en droit privé français, inLes notions à contenu variable en droit, op. cit., p. 77-97. C’est d’ailleurs ce que souligne la C.J.C.E. lorsqu’elle considère que «les circonstances d’ordre public peuvent varier d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre» et qu’elles évoluent «en fonction des conditions sociales» (4 déc. 1974, Van Duyn c. Home Office, aff. 41/74, Rec. 1974, p. 01337 et 26 févr. 1975,Carmelo Angelo Bonsignorec.Oberstadtdirektor des Stadt Kôln aff. 67/74,Rec. 1975, p. 297).

5 S. RIALS, Le juge administratif français et la technique du standard (essai sur le traitement juridictionnel de l’idée de normalité), Paris, L.G.D.J., 1980, coll. Bibl. de droit public, t. CXXXV, 564 p., Préface de P. WEIL. V. également du même auteur, Les standards, notions critiques du Droit, inLes notions à contenu variable en droit,op. cit., p. 39-53.

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Au moins deux variables de l’ordre public sanitaire peuvent déjà être soulignées.

La première, d’ordre philosophique et politique, correspond à la forme du Gouvernement et au programme de l’État1. Tous les systèmes juridiques n’accordent pas la même importance ni la même valeur aux impératifs de la sécurité et de la liberté, de même que la place accordée à la santé collective et individuelle et le degré de protection juridique du corps humain diffèrent selon les sociétés 2 . Seconde variable, de nature plus circonstancielle, l’ordre public sanitaire s’exprimera différemment en fonction du contexte sanitaire, épidémiologique et scientifique dans lequel il intervient. Il évoluera de la sorte suivant l’état général de santé de la population, la nature et/ou la gravité des risques pouvant la menacer, les moyens techniques et scientifiques disponibles pour les prévenir, etc.

10 Pour l’heure, on se bornera à signaler l’existence de cette dimension sanitaire de l’ordre public et à en souligner deux caractéristiques essentielles. On notera, dans un premier temps, que la police sanitaire et, plus largement, l’ordre public sanitaire relèvent d’une fonction essentielle qui fonde la légitimité de la puissance publique : la protection de la sécurité des personnes. La mission de prévention des risques, comme le rappelle M. PONTIER, prend appui sur la société elle-même, laquelle est en soi une réponse aux risques qu’encourt l’individu isolé : «L’obligation de sécurité est sans doute la première

1Comme le souligne M. GUILLEN, notamment, «la consistance de l’ordre public dépend des fonctions qui sont assignées aux pouvoirs publics à un moment donné» (Dignité de la personne humaine et police administrative. Essai sur l’ambivalence du standard, inÉthique, droit et dignité de la personne.

Mélanges en l’honneur de Christian BOLZE, sous la dir. de Ph. PEDROT, Paris, Economica, 1999, p. 181). Il est donc susceptible d’évoluer dans le temps : l’ordre public de l’Ancien Régime n’a ainsi

«plus grand-chose à voir avec celui de la République, basé sur les valeurs issues de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen» (ibid., p. 181), de même que l’ordre public a, depuis lors, considérablement évolué, tant sur le plan matériel, par l’adjonction de considérations relatives à la moralité publique et à la dignité de la personne humaine, que sur le plan fonctionnel, par sa perméabilité croissante aux droits fondamentaux (V. M.-J. REDOR(dir.),L’Ordre public : Ordre public ou ordres publics ?...,op. cit., 436 p., spéc. l’« Ouverture » de Mme REDOR, p. 9-15). Plus prosaïque- ment, on relèvera que l’ordre public en période de crise ou de guerre ne sera pas le même que l’ordre public des temps de paix. L’ordre public varie aussi dans l’espace : l’ordre public municipal n’est donc pas identique à l’ordre public national, de même que ses impératifs peuvent fluctuer d’un pays à l’autre. V. notamment J.-L. COSTA, Liberté, ordre public et justice en France, op. cit., p. 171 ; A. MEINERTZHAGEN-LIMPENS, Quelques aspects de l’ordre public en droit comparé, in L’Ordre public.

Concept et application, op. cit., p. 220-256 et A.-Ch. VAN GYSEL et J.-F. ROMAIN, Conclusions générales : l’ordre public entre hétérogénéité et homogénéité, ibid., p. 306-327. Pour un exemple, v. C. KRIEF-VERBAERE, Recherches sur la notion d’ordre public en droit interne russe à l’aune du droit français,R.I.D.C.2003, n° 1, p. 151-175.

2Notre objectif n’est pas d’inscrire ce travail dans une perspective de droit comparé ; la notion d’ordre public sanitaire est, en droit français, suffisamment ambiguë et sujette à hésitations pour que l’on restreigne son étude au droit public interne. Les systèmes étrangers ne seront donc pas envisagés ici, sauf à en indiquer, le cas échéant, les influences principales ou, à l’inverse, les contrastes les plus évidents. On illustrera néanmoins notre propos en rappelant que la Loi fondamentale d’Allemagne, adoptée en 1949 en réaction aux insuffisances de la République de Weimar et à l’avènement du nazisme, pose d’emblée le principe de l’intangibilité et de la dignité de l’être humain (art. 1) et le droit de chacun «à la vie et à l’intégrité physique» (art. 2) qui, comme l’ensemble des droits fondamentaux qu’elle consacre, sont directement opposables. En France, ce n’est qu’en 1994 que ces principes ont été officiellement intégrés dans le bloc de constitutionnalité (cf. infran° 20). De même, peut-on souligner que si les États-Unis ou l’Angleterre possèdent une forte tradition de santé publique, dont la France s’est souvent inspirée, ces deux pays, dont le système sanitaire et social est en revanche peu développé, sont nettement en retrait sur le nôtre en ce qui concerne la protection des personnes.

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pour le pouvoir, quelles qu’en soient les formes, qui est issu de cette société»1. Il convient toutefois, dans un second temps, d’observer que, sous cette forme traditionnelle, l’ordre public sanitaire pèse d’abord, et surtout, sur les personnes morales et physiques dont il permet de paralyser ou de limiter les libertés, dont la liberté contractuelle2, et d’écarter la volonté particulière pour des motifs sanitaires.

11 En droit international, les impératifs de la santé publique permettent à l’État d’excepter à la règle du Pacta sunt servanda3et, en cas de conflit, de privilégier la loi du for4. Il en va de même en droit communautaire où l’ordre public joue notamment le rôle d’une clause de sauvegarde autorisant les États à déroger à la pleine application des principes de libre circulation5. En droit interne, l’ordre public sanitaire s’exprime surtout

1J.-M. PONTIER, La puissance publique et la prévention des risques, A.J.D.A. 2003, n° 33, p. 1753.

N’est-ce pas ce que signalait Thomas HOBBESdans leLéviathan : «La cause finale, le but, le dessein, que poursuivent les hommes […] lorsqu’ils se sont imposés ces restrictions au sein desquelles on les voit vivre dans les Républiques, c’est le souci de pourvoir à leur propre préservation» (Léviathan ou Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile, 1951, Paris, Sirey, 1971, trad. de F. TRICAUD, chap. XVII).

2L’ordre public est évoqué dès l’art. 6 du C. civ. qui interdit la dérogation «par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs». Il est notamment rappelé à l’article 1133 du même code : «La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public». Sur l’ordre public en droit civil,cf.A. SIMON,L’ordre public en droit privé, Th. Droit, Rennes, 1941, Imprimeries Réunies, 351 p. (qui rejette d’ailleurs cette conception pour faire prévaloir un contenu intellectuel de l’ordre public) ; Ph. MALAURIE, L’ordre public et le contrat, Th. Droit, Paris, 1951, éd. Matot-Braine, Reims, 1953 ; J. MESTRE, L’ordre public dans les relations économiques, inL’ordre public à la fin du XXesiècle, Actes du colloque d’Avignon du 7 oct. 1994, sous la coord. de T. REVET, Paris, Dalloz, 1996, coll. Thèmes et Commentaires, p. 33- 41 et M.-C. VINCENT-LEGOUX,L’Ordre public. Étude de droit comparé interne, Th. Droit, Dijon, 1996, dactyl. 766 p., Paris, P.U.F., 2001, coll. Les Grandes thèses du droit, 560 p. (nous utiliserons la version dactylographiée de l’ouvrage). Sur l’application de la nullité d’ordre public des contrats en droit administratif, cf. D. POUYAUD, La nullité des contrats administratifs, Paris, L.G.D.J., 1991, 598 p., Bibl. de droit public, Préface de P. WEIL, spéc. p. 177-238.

3Sur ce thème, cf. R.-J. DUPUY, L’ordre public en droit international, in L’Ordre public, op. cit., p. 103-116. V. de même les restrictions autorisées par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (Conv.E.D.H.) qui tolère l’ingérence de l’autorité publique dans l’exercice de certains droits fondamentaux pour autant qu’elle «est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui». Sur ce point, cf. notamment A. MEYER-HEINE, La liberté de pensée, de conscience et de religion et la protection de la santé : deux aspects de la dignité de la personne protégés par le droit européen et parfois contradictoires, inÉthique, droit et dignité de la personne. Mélanges en l’honneur de Christian BOLZE,op. cit., p. 301-315.

4L’exception d’ordre public permet la résolution des conflits de lois en autorisant les juges du for à écarter toute loi étrangère incompatible avec un principe fondamental interne.Cf.P. LOUIS-LUCAS, Remarques sur l’ordre public,Rev. Dr. Inter. Priv.1933, p. 405 ; P. LAGARDE,Recherches sur l’ordre public en droit international privé, Th. Droit, Paris, L.G.D.J., 1957, 254 p. ; R. LIBCHABER, L’exception d’ordre public en droit international privé, inL’ordre public à la fin du XXesiècle,op. cit., p. 103-116 et la bibliographie citée.

5V. par exemple, les art. 46 s. du traité C.E. prévoyant que tout État membre pourra déroger au principe de libre circulation des personnes et interdire de ce fait son territoire aux ressortissants communautaires pour «des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique».

V. notamment G. DRUESNE, Puissance publique et libertés : les limites à la liberté de circulation des personnes dans la Communauté économique européenne,in Services publics et libertés.Mélanges Robert-Édouard CHARLIER, Paris, 1981, Éd. de l’Université et de l’enseignement moderne, p. 722-723 ; S. POILLOT-PERUZZETTO, Ordre public et droit communautaire,D. 1993, I, p. 177-182 ; É. PICARD, L’influence du droit communautaire sur la notion d’ordre public,op. cit., p. 55-75.Cf.infranos247 s.

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