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institutionnelle : une approche critique du contrôle de gestion

Encadré 5 : Les étapes de l’exploitation du matériau empirique

3.3.1 Le rôle de la recherche-intervention dans le travail d’interprétation du cas ougandais

En Ouganda, l’enquête de l’été 2010 a été complétée par divers échanges relativement soutenus jusqu’en juillet 2012 (au moins une entrevue et un échange téléphonique par an avec un top manager du NWSC et un échange de mail par mois), puis ténus jusqu’en avril 2014 (un échange téléphonique et un échange de mail tous les six mois pour garder contact). Ces échanges sont le fruit d’une transformation du statut du chercheur, de celui de d’observateur, dont la présence n’influe pas sur la vie organisationnelle, à celui d’intervenant, qui interagit avec l’organisation, et modifie le cours des choses (David, 2008). Ce processus et ce rôle d’intervenant ont été l’occasion de collecter davantage de données sur le contexte institutionnel, et de mieux comprendre le rôle des systèmes de contrôle de gestion.

L’intervention que nous avons menée au sein du NWSC a largement contribué à notre interprétation du cas ougandais. C’est en travaillant avec les acteurs sur la formulation des problèmes organisationnels perçus, et sur les solutions qu’ils jugeaient opportunes, que nous avons exploré l’environnement institutionnel, la réponse de l’organisation, et la place du contrôle de gestion dans le processus de changement institutionnel. Ainsi, le processus d’interprétation est en partie le fruit d’une interaction entre un chercheur et son objet, le chercheur portant un « bagage » culturel et cognitif qui influe nécessairement sur son interprétation. 28 Objet de recherche Questionnement initial Collecte de données Revue de littérature Traitement Analyse Interprétation

Précisons les étapes de cette intervention au sein du NWSC (voir Figure 8 ci-après). A la fin de la phase d’immersion de l’été 2010, nous avons présenté nos premières observations devant quatre publics différents : le Directeur Général, un comité de pilotage de suivi des travaux de recherche composé de managers de l’organisation, le comité de direction, et l’assemblée annuelle des managers du NWSC. Notre présentation invitait les managers du NWSC à mener une réflexion sur un problème de performance auquel l’organisation devait faire face. L’hypothèse qui leur était soumise était que les contrats internes de performance pouvaient être à l’origine des difficultés rencontrées. Cette suggestion était destabilisante, car elle remettait en question une croyance établie, selon laquelle ces contrats étaient la source du succès passé et à venir. La direction a saisi l’opportunité de la présence du chercheur pour mettre le sujet à l’ordre du jour de l’assemblée annuelle du NWSC, et pour justifier des mesures correctives. Ceci nous a conduit à présenter notre hypothèse lors de cette assemblée. En avançant dans notre travail d’interprétation, nous avons tenté de co-construire avec les managers du NWSC une vision partagée des raisons des difficultés rencontrées par l’organisation et des solutions possibles. Suite à notre intervention à l’assemblée annuelle de l’été 2010, des mesures ont été prises par la direction. Des séances de brainstorming ont été organisées fin 2010/début 2011 entre la direction et les managers pour apporter une réponse au problème soulevé. Pour notre part, en mars 2011, nous avons saisi l’opportunité d’une visite en France du Directeur Général du NWSC pour partager notre interprétation de l’histoire récente de l’organisation. Nous avons été invitée à rédiger un article sur le sujet dans le magazine publié par le NWSC, le Water Herald (article paru en novembre 2011). Nous avons suivi à distance la mise en œuvre de la solution apportée par la direction. Lors d’une visite à Kampala en décembre 2011, une session de réflexion a été organisée entre le chercheur et les managers. Nous y avons présenté notre interprétation du problème, et proposé de lancer une réflexion sur les solutions, en nous inspirant notamment des pratiques développées au sein du PPWSA. Cette co-construction de l’interprétation a également impliqué des experts du champ interviennant auprès du NWSC. Les réactions générées au cours de ce processus d’intervention ont été traitées comme autant d’éléments qui nous permettaient d’affiner notre interprétation.

Figure 8 : Principales étapes du processus d’interaction entre le chercheur et l’organisation, NWSC, Ouganda 3.3.2 Le rôle des échanges professionels dans l’identification des

logiques institutionnelles du secteur de l’eau urbaine

Notre travail d’interprétation a porté, entre autres, sur une identification des logiques institutionnalisées dans le champ organisationnel, c’est-à-dire le secteur de l’eau urbaine. Pour ce faire, nous avons d’abord réalisé une revue de littérature puisant dans les ouvrages et rapports des acteurs influents du champ organisationnel (Banque Mondiale et

International Water Association essentiellement) et dans les études empiriques portant

sur le secteur de l’eau urbaine, en recherchant les articles portant sur la mesure de la performance, la performance des opérateurs d’eau et les réformes de Nouveau Management Public. Nous nous sommes ensuite appuyée sur de nombreux échanges avec les experts et les professionnels. D’abord, nous avons animé deux sessions de formation dans le cadre d’un master formant des managers de service d’eau déjà en fonction venus de différents pays africains. Lors de la première, nous avons fait réagir les participants à notre interprétation du cas ougandais. Dans la seconde, nous avons rapporté la façon dont le changement a été conduit du point de vue des Directeurs Généraux du NWSC et du PPWSA. Menant ces formations avec des experts du secteur, nous avions ainsi saisi l’opportunité de mieux distinguer les pratiques légitimes qui était d’ordre culturel, propre à chaque pays, de celles du champ. Par exemple, les managers

issus d’Afrique francophone ne concevaient pas l’idée de mettre en place un système d’incitation à la performance avec des cérémonies de remise de prix pour récompenser les meilleurs managers. En revanche, la pratique des coupures d’eau ou la focalisation sur certains indicateurs de performance comme le taux de recouvrement était perçu comme tout à fait normal quels que soient les pays. Nous avons également conduit une série d’entretiens avec des experts du secteur pour partager certains questionnements, et assisté à des sessions de formation délivrées par des experts (voir Tableau 11), pour approfondir notre compréhension des institutions du secteur de l’eau urbaine et leur origine. Nous avons également participé aux sessions qui abordaient la question de la mesure de la performance et du benchmarking au Forum Mondial de l’Eau, qui s’est tenu en mars 2012 à Marseille. Nous avons ainsi validé le fait que le choix des indicateurs de performance pour la mesure de la performance était considéré comme une activité technique neutre, nécessairement bénéfique.

Thème de la discussion Expert

Services publics d’eau dans les pays du Sud C Pezon The voice of the consumers R Franceys

Performance indicators for Water utilities B Dardenne, ASPA Utilities Conduite du changement dans les services d’eau

des pays en développement

J Bertrand, Aquaorbi, ex. Safege

Performance indicators for Water utilities A Mangano, Dir. des contrats à l’international, ACEA, Rome, Italie

Tableau 11 : Entretiens avec des experts du secteur de l’eau

Conclusion de la partie 3 de la section 2 :

Cette troisième partie présente les principaux éléments permettant de comprendre notre démarche de traitement et d’analyse des données. Après avoir présenté notre méthode de traitement du matériau empirique constitué, elle met en évidence un processus récursif entre la construction de l’objet de recherche, la collecte des données, le traitement et l’analyse des données, et l’interprétation du cas. Nous montrons le rôle important joué dans ce processus d’interprétation par notre recherche-intervention (David, 2008), et par nos échanges avec les professionnels du secteur.

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