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logique de marché

Section 1 Le processus d’institutionnalisation de la logique de marché

2 La période 000 004 : l’introduction des contrats de performance pour gérer un conflit institutionnel

2.4 L’introduction des contrats de internes de performance : à recherche d’une conformité institutionnelle

2.4.3 Le programme «Stretch-out » : viser toujours plus haut avec les travailleurs

Deux ouvrages sur le management d’entreprise ont inspiré le programme « Stretch-out » lancé en août 2002 : « Jack Welch: the GE Way » de Robert Slater (1998), et « Who

moved my cheese » de Spencer Johnson (1998). Le DG en a retenu l’idée qu’en tant que leader, il devait encourager l’émergence de nouvelles idées, la participation des

employés, leur créativité, et la mise à disposition de fonds nécessaires à la réalisation de ces idées, pour que l’entreprise se dépasse. Cette idée lui fit considérer le management par objectif d’un œil critique. En relatant cette étape de la construction des contrats internes de performance, il explique comment le niveau des objectifs fixés dans les APC étaient volontairement peu ambitieux pour assurer aux directeurs d’agence un succès et donc leur adhésion à la nouvelle ligne managériale. Cette pratique des APC n’était pas en ligne avec ses principes fondateurs, et leur remise en cause paraissait raisonnable.

« Comme un senior manager le faisait justement remarquer à l’époque, on semblait se contenter de la zone confortable des objectifs SMART. »117

(Muhairwe, 2009, p. 112)

Par ailleurs, les lectures du DG lui auraient fait voir dans la base opérationnelle du NWSC une ressource qu’il pouvait mobiliser pour identifier les problèmes et rechercher des solutions dans une relation partenariale. Le DG introduisit le concept de « Stretch-out » en 2003. Selon ce nouveau programme, des incitations financières supplémentaires étaient promises aux agences qui présenteraient des objectifs plus ambitieux que les objectifs SMART. En plus des incitations financières associées aux APC, un bonus de 25% du salaire mensuel brut était distribué aux agences qui atteignaient les cibles

Stretch. L’atteinte des cibles Stretch pouvait permettre de doubler le salaire fixe.

Outre l’introduction d’une incitation financière supplémentaire, ce programme a ouvert un espace de discussion sur les stratégies à développer entre les managers et le personnel exécutant. Les agences devaient ainsi réunir le personnel pour qu’il propose des projets plus ambitieux que ceux sur lesquels elles s’étaient engagées dans leur plan d’affaire118.

Des groupes de travail constitués par les employés ont été créés, animés par des représentants du Siège. Ils avaient pour mission de redéfinir les stratégies pour améliorer

117 Traduction libre de : « As one senior manager aptly observed at the time, we seemed to be

content to stay in the ‘comfort zone of SMART targets ».

les pratiques. L’arbitrage entre les différentes propositions devait en principe être fait par le directeur de l’agence. Le slogan du programme « Le ciel est la seule limite »119 a

encouragé l’émergence d’ambitions dans les agences. L’agence de Masaka voulait « être le service d’eau et d’assainissement n°1 en Ouganda », celle de Soroti « être un modèle dans la fourniture de services d’eau et d’assainissement efficace et rentable en Afrique », et celle de Lira « être le service d’eau et d’assainissement modèle du monde » (Muhairwe, 2009).

Déployé sur deux phases de trois et six mois, le programme « Stretch-out » aurait, selon le DG, engendré un changement radical d’attitude, du fait d’avoir donné la parole aux travailleurs. Cette expression inédite aurait fait naître un sentiment d’appartenance à l’entreprise aux plus bas échelons. Cette vision semblait perdurer en 2010 dans l’organisation, comme l’illustre le commentaire du Secrétaire National du syndicat :

«Surtout avec le Stretch Programme. Ils étaient appelés pour exprimer leur propre vision des choses et leurs commentaires sur leur superviseur. Ils ont commencé à réaliser qu’ils étaient l’organisation. Ils ont commencé à apporter de nouvelles idées.«120 (Secrétaire Nationale du Syndicat, employé au

NWSC, entretien 2010).

Cette dimension participative du programme a paradoxalement provoqué sa fin prématurée 9 mois seulement après son lancement. En effet, il fut rapidement perçu comme un élément perturbateur de l’ordre social au sein de l’organisation. Les groupes de travail étaient devenus des espaces de protestation contre les élites, les employés remettant parfois directement en question leurs supérieurs hiérarchiques. Ces confrontations ont créé des conflits ouverts mal vécus par les managers. De plus, l’arbitrage fait par les directeurs d’agence sur les propositions des groupes de travail n’était pas toujours en accord avec la vision du Siège. La direction aurait ainsi remis en question les décisions prises, fragilisant ainsi les directeurs d’agence. C’est en arguant des coûts trop élevés de ces ateliers participatifs que la direction mit fin à cette expérience.

Malgré la courte durée de cette expérience, ce programme semblait avoir marqué les esprits. En 2010, le personnel qui y avait participé en parlait comme d’un temps où ils avaient enfin pu être pris en considération. Un technicien d’une agence qui avait 26 ans d’expérience au NWSC en 2010 témoignait ainsi :

119 « only the sky is the limit »

120 Traduction libre de : « Especially with the Stretch Programme. They were called and asked to

« Au début des IDAMC121 il y avait quelques programmes motivants et des

ateliers pour sensibiliser les employés. (...) Le programme One-Minute, 100 Days, Stretch. Ils étaient très motivants. »122 (Technicien senior en agence,

entretien 2010)

Stretch est devenu un mot courant dans le jargon de l’entreprise publique. Il signifiait le

fait d’avoir de l’ambition : « we need to stretch » pour « on a besoin de se dépasser. ». Dans les mécanismes d’incitation à la performance, ce qui restait de ce programme en 2010 était la possibilité de fixer deux niveaux d’objectifs : le niveau des objectifs SMART qui est la performance que l’entreprise peut atteindre en conservant son rythme de travail habituel, et le niveau des objectifs Stretch, que l’entreprise peut atteindre seulement si les individus se dépassent. Ce qu’il restait aussi de cette expérience, c’est que les nombreux ateliers de discussion sur la performance au sein de l’entreprise ne rassemblaient plus désormais que les managers.

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