• Aucun résultat trouvé

institutionnelle : une approche critique du contrôle de gestion

Section 1 Epistémologie de la recherche

2 Eléments de réflexion sur la subjectivité du chercheur

L’auteur d’une recherche interprétative est imprégné de ses propres a priori et représentations. Toute recherche de ce type est subjective, et c’est de cette subjectivité dont nous voulons parler en abordant le rôle du chercheur dans la construction du projet de recherche (2.1) et l’impact de son propre intérêt dans l’accès à la connaissance (2.2) (De Loo, Lowe, 2012). Traitant de la subjectivité, nous nous autorisons dans cette partie à écrire à la première personne du singulier.

2.1 Le rôle du chercheur dans la construction du projet de recherche La construction de ce projet de recherche repose principalement sur mon intérêt pour le sujet, et sur mon ambition de contribuer à un courant théorique et à des connaissances empiriques. Les questionnements exposés dans l’introduction de cette thèse sont le fruit d’une expérience professionnelle de six ans en tant qu’ingénieur de l’eau. Ma pratique du conseil et de l’expertise auprès de services publics d’eau urbaine, en qualité de fonctionnaire de l’Etat français, s’est nécessairement appuyée sur des représentations de ce que devait être la mission et la performance de ce type de service public. C’est par la confrontation de mes représentations avec celle d’autres professionnels que la neutralité de ce qui était désigné comme « la performance » dans le secteur a commencé à être remise en cause. Il m’apparaissait de plus en plus clairement que la performance dépendait étroitement des dimensions de l’action du service d’eau prises en compte. La définition de la performance dépendait également de la position de l’acteur qui l’évaluait

(conseiller, gestionnaire, élu local, usager, politique, administration de l’Etat, etc.). Pour moi, la performance du service public de l’eau urbaine se lisait dans sa capacité à optimiser le tarif de la vente d’eau pour permettre un développement durable du service, c’est-à-dire qui prend en compte les dimensions sociales, environnementales et économiques de la performance sur le long terme. D’autres voyaient la performance dans le fait d’offrir le plus bas tarif tout en ayant le moins de plaintes possibles des usagers. Le débat idéologique qui agite le secteur formait un terreau de réflexion à cette question fondamentale de la performance poursuivie par un service public d’eau urbaine, et aux modes de gestion le plus adaptés pour y répondre. Aussi fondamental et intéressant soit- il, ce débat me semblait pâtir de présupposés et de positions dogmatiques qui menaient ces réflexions dans l’impasse. L’usage des indicateurs de performance a commencé à devenir obligatoire en France fin 2006. C’était alors considéré comme une bonne pratique, qui était toutefois mal comprise des acteur du secteur. Rendre des comptes sur la base d’un ensemble d’indicateurs de performance était perçu comme une activité technocratique qui n’apportait rien. Les deux seuls indicateurs qui comptaient, étaient le rendement de réseau (donnant une idée de la qualité du réseau) et le prix de l’eau. Pourquoi les indicateurs avaient-ils été introduits ? Est-ce qu’ailleurs qu’en France leur usage avait apporté quelque chose ? Est-ce qu’il y avait une vision de la performance dominante dans le secteur ? J’avais observé par ailleurs que lorsqu’un financeur imposait d’atteindre des résultats sur un indicateur, les services d’eau avaient tendance à changer leurs pratiques, ce qui pouvait créer des effets pervers. Ce sont donc ces premières réflexions issues de mon expérience professionnelle qui ont été à l’origine de ce projet de recherche.

2.2 Le chercheur dans le processus d’accès à la connaissance

Ma position de chercheur, d’ingénieur de l’eau et de fonctionnaire de l’Etat français a fortement conditionné ma relation au terrain, c’est-à-dire mes observations et mes interactions avec les acteurs de l’organisation. Etre ingénieur de l’eau a été un atout pour appréhender rapidement certaines problématiques propres au secteur, mais aussi pour identifier le fond culturel commun partagé entres ingénieurs. Le comportement des acteurs face à ce statut d’ingénieur renseignait également sur la signification locale de ce statut social et professionnel, ainsi que sur le pouvoir qui y était associé.

La reconstitution de l’identité professionnelle des ingénieurs ougandais a été élaborée par comparaison avec ma propre identité professionnelle. Elle a nécessité une desconstruction de mes préjugés, idées reçues, et représentations. Ces préjugés portaient sur le rôle des ingénieurs, leur relation au politique, au financier, et sur les objectifs et priorités jugés appropriés à un service d’eau urbaine. Par exemple, je me suis aperçue que les valeurs de service public, qui sont fortement ancrées dans mes

représentations du fait de ma formation en France, et de mon statut de fonctionnaire de l’Etat, était un moteur de mon action qui n’était pas partagé par mes collègues ougandais. L’immersion dans un pays étranger a constitué à la fois un handicap et un atout pour conduire un travail d’interprétation visant à mettre en évidence des logiques institutionnelles. Il est un handicap du fait de la barrière de la langue, du temps limité, et des limites cognitives du chercheur, qui ne perçoit ainsi qu’une image réduite et déformée de ce qui se joue dans l’organisation, c’est-à-dire de la « scène organisationnelle » (Czarniawska-Joerges, 2008). Ce peut être aussi considéré un atout, dans le fait d’avoir à se référerer à un système de représentation différent, ce qui facilite l’identification des présupposés, normes, préjugés et croyances.

Malgré ces différences, le fonds culturel commun d’ingénieur de l’eau a structuré les investigations de terrain, offrant davantage d’opportunités d’entrer en communication et d’interagir avec des ingénieurs, dans la mesure où nous partagions spontanément des préoccupations, des questionnements et des centres d’intérêts. Le déficit de prise en compte de problématiques techniques, qui constituait une préoccupation des ingénieurs ougandais, a constitué un fil conducteur des échanges au sein de l’organisation. Ma propre culture a ainsi conditionné mon parcours dans l’organisation.

Conclusion de la partie 2 de la section 1 :

Cette partie dévoile les représentations du chercheur, ingénieure de l’eau, et fonctionnaire de l’Etat français, qui a influencé la façon de concevoir la mission et la performance d’un service public de l’eau urbaine. Cette identité marquée dans le secteur étudié a conditionné notre cheminement au sein des organisations étudiées.

Conclusion de la section 1 :

Cette section a présenté la démarche interprétative adoptée dans le cadre de la recherche. Elle cherche à cerner la subjectivité du chercheur, ingénieure de l’eau et fonctionnaire de l’Etat français, dans la construction du projet de recherche et son rapport au terrain.

Section 2 Méthodologie

Cette section présente la façon dont a été conduite la recherche. Le design de la recherche, c’est-à-dire les principales étapes constitutives du projet, est d’abord exposé (1). La manière dont les données ont été collectées (2), traitées et analysées (3) est ensuite explicitée. Enfin, la question éthique posée par la conduite de cette recherche est évoquée (4).

Outline

Documents relatifs